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SÉCURITÉ ROUTIÈRE-PRÉVENTION: Sur les routes de l’incivisme, personne n’est à l’abri

En dépit d’une baisse du nombre d’accidents, le nombre de tués reste élevé. La batterie de mesures prise par l’Etat pourra-t-elle renverser la vapeur ?

L’on sait que l’ONU a décrété la quatrième semaine du mois de mai de chaque année «semaine de la sécurité routière». Et elle a mille fois raison de prendre cette initiative, après qu’elle s’est rendu compte que, selon ses propres statistiques publiées dernièrement, l’humanité vit aujourd’hui au rythme catastrophique de « deux décès par seconde et 3.200 tués par jour» à cause des accidents de la route. Si la célébration de cette semaine-event a été massive dans les cinq continents, à travers des séminaires, colloques et journées de sensibilisation, il est bizarre de constater que cet événement international est passé inaperçu, ou presque chez nous ! Et pourtant, nul n’ignore que notre pays est mal noté par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dont le dernier rapport a casé la Tunisie à la 138e place du classement mondial, avec l’indésirable moyenne de 24 tués par jour. Nos propres bilans n’en sont pas moins inquiétants, à en croire l’Observatoire national de la sécurité routière (Onsr) qui fait état, sur l’ensemble de l’ année 2023, de 1.200 morts emportés par nos routes, soit en hausse de 14,49% par rapport à 2022. Aucune raison non plus de pavoiser, quand on sait que, depuis le début de l’année en cours et jusqu’au 19 mai, la même étude a recensé 405 tués et 2.386 blessés, avec ce pic effrayant enregistré le 9 avril au cours duquel pas moins de huit personnes sont passées de vie à trépas lors d’une collision entre deux véhicules survenue dans le gouvernorat de Sidi Bouzid.

Heureusement qu’il y a eu un éclair dans la grisaille : les mêmes statistiques des quatre premiers mois de 2024 ont démontré que la tendance haussière s’est essoufflée récemment, avec une baisse de 32% du nombre d’accidents, de 5% du nombre de morts et de 31% du nombre de blessés, comparativement à la même période de 2023.

Stop aux fous du volant 

Toutefois, la sagesse recommande de ne pas céder à l’euphorie et de tout faire pour maintenir cette courbe descendante. Il est vrai que devant nos yeux, l’incivisme promène encore sa silhouette et ne semble pas près de lâcher prise, représenté qu’il est toujours par une importante frange d’automobilistes. Les plus pointés du doigt sont évidemment les fous du volant, ennemi juré du Code de la route, c’est-à-dire ceux-là mêmes qui ont provoqué, durant les quatre premiers mois de 2024, quelque 727 accidents et la mort de 132 personnes, corroborant ainsi la véracité d’une étude effectuée récemment par ledit observatoire en partenariat avec le ministère de la Santé et qui indique que 40% des accidents enregistrés sont dus à l’excès de vitesse. Karim Landolsi, sociologue, est du même avis. «Rouler à tombeau ouvert, note-t-il, c’est  aller à l’aventure, pour ne pas dire creuser sa propre tombe. Et là, je vous renvoie à une étude américaine selon laquelle plus la vitesse augmente, plus le champ de vision du conducteur se rétrécit, en ce sens que, à 30 km/heure un piéton a près de 90% de chance de survie en cas de collision avec un véhicule, et seulement 20% de chance à 50km/heure». Et notre interlocuteur de conclure, en se disant persuadé que sur les routes de l’incivisme, nul n’est en sécurité.

Pour un agent de la circulation, la politique de la carotte qui a prouvé son inefficacité devrait le céder à celle du bâton en matière de lutte contre les contrevenants, «Je suis, explique-t-il, pour l’alourdissement des amendes et pour le durcissement des peines de saisie du permis de conduire. J’appelle également à l’intensification de la présence, au bord des axes routiers, des patrouilles mobiles de surveillance-radar dont l’effet est beaucoup plus dissuasif que les postes de radar fixes».

Et la sensibilisation dans tout cela ? Eh bien, peine perdue, oserions-nous répondre, dans la mesure où aussi bien l’Onsr que les trois associations de sécurité routière que compte le pays n’ont pas réussi à endiguer le fléau, en dépit de leurs efforts colossaux déployés sur le terrain, à coup de journées d’étude et de manifestations de prévention et de responsabilisation organisées un peu partout dans le pays à l’adresse des automobilistes, toutes catégories confondues. Leur emboîtant le pas, la Protection civile, outre ses interventions rapides effectuées quotidiennement sur les lieux des accidents, continue de s’impliquer dans les campagnes de sensibilisation, en appelant, par communiqués adressés aux médias, à la vigilance et à la nécessité de respecter le Code de la route. Ses appels, a-t-on constaté, ciblent non seulement les automobilistes et usagers des deux-roues, mais aussi aux utilisateurs des… trottinettes électriques.

Volet assurances, autre intervenant dans le dossier de la circulation routière, le sourire est en berne. Il est vrai qu’à la Fédération tunisienne des sociétés d’assurances, on déplore aujourd’hui une hausse de 7% des dépenses des indemnités consécutives aux accidents de la route, soit 583 millions de dinars en 2023. «Outre l’augmentation du nombre d’accidents, il faut compter avec la hausse des prix des pièces de rechange» alerte Riadh Laadhar, directeur de la succursale d’une société d’assurances de la place, qui n’écarte pas «l’hypothèse de devoir augmenter les tarifs d’affiliation, afin d’alléger le fardeau qui pèse sur un secteur déjà marqué par une concurrence de plus en plus rude».

Sur un autre plan, et nonobstant les différentes infractions qu’on connaît, il s’est avéré que d’autres facteurs alimentent encore ce fléau. A commencer par l’invasion qui perdure des taxis collectifs (plus de 4.000 véhicules recensés dernièrement rien que dans le Grand Tunis) auxquels s’ajoutent l’état de l’infrastructure routière, l’usure du parc roulant et l’absence de PAU (plan d’aménagement urbain) non actualisé par une bonne partie de nos municipalités.

Une stratégie prospective 

Cependant, les perspectives d’avenir semblent tout de même optimistes, surtout après que le Chef de l’Etat a souligné, le 21 mars dernier, «la nécessité de mettre en œuvre une stratégie nationale de transport public». Le Conseil des ministres a, de son côté, approuvé au cours du même mois, un projet de loi modifiant et complétant le Code de la route. Ce projet vise entre autres à renforcer la surveillance automatique à distance, à développer le système actuel de surveillance routière et à revoir la classification et les sanctions y afférentes. Ces amendements s’inscrivent dans la perspective de mettre sur pied un cadre juridique permettant d’améliorer le niveau de sécurité routière et de réduire les accidents de la circulation. En parallèle, la région du district de Tunis (gouvernorats de l’Ariana, Ben Arous, Tunis et La Manouba) qui est connu pour être le plus «prodigue» en accidents dans le pays, a fait l’objet, tout récemment, d’une étude réalisée par le ministère de l’Equipement et de l’habitat en collaboration avec l’Agence japonaise de coopération internationale (Jica). Cette étude vise à élaborer une vision stratégique liée à la mobilité urbaine pour les quinze prochaines années. Cela dans la foulée du démarrage d’un programme participatif concocté par le même ministère et prévoyant l’entretien de 209 km de routes, avec la contribution de 193 sociétés de promotion immobilière, l’objectif étant double : embellir l’environnement de l’infrastructure routière et réduire le nombre d’accidents.

Notre asphalte sera-t-il, à l’avenir, moins meurtrier ?

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