Economie tunisie

Fardeau des subventions en Tunisie : Entre crise budgétaire et besoin de réformes

 

Les subventions en Tunisie, autrefois outil essentiel pour soutenir les plus vulnérables et garantir la stabilité sociale, sont aujourd’hui au cœur d’une crise budgétaire. Dans un contexte où les coûts exorbitants et les détournements vers le marché noir font planer des ombres sur l’efficacité de ce mécanisme, il est temps d’examiner de près l’origine de ce mal et les réformes nécessaires pour rétablir l’équilibre.

Depuis leur introduction en Tunisie, les subventions ont été un mécanisme essentiel pour soutenir les catégories vulnérables et garantir la stabilité sociale. Cependant, aujourd’hui, elles se trouvent au cœur d’une crise budgétaire qui exige une réforme urgente pour rétablir l’équilibre financier tout en maintenant le soutien essentiel aux catégories vulnérables.

Une expansion démesurée

Pour comprendre la crise budgétaire actuelle, il est essentiel de remonter aux origines des subventions en Tunisie. Elles ont été initialement mises en place pour atténuer la pauvreté, stabiliser les prix des produits de première nécessité et favoriser la cohésion sociale. A l’époque, elles étaient une réponse nécessaire aux besoins économiques et sociaux du pays. Cependant, au fil du temps, le système de subventions a connu une expansion démesurée.

A titre d’exemple, pour l’exercice 2021, les dépenses de subvention de l’Etat sont estimées à 3,401 milliards de dinars, soit 8,3% du total des dépenses du budget de l’Etat et 2,8% du PIB. Cette augmentation constante des coûts des subventions a contribué de manière significative à la pression sur les finances publiques.

La crise budgétaire actuelle découle en grande partie de la gestion des subventions en Tunisie, étant donné que ces dernières représentent une part importante des dépenses publiques, exerçant une pression considérable sur le budget de l’Etat. Les coûts associés à la subvention des produits tels que les carburants, les denrées alimentaires et l’énergie sont devenus insoutenables, contribuant à un déficit budgétaire croissant. Cette proportion élevée a limité la capacité du gouvernement à investir dans d’autres secteurs cruciaux tels que la santé et l’éducation.

Un impact à plusieurs niveaux

L’impact de cette crise budgétaire se fait sentir à plusieurs niveaux. Les subventions excessives ont distordu l’économie, entravant l’efficacité économique et la diversification. Par exemple, les subventions aux carburants ont encouragé une surconsommation de carburant, contribuant aux déficits commerciaux et à la dépendance à l’importation.

En Tunisie, les subventions aux carburants ont longtemps été un élément clé de la politique économique du pays. Elles étaient destinées à atténuer l’impact des prix élevés des carburants sur les consommateurs et à soutenir les secteurs qui dépendent fortement de l’énergie, tels que le transport et l’industrie. Cependant, cette politique de subventionnement a eu des conséquences économiques significatives.

Selon le rapport de la loi de finances rectificative 2022, les dépenses de subvention des hydrocarbures ont augmenté de près de 4,7 milliards de dinars pour s’établir à 7,6 milliards de dinars, contre 2,9 milliards prévus initialement par la LF 2022 et contre 3,3 milliards de dinars en 2021 (soit une augmentation de 129%). L’augmentation substantielle du budget consacré à la compensation énergétique peut être attribuée en grande partie à l’augmentation du prix du baril de pétrole, à la dépréciation du dinar par rapport au dollar, ainsi qu’à la suspension du mécanisme d’ajustement des prix du carburant, qui n’a été activé que quatre fois au cours de l’année précédente.

Mais ces subventions ont permis de maintenir les prix à la pompe à des niveaux artificiellement bas, ce qui a incité les consommateurs à utiliser davantage de carburant que s’ils devaient payer les prix réels du marché international.

