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Transformation digitale : L’Etat accélère les chantiers numériques

 

De nombreux textes juridiques peuvent avoir du mal à suivre le rythme des changements rapides générés par la numérisation. Il est donc essentiel que l’exécutif et les législateurs soient à pied d’œuvre pour adapter les lois et répondre au mieux aux injonctions de l’ère numérique.

La révision du cadre juridique et de la gouvernance numérique, de la transformation numérique de l’administration publique visant à assurer une modernisation et une simplification des services de l’administration figure parmi les principes directeurs de la nouvelle stratégie numérique 2022-2025. Une stratégie qui vise à placer la digitalisation au cœur du développement.
Le gouvernement actuel, sous l’égide de Ahmed Hachani, et dans le souci de rattraper les retards accumulés par la mise en œuvre de ladite stratégie, a annoncé, lors d’un Conseil ministériel tenu ces derniers jours, son mode opératoire, par la création d’une commission ministérielle technique restreinte. Objectif : instaurer un cadre réglementaire adéquat et législatif de la transition numérique et lui assurer les conditions de réussite. Il va sans dire qu’on ne peut passer à la digitalisation avec des lois caduques. Cette commission se chargera donc de réviser, dans les plus brefs délais, les principaux textes juridiques qui ne répondent plus à l’ère du temps.

Du pain sur la planche

Elle se chargera également de l’élaboration de certaines propositions, dont l’adoption de l’identifiant unique du citoyen, la généralisation de la Plateforme nationale d’interopérabilité, de l’intégration des services destinés au citoyen dans le portail du citoyen et l’adoption des mécanismes communs dans tous les services administratifs électroniques dans les domaines de la santé, de l’éducation, des assurances, des paiements en ligne et bien d’autres domaines d’application.
Un travail colossal, délicat et complexe sur la table, puisqu’il s’agit de garantir la réussite de cette démarche qui va métamorphoser l’administration tunisienne et permettra de mettre le numérique au service de la transformation sectorielle en se référant aux axes de la stratégie numérique 2022-2025 qui tendent, outre les principes directeurs précédemment cités, à encourager les investissements étrangers et locaux, développer un écosystème de start-up et d’innovation, adopter la politique de formation et d’emploi selon les besoins et, pour terminer, mettre en place une politique de cybersécurité. L’important est de respecter les droits individuels et fondamentaux.

Des textes juridiques à réviser

A ce propos, l’expert judiciaire en informatique et membre de l’Ordre des experts internationaux, Berhouma Abdeljabbar explique à notre journal que la numérisation a profondément transformé de nombreux aspects de la société, y compris le domaine juridique. Certains textes juridiques peuvent paraître obsolètes ou non adaptés à l’ère de la numérisation. En cause, divers facteurs, tels que les nouvelles technologies, les modèles commerciaux émergents et les défis liés à la protection des données. Parmi les textes juridiques qui pourraient nécessiter une mise à jour ou une révision, il cite les lois sur la confidentialité des données, le droit d’auteur et la propriété intellectuelle, les contrats et les signatures électroniques, le commerce électronique et le commerce en ligne. Les taxes sur les ventes en ligne, la responsabilité des plateformes de commerce électronique pour les produits vendus sur leurs sites, etc., peuvent requérir des ajustements pour représenter les nouveaux modèles commerciaux et répondre aux défis associés à la vente en ligne.
Avec la montée de la cybercriminalité, la multiplication de lois et de réglementations en rapport avec les crimes informatiques, la protection des données et la sécurité des systèmes informatiques, une mise à jour est indispensable pour protéger au mieux les individus et les entreprises contre toutes sortes de menaces numériques. Quant aux lois régissant la liberté d’expression et la censure en ligne, elles doivent être révisées pour équilibrer les droits des individus à la liberté d’expression avec la nécessité de réguler le discours haineux, la désinformation et d’autres contenus nuisibles en ligne. Ces exemples montrent que de nombreux textes juridiques peuvent avoir du mal à suivre le rythme des changements rapides induits par la numérisation. Il est donc essentiel que les législateurs œuvrent à mettre à jour et à adapter ces lois pour mieux répondre aux réalités de l’ère numérique, souligne notre expert.

