Précarité de l’emploi en Tunisie | Remédier aux vulnérabilités
Un emploi précaire est, par définition, un emploi qui n’offre pas une protection et des droits suffisants. Ainsi, les emplois informels sont souvent précaires, mais cela peut être aussi le cas de plusieurs types de travail formel, comme la sous-traitance, les contrats temporaires, le travail intérimaire, certaines formes de travail autonome et le travail à temps partiel involontaire.
Ces types d’emploi sont jugés précaires parce qu’ils sont associés à une plus grande insécurité financière en raison d’une plus faible rémunération, d’un accès moindre à certains avantages sociaux (tels que des régimes de pension ou d’assurance-maladie complémentaires), et d’une plus grande incertitude à l’égard du revenu futur.
L’emploi précaire gagne du terrain depuis plus d’une décennie. Il a porté aussi une forte concentration en Tunisie au cours de la période de la crise sanitaire (Covid-19), période considérée néfaste pour tous les travailleurs dans plusieurs secteurs.
D’après une étude élaborée par le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (Ftdes), les politiques nationales de l’emploi consacrent la création du travail précaire et instable. Selon l’étude, 54.4% des travailleurs occupent des postes «atypiques», selon les normes internationales en vigueur. Selon la même source, 44% des travailleurs tunisiens sont employés sans contrat de travail, ce qui veut dire qu’ils travaillent au noir, 11.4% des travailleurs sont employés en vertu de contrat à durée déterminée…
Dans le même ordre d’idées, l’Itceq considère qu’outre le chômage, l’économie tunisienne se caractérise par un faible taux d’activité égal à 47% et elle est incapable d’utiliser pleinement son facteur travail. Ceci se résume par le faible taux d’emploi, à savoir 40%. La dégradation de la situation de l’emploi s’est accélérée avec le ralentissement de la croissance après 2011.
Cette situation est jugée complexe selon la Fondation européenne pour la formation (ETF), qui, dans son rapport paru en 2019, intitulé « Marché du travail, dynamique des compétences et politiques d’emploi en Tunisie », stipule que les jeunes, notamment diplômés, et encore plus les jeunes femmes, ne trouvent que des emplois précaires par nécessité.
A l’échelle internationale, dans les pays de l’Ocde, alors que l’emploi salarié a crû de 21 % de 1985 à 2007, l’emploi temporaire augmentait de 55 %. Cette croissance était d’autant plus prononcée au sein de l’Union européenne où elle se chiffrait à 115 %. Les emplois à durée déterminée y ont donc constitué près du tiers de tout l’emploi créé.
Ces statistiques constituent une sous-représentation de la réalité, car elle n’inclut ni les emplois à temps partiel non désiré, ni les pseudo-emplois autonomes, ni même beaucoup d’intérimaires qui, sondés, déclarent souvent avoir des emplois à durée indéterminée…
Dans les pays en développement, alors que la croissance de la première décennie des années 2000 s’est traduite par une diminution de l’emploi autonome, appelé «vulnérable» par le BIT, l’emploi salarié qui le remplace apparaît non moins précaire.
Fin des contrats de sous-traitance dans les secteurs public et privé
La présidence du gouvernement a annoncé, vendredi 23 février 2024, la décision d’interdire la conclusion de nouveaux contrats de sous-traitance dans le secteur public et d’annuler toutes les mesures qui sont en contradiction avec cette décision, notamment la circulaire 35 du 30 juillet 1999 relative à la sous-traitance dans l’administration et les établissements publics. Cette décision a été prise conformément aux instructions du Président de la République et en application de l’article 46 de la Constitution. L’objectif étant de fournir des conditions de travail décentes aux travailleurs des secteurs public et privé et l’élimination de diverses formes d’emplois précaires tout en assurant la pérennité des institutions et établissements publics.
Dans le même contexte, le Président Kaïs Saïed a appelé à amender le Code du travail afin de mettre fin aux contrats de sous-traitance dans le secteur privé et à mettre fin aux contrats à durée déterminée (CDD) estimant que ce genre de contrat n’offre pas de droits aux contractuels et aucune perspective pour ceux dont le contrat est renouvelable tous les trois mois.
Tendance lourde et stratégique
C’est dire que les formes d’emploi ont aussi changé. En effet, on a assisté à la création de beaucoup d’emplois intérimaires, travail libre et des contractuels pour le secteur public avec un recul des offres d’emploi à temps plein et à durée indéterminée, et il semble être une tendance lourde et stratégique qui est due à des changements structurels de l’économie nationale (la restructuration) et de l’économie mondiale (la mondialisation).
La persistance de l’emploi précaire chez les jeunes est le résultat de l’interaction de plusieurs facteurs socioéconomiques. Ces facteurs ont fait perdre espoir à un grand nombre de jeunes aux décideurs et ont également créé un sentiment d’isolement et d’exclusion. C’est pour cela que les questions sur la crise de l’emploi des jeunes doivent être au centre de toute politique de développement, dans le but de contribuer à instaurer des solutions ou des alternatives.
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