Cette surconsommation de carburant a eu plusieurs effets négatifs, à leur tête des déficits commerciaux accrus, une dépendance à l’importation, une pression sur les finances publiques…

Pour remédier à cette situation, les experts économiques recommandent de réduire progressivement les subventions sur les carburants et de mettre en place des mécanismes de compensation ciblés pour les ménages à faible revenu. Cette approche contribuerait à réduire la surconsommation, à alléger la pression sur les finances publiques et à promouvoir une utilisation plus responsable des ressources énergétiques. Elle permettrait également de réduire la dépendance à l’importation et de renforcer la stabilité économique de la Tunisie à long terme.

Détournement vers le marché noir

Sur un autre plan, la plupart des subventions ne parviennent pas aux personnes qui en ont réellement besoin. Un exemple concret de cela est l’inefficacité du système de subventions alimentaires, où des rapports ont montré que de grandes quantités de produits subventionnés étaient détournées vers le marché noir au lieu de bénéficier aux ménages vulnérables.

En effet, ce système, conçu pour aider les ménages vulnérables à accéder à des denrées de base à des prix abordables, a été confronté à des problèmes majeurs d’inefficacité et d’abus au fil des années.

Depuis des années, la Tunisie a dépensé des milliards de dinars pour subventionner divers produits alimentaires tels que le blé, la farine, l’huile d’olive, le sucre et le lait. Cependant, malgré ces dépenses considérables, de grandes quantités de produits subventionnés n’atteignent pas les ménages vulnérables, comme cela était initialement prévu.

Dans ce même cadre, aujourd’hui, personne ne peut nier la réalité que de nombreux produits alimentaires subventionnés étaient détournés vers le marché noir au lieu d’être distribués aux bénéficiaires ciblés. Par exemple, des sacs de farine subventionnée échouent fréquemment dans les étals de marchés informels et sont vendus à des prix supérieurs à ceux homologués.

Des individus peu scrupuleux profitaient de ces subventions pour réaliser des bénéfices personnels, privant ainsi les familles vulnérables d’accéder à ces produits alimentaires à des coûts abordables.

Et en raison des détournements vers le marché noir, des millions de dollars de subventions alimentaires étaient perdus chaque année, réduisant ainsi l’efficacité des subventions alimentaires et entravant leur impact sur les ménages vulnérables. Pour lutter contre ces abus, à maintes reprises, des mesures ont été recommandées telles que l’amélioration du contrôle de la chaîne de distribution, la numérisation des systèmes de suivi des produits subventionnés, des enquêtes plus approfondies sur les cas de détournement, des sanctions plus sévères pour dissuader les fraudeurs…

Mais il est indéniable que, sur le terrain, il reste un travail considérable à accomplir, car la mise en œuvre de ces mesures requiert, avant tout, une volonté politique inébranlable et le courage nécessaire pour passer à l’action. Qu’on le veuille ou non, les réformes nécessaires pour rationaliser la gestion des subventions en Tunisie sont souvent accompagnées de résistances politiques et d’obstacles institutionnels.

Ces réformes doivent être orientées vers plusieurs objectifs essentiels, notamment un ciblage précis pour identifier les bénéficiaires réels des subventions et les groupes vulnérables de manière plus efficace avec plus de transparence pour que le processus soit efficace. En plus, il est important de veiller à la rationalisation puisque les subventions doivent être réorientées vers des secteurs et des programmes plus stratégiques, tout en éliminant progressivement les subventions qui ne sont plus justifiées. La soutenabilité budgétaire est également une action importante pour s’inscrire dans un cadre budgétaire global capable de garantir la viabilité financière à long terme…

Pour conclure, en Tunisie, la crise budgétaire actuelle est étroitement liée à la gestion des subventions et sa réforme doit être une priorité nationale. Certes, sa mise en œuvre exige une volonté politique forte et un engagement envers une gouvernance plus transparente et équitable, mais en adoptant ces réformes, la Tunisie peut non seulement surmonter sa crise budgétaire, mais aussi poser les bases d’un avenir économique plus solide et plus juste pour tous ses citoyens.

Un appel à l’action pour redonner à ces subventions leur véritable vocation : aider ceux qui en ont vraiment besoin.

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