National

Black-out du 20 septembre : la panne de tous les mystères !

« Et la lumière fut ! », c’est ce que s’étaient dit une grande partie des Tunisiens durant l’aube du 20 septembre 2023, après des heures sans électricité. Une panne générale qui a plongé l’intégralité du pays dans le noir, mais dont la cause nous est toujours inconnue.

Tard, durant la nuit du 19 au 20 septembre 2023, la Tunisie s’était complètement éteinte. Vers 1h15 du matin et sans préavis, les Tunisiens ont été privés d’électricité. Le calme s’est soudainement transformé en un vacarme effrayant animé par les cris des alarmes, des aboiements des chiens et des bruits des portes et des fenêtres de citoyens totalement perdus au beau milieu de l’obscurité.

Il s’agissait d’un véritable désastre et on s’attendait tous à des explications. La coupure a duré dans certaines régions du pays plus de cinq heures. De son côté, la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg) est restée fidèle à sa bonne vieille image d’établissement public. Il n’y a eu ni communiqué ni intervention médiatique immédiate de la part du PDG de l’entreprise, Hichem Anane. La seule information à laquelle nous avions eu droit quelques minutes après le black-out total était la présence du ministre de l’Intérieur, Kamel Feki, à la centrale de la Steg de Radès.

La présence du ministre de l’Intérieur sur les lieux suffit à elle-même pour encourager l’élaboration et la propagation des théories les plus farfelues. Sur les réseaux sociaux, nous avions commencé à voir des publications évoquant une grande étincelle blanche, des bruits d’explosion ou même une lumière blanche dans le ciel. Il nous a fallu attendre jusqu’à 3 heures du matin pour avoir quelques éclaircissements de la part du directeur de la communication de la Steg, Mounir Ghabry. Il a juste précisé que des équipes étaient intervenues pour rétablir le courant et que les causes du black-out restent inconnues.

Du côté du ministère de l’Industrie, des Mines et des Énergies, on avait maintenu le silence radio. Ainsi, le ministère de tutelle n’a pas jugé bon de justifier la privation des Tunisiens de l’un des services les plus basiques du 21e siècle, à savoir l’accès à l’électricité. Bien évidemment, la chose n’est pas étonnante vu qu’il n’y a pas de successeur à l’ancienne ministre, Neila Gonji, limogée depuis le 4 mai 2023, soit depuis plus de quatre mois. Finalement, le ministère ne réagira que dix heures après le drame, en publiant un communiqué à 11 heures du matin pour assurer que l’approvisionnement en électricité avait été rétabli et de préciser que la cause était une panne et non une explosion. Une panne dont la cause reste toujours inconnue !

Sur le plan de la communication gouvernementale, le black-out du 20 septembre 2023 est un véritable désastre. L’intégralité du pays a été plongée dans le noir et aucun membre du gouvernement n’a abordé ce sujet. D’ailleurs, cet événement nous pousse à nous interroger sur l’absence d’un porte-parole du gouvernement. Ce poste est lui aussi resté vacant depuis le limogeage de Nasreddine Nsibi, occupant cette fonction, ainsi que celle de ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle jusqu’à la date du 22 février 2023.

On ne retiendra du discours officiel de l’État durant les premières heures suivant la coupure de courant que les quelques interventions médiatiques du directeur de la communication de la Steg, Mounir Ghabry. Ce dernier a essayé, tant bien que mal, de gérer et d’apaiser la situation. Ses réponses étaient assez sèches et manquaient considérablement de précisions. Interrogé sur les causes de cette panne, il oscillait entre explications sur le réseau de la Steg et sur l’intervention rapide des équipes. Il n’y avait pas de données liées directement aux raisons de la panne. Celle-ci semble faire partie des plus grands mystères de l’humanité. On croirait évoquer la question de l’île de l’Atlantide, du triangle des Bermudes ou du célèbre braqueur DB Cooper !