Protection des données, droits d’auteur versus cybercriminalité

Compte tenu des avancées technologiques et de l’importance croissante de la numérisation en Tunisie, il est possible que la législation actuelle sur la protection des données nécessite aussi des révisions pour mieux répondre aux nouveaux défis et aux normes internationales en matière de confidentialité des données. Ces révisions pourraient inclure des dispositions spécifiques relatives aux données numériques, la sécurité des données et les droits des individus dans un contexte numérique.
Bien que la loi tunisienne sur le droit d’auteur et les droits voisins fournisse un cadre juridique robuste pour la protection de la propriété intellectuelle, comme dans de nombreux pays, elle peut nécessiter à son tour des ajustements pour mieux répondre aux défis que pose la numérisation, notamment en ce qui concerne la protection des œuvres en ligne, la lutte contre le piratage numérique, et la protection des droits des créateurs dans l’environnement numérique.
En outre, en Tunisie, la cybercriminalité et la sécurité informatique sont principalement régies par la loi n° 2004-575 du 24 juin 2004 sur la lutte contre le terrorisme et la loi n° 2009-04 du 3 février 2009 relative à la cybersécurité. Ces lois fournissent un cadre juridique pour consolider la lutte contre la cybercriminalité et promouvoir la sécurité informatique en Tunisie. Elles visent à protéger les systèmes d’information contre les cyberattaques, à réprimer les activités criminelles en ligne et à renforcer la coopération nationale et internationale dans ce domaine. Cependant, et compte tenu de l’évolution rapide du paysage numérique et des menaces cybernétiques, il peut être nécessaire d’actualiser et de renforcer ces lois pour mieux protéger les systèmes d’information et lutter contre la cybercriminalité, fait savoir Berhouma Abdeljabbar.

La révision des lois, une étape cruciale

La situation actuelle en matière de digitalisation dans notre pays est préoccupante et nécessite des solutions urgentes, souligne de son côté le président de l’Association tunisienne des technologies digitales, surtout si l’on considère les taux de couverture d’Internet en Tunisie. D’après le dernier rapport de l’Observatoire de l’instance nationale des télécommunications, les ménages se situent en première ligne avec 51,4%, tandis que le taux de couverture d’Internet mobile caracole à 90,3% au premier trimestre 2023. Ces chiffres montrent bien que les Tunisiens sont de plus en plus connectés. Ce qui devra accélérer la digitalisation des services administratifs pour répondre aux attentes croissantes de la population. Il est aussi important de simplifier les procédures administratives pour faciliter l’accessibilité à certains services et renforcer leur efficacité. La digitalisation doit être une opportunité pour alléger les démarches des citoyens, et non pour les rendre plus complexes. Cependant, la question cruciale est la suivante : quand cette révision sera-t-elle effectuée ? se demande-t-il.

Déficiences et solutions

Nous avons remarqué un effort considérable de l’État pour inciter ses institutions à se digitaliser. Cependant, ces efforts sont souvent éparpillés entre les ministères, ce qui peut entraîner des incohérences. Cette situation provoque parfois de la frustration lors de l’utilisation des outils numériques et soulève des doutes quant à leur efficacité, entraînant par conséquent une faible adoption de ces technologies. L’une des lacunes les plus visibles est la tendance à transposer simplement des procédures administratives sur un support digital. Or, il serait plus judicieux de proposer de nouvelles procédures qui tirent pleinement parti des solutions digitales et des nouvelles technologies.
Cela nous conduit à un autre point crucial en lien avec la compétence numérique de nos fonctionnaires. Il est essentiel à ce propos de développer et d’améliorer leurs compétences pour que le premier cycle d’adoption de la technologie se fasse à leur niveau. Pour améliorer le secteur de la digitalisation, le gouvernement tunisien doit se concentrer sur plusieurs aspects en dehors du cadre juridique, souligne l’expert en technologies de la digitalisation.

Pour s’aligner sur les nouvelles tendances

Pour ce qui est du développement des compétences numériques, il est crucial d’investir dans la formation des fonctionnaires et de la population pour augmenter l’accessibilité et l’efficacité des outils numériques. Le gouvernement devra repenser les procédures administratives pour les rendre plus efficaces et adaptées à l’ère du numérique, sans oublier d’assurer l’interopérabilité (capacité des systèmes à opérer ensemble). Il est essentiel que les différents systèmes numériques des administrations publiques puissent communiquer entre eux pour une meilleure efficacité et promotion de l’innovation, en encourageant les partenariats entre le secteur public, le secteur privé et la société civile pour stimuler l’innovation dans le secteur numérique.
Outre les aspects mentionnés précédemment, il est essentiel de reconnaître que la mise en place d’un système numérique est un processus continu. Pour qu’il réponde aux exigences futures des utilisateurs et s’aligne sur les tendances technologiques, il faut faire évoluer constamment le système. Cela nécessite une veille technologique permanente et une capacité d’adaptation rapide, constate-t-il. Et de conclure que, pour assurer cette évolution constante, le gouvernement doit trouver des moyens d’imposer l’innovation, ce qui ne peut se faire qu’à travers des partenariats efficaces entre le secteur privé et la société civile. Ces partenariats permettront de tirer parti des compétences, des ressources et de la créativité de différents acteurs pour développer des solutions numériques innovantes et durables.

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