Economie tunisie

L’entreprise autrement | Ramadan, mêmes problèmes, mêmes pseudo- solutions (III)

 

Tel que compris par les masses, et tel qu’il est géré par les décideurs, Ramadan s’accompagne d’une augmentation notable de la consommation avec une baisse visible de la productivité des salariés. Grâce à la première, plusieurs secteurs tels que l’alimentation, le transport, l’habillement, le cuir et chaussures, la bijouterie, les jouets, les médias audio-visuels (pub) y trouvent leurs comptes.  A cause de la seconde, c’est-à-dire la baisse de la productivité dans le secteur salarial, tout tourne au ralenti et le fameux «revenez après l’Aïd» devient monnaie courante. Cela à cause de la diminution du temps de travail et aussi du rythme de vie des salariés, lequel est incompatible avec l’exigence de la productivité déjà vacillante au cours du reste de l’année. Ramadan qui, dans son essence et sa finalité, est le mois de l’abstinence, de l’éveil de la conscience et du travail bien fait, du self-contrôle, de la solidarité, du vivre-ensemble et plein d’autres bienfaits, devient chez nous le mois de la paresse, de la procrastination, du travail bâclé et de plein d’autres vices. Mais pour les indépendants, agriculteurs, commerçants, artisans, professions libérales et autres prestataires de services, Ramadan signifie souvent plus de travail et plus de rendement, quitte à reprendre le travail après la rupture du jeûne. Parmi les problèmes que nous avons soulevés, dans nos précédentes chroniques concernant la valeur «travail» ainsi que pour la gestion du pays, citons ceux liés à la ro’ iya (observation visuelle du croissant lunaire pour la détermination du début et de la fin du mois), qui signifie flottement, atteinte à la notion de planification et dans une certaine mesure la diminution de la productivité.  S’obstiner à vouloir déterminer le début puis la fin du mois saint à l’aide la ro’iya est, en effet, un acte qui, à la fois, fait sourire et pleurer. Dans le Coran, Dieu a été précis, il s’agit de constater solennellement et d’une manière infaillible et irréfutable la naissance du nouveau croissant (Chahida), ce que les calculs astronomiques et les satellites artificiels permettent et non d’observer visuellement ou le voir (che’ hada). Un flottement, côté horaires du travail lors de ce que l’on appelle «la nuit du doute», et l’annonce, début de la nuit de l’avènement du mois saint que l’on pourrait facilement qualifier de surréaliste et même absurde. Le problème devient plus grave pour l’annonce de l’avènement de l’Aïd. Là, des centaines de milliers de gens ne sauront pas si le lendemain ils travaillent ou non. Il s’agit d’un manque flagrant de sérieux, qui ne manquera pas de porter atteinte à la crédibilité aussi bien de l’Etat qu’à celle de l’ensemble du secteur économique et financier. Cela sans oublier stress, frustrations et moult désagréments causés à l’ensemble de la population, surtout aux catégories appelées à se déplacer. Le gouvernement aurait pu remédier à cet aspect du problème, en attendant de le résoudre définitivement, en décrétant la journée successive à la «nuit du doute» celle de l’Aïd surtout, journée chômée. Ainsi il évitera à tout le monde ce calvaire.

Or, le problème disparaîtra si l’Etat décide de renouer avec la méthode du calcul pour la détermination de l’avènement de chaque nouveau mois lunaire. Méthode qui était en vigueur avant le coup d’Etat du 7 novembre 1987.

Hérité du régime déchu, le 15 janvier 2011 et jours suivants, qui l’avait instaurée en avril 1988, afin de couper l’herbe sous les pieds des intégristes, la méthode basée sur la ro’ya était déjà obsolète. Réunis à Istanbul en 1963, les représentants des pays musulmans avaient, en effet, décidé d’abandonner la ro’ya et de la remplacer par le calcul. Décision immédiatement appliquée par la Tunisie alors que d’autres pays l’ont, sous la pression de positions rétrogrades, laissée lettre morte. Il est donc inadmissible de voir l’Etat continuer à appliquer ce triste décret du régime déchu, daté de 1988, et de se comporter de la sorte vis-à vis d’une religion qui incite à l’innovation et d’un pays qui aspire à plus de sérieux, de crédibilité et de productivité. Pour décréter l’avènement du présent Ramadan, le mufti avait bien reconnu implicitement, cette nuit-là, que l’observation visuelle n’avait rien donné et partant il s’est basé, sur l’impératif de l’unité de la «oumma» (nation) islamique ainsi que sur la non exigence de la différence des divers levers du croissant, selon la région. Ledit décret évoquant, précisons-le,  la possibilité de se référer, par acquit de conscience, au calcul.

Nous avons pourtant soulevé, à plusieurs reprises, ce problème, sur les colonnes de notre journal, et même dans divers milieux, et ce, depuis la chute de l’ancien régime (Voir par exemple notre article publié le 08-06-2016 dans votre journal). Rien n’y fait, les gouvernements successifs ont continué de fermer les yeux sur cette aberration de taille. (A suivre)

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