Qu’est-ce qui pourrait justifier le manque d’informations au sujet de cette panne ? Pour quelle raison le gouvernement chercherait-il à en faire un véritable mystère ? Serions-nous tout simplement trop bêtes pour comprendre la cause ? Ainsi, notre bienveillant gouvernement cherche à nous éviter des explications techniques nécessitant une haute capacité intellectuelle ! Ou alors, notre cher pouvoir en place ne considère pas la chose comme étant aussi grave que ça ! Après tout, il y a eu un retour du courant électrique ! La Tunisie brille et le pays est actif comme l’avait déclaré le nouveau chef du gouvernement, Ahmed Hachani, à la date du 15 septembre 2023. La Tunisie brille selon lui grâce à notre leader et chef d’État, Kaïs Saïed. Il a même ajouté : « Le président n’a pas son pareil ! ». Un constat que nous pouvons, cette fois, complètement approuver, car il semblerait que Kaïs Saïed soit le seul président, au monde, à ne pas avoir réagi face à un black-out national.

Ainsi, l’intégralité du pouvoir exécutif (président de la République et gouvernement), n’a pas jugé bon de s’adresser aux citoyens pour expliquer la situation. Le pouvoir en place n’a pas jugé bon d’expliquer, à titre d’exemple, aux commerçants et aux professionnels du secteur agroalimentaire, les raisons de cette coupure ayant mis hors-service des chambres frigorifiques et des réfrigérateurs durant des heures. D’autres se sont retrouvés, au retour de l’électricité, avec des machines défectueuses et hors-service. Ceci leur a causé des pertes conséquentes.

De même pour les personnes dépendant de l’équipement médical déployé chez eux. Plusieurs citoyens étaient branchés sur respirateurs et autres machines alors que la coupure avait eu lieu. Un événement semblant être négligeable pour notre gouvernement. Pas de précision sur les dégâts ni de réactions de la part des autorités. Le sujet n’a même pas été abordé.

Malheureusement, il semblerait que la seule entité ayant assimilé la gravité de la chose et réagi correctement à ce triste événement serait la Fédération générale de l’électricité et du gaz, relevant de l’UGTT. Son porte-parole, Slim Bouzidi, a indiqué que la panne était purement technique et qu’il ne s’agissait pas d’une première dans le monde. Il a évoqué des black-outs enregistrés en Allemagne ou aux États-Unis d’Amérique. Il a mis l’accent sur l’importance de l’amélioration des conditions de travail au sein de la Steg et a appelé l’État à honorer ses engagements envers elle. La Tunisie doit, selon une déclaration accordée par M. Bouzidi à Assabah News, à la Steg plus de cinq milliards de dinars. Il s’agit des compensations qui auraient dû être versées entre 2016 et 2022.

Cette somme nous donne une idée sur la situation de l’entreprise qui, théoriquement, devrait bénéficier de tous les moyens possibles afin de mettre constamment son réseau à niveau et d’assurer les travaux de maintenance. La Fédération générale de l’électricité et du gaz avait multiplié les critiques à ce sujet. Elle a déploré le manque de moyens et la mauvaise gestion des ressources. La seule entité ayant assumé son rôle, serait celle subissant le plus de critiques ces derniers temps, à savoir la centrale syndicale.

Bien évidemment, nous ne pouvons pas aborder la chose sans revenir sur l’intervention du PDG de la Steg, Hichem Anane à ce sujet, durant le journal télévisé de midi, qui relève plus d’un sketch comique que d’une déclaration de presse.Sans cligner des yeux, face caméra, le PDG de la Steg a affirmé que l’humidité était la véritable cause de la panne ayant plongé le pays dans le noir.

« Selon les rapports préliminaires, la panne a eu lieu à la station de transformation d’électricité à haute tension de Radès… L’humidité a atteint 90%… Le réseau de transfert de l’électricité à haute tension est impacté par cette humidité… Il y a eu un phénomène d’amorçage », a-t-il dit. On parlerait, en 2023, d’un court-circuit provoqué par l’humidité dans l’unité responsable de fournir l’intégralité des stations de production d’électricité du pays.

Jusqu’à aujourd’hui, plusieurs mystères entourent cet événement. Les raisons du black-out restent pour la majorité des Tunisiens inconnues. Le gouvernement persiste dans sa politique de déni et de fuite en avant. L’arrivée d’Ahmed Hachani n’y a rien changé. Cette volonté de ne pas aborder des thématiques bien déterminées pourrait, en réalité, être expliquée par une volonté de faire oublier ce fiasco, mais aussi, la défaillance du pouvoir exécutif à ce sujet !

 

Sofiene Ghoubantini


lien sur site officiel

Source :

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page