Culture

«Hiding Saddam» de Mustafa Halkawt, sur nos écrans, le 16 juin 2024 : Avoir Saddam Hussein sur les bras

 

On ne vous a pas encore tout dit sur Saddam Hussein ! Le réalisateur kurde, aujourd’hui naturalisé norvégien, Mustafa Halkawt, a présenté en avant-première son film «Hiding Saddam» au Colisée. Le film sera sur nos écrans le 16 juin. Un document historique avec une narration haletante et un dispositif cinématographique très intelligent.

Qu’est-ce qu’on peut dire sur Saddam Hussein lorsque tout a été dit ? Sur Google, on peut tout savoir sur l’ancien chef d’Etat irakien, sur l’invasion américaine, sa capture par les GI’s, et jusqu’à sa condamnation. Par contre, personne ne sait quoi que ce soit sur le «trou» creusé dans un jardin pour cacher Saddam Hussein dans une bourgade de l’Irak. Et qui peut mieux raconter cette histoire que l’homme qui a eu l’idée de creuser ce fameux trou et qui a caché Saddam pendant des mois dans sa ferme ? Son nom est Alaa Namiq. Et il a pris le risque de cacher un homme recherché par 150.000 soldats américains armés jusqu’aux dents et qui fouillent toutes les maisons, matelas par matelas.

Ainsi, le récit du film est conduit par cet homme assis par terre sur un tapis. Lorsqu’il a commencé à parler, on n’aurait jamais cru qu’il nous tiendrait en haleine pendant plus d’une heure. Sa voix conduisait avec le plus grand calme un récit terrible et terrifiant ; parfois il s’arrête sous le coup de l’émotion, et c’est le silence. Ce silence spontané donne au film documentaire beaucoup de poids.

Dès le début, nous avons senti que le réalisateur Mustafa Halkawt détenait là un excellent «storyteller», une aubaine lorsqu’on réalise un documentaire.    

Un film construit sur trois axes

Le film est construit sur trois axes : le puissant récit d’un homme que personne au monde ne connaît, des archives montrant tout ce que les Américains ont fait en Irak pendant cette chasse à l’homme, et des scènes de reconstitution pour illustrer ce qui s’est passé entre Saddam Hussein et Alâa Namiq.

C’est dans ce troisième axe que le réalisateur fait ressurgir toute l’humanité d’un Saddam Hussein abandonné par les siens et qui se lie d’amitié avec ce paysan irakien. Un héros qui a subi des tortures par les Américains sans révéler l’emplacement de Saddam. Beaucoup de Kurdes ont reproché au réalisateur d’avoir fait ce film.

Comment un Kurde, dont le peuple a été décimé par Saddam Hussein, peut-il faire un portrait aussi humain de l’ancien dirigeant fort de l’Irak ?

Dans ce film, Saddam est présenté comme un martyr de la cause arabe, refusant de céder son pays. Rare est ce point de vue dans les médias contrôlés et les festivals de complaisance.

Dans une interview publiée dans nos colonnes (cf. La Presse, 11 juin 2024), Mustafa Halkawt a déclaré vouloir être honnête vis-à-vis de l’histoire et dénoncer une guerre qui a décimé des milliers de personnes, alors qu’elle était basée sur un mensonge : l’accusation de cacher des armes de destruction massive.    

Un film honnête, un récit bien construit et un montage conduit d’une main de maître, car aucun plan (des trois axes précités) ne nous sort de ce récit et à aucun moment nous ne ressentons l’effet «déménagement» qui résulte du va-et-vient entre la reconstitution, les archives et le récit.

On se souviendra longtemps de ce plan, qui nous a vraiment marqués, filmé avec un drone et montrant Alâa Namiq en train de creuser le fameux trou. À lui seul, le mouvement du drone est une mini-narration fabuleuse.

Oui, mais en fin de compte, qui a vendu la mèche aux Américains qui étaient pendant des jours à côté de l’emplacement de Saddam sans le découvrir ?

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