Mes Humeurs: Cherche désespérément luthier
Stradivarius, un nom de fleur, d’un insecte, d’une bête préhistorique ? Vous n’y êtes pas; c’est le nom légendaire des violons les plus chers au monde. Stradivarius vient simplement de son génial inventeur Antonio Stradivari, le luthier italien de Cremone (Lombardie), né il y a un peu plus de trois siècles, il a doté la forme la plus parfaite au violoncelle à l’alto, et a tracé un destin unique au violon. Stradivarius incarne la perfection, l’excellence. Son secret? Des morceaux de bois d’épicéa, d’érable et d’ébène, bien dosés, des pigments et des couches de vernis, savamment composées, des moules, …et le génie humain (calcul mathématiques, etc). Le tout a donné des sonorités célestes… et généré des prix conséquents.
Dans le monde musical, le nom est devenu une légende, le prix des instruments (spéculation aidant) a atteint des sommités stratosphériques. Le luthier en a fabriqué mille exemplaires entre violons, violoncelles, altos et quelques guitares, il en reste six cents modèles, actuellement répertoriés dans le monde. Décidément, les musiciens qui jouent de ces inabordables instruments sont les meilleurs virtuoses de leur temps (Menuhin, Perlman, Stern, etc.), ils ne courent pas les rues ni les scènes à spectacles populaires. Le nom Stradivarius est devenu immortel, les marques commerciales s’en sont emparé, une maison de disques, des trompettes, du champagne, une marque de vêtements qui arbore la clef de sol.
Si j’évoque ce nom de violon dans cette humeur, c’est parce que je suis choqué, affligé par l’inéluctable et rapide disparition du métier de luthier en Tunisie. En visite il y a près de six mois dans une ville moyenne de l’est de la Turquie (Ghaziantep), j’ai découvert, sans étonnement, toute une rue réservée à ce corps de métier collé à celui de musicien ; à Istanbul c’est un quartier qui est réservé à la lutherie, à Marrakech, à Alep (avant la sainte révolution) et dans d’autres villes arabes, les luthiers qui sont une vitrine du monde musical font honneur à la ville ; ils ont leur quartiers, des rues et un nom, leurs clients, les amateurs, etc. Que reste-il de ce corps dans notre pays ? Ils ne dépassent pas dix artisans (en comptant large). Il fut un temps où une famille représentait ce métier, les Jemaïel, Abdelaziz et son fils Hédi ; aujourd’hui, la lutherie vivote (jusqu’à quand?), rendant l’âme sans que les tutelles (artisanat, tourisme, culture) ne s’en soucient.
Quelques artisans surnagent (Maher Cherif, Belasfar, etc.) et des luthiers de l’Office de l’Artisanat qui confectionnent des instruments, plutôt destinés à des touristes, remarque le musicien-luthiste Riadh Fehri qui nous apprend qu’il y a sept ou huit luthiers pour l’ensemble du pays. Triste constat !
Une question mérite d’être posée : comment évoluent ou se débrouillent les centaines de chanteurs et de luthistes pour trouver, commander et choisir leur instrument ?
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