Culture

Ouverture hier de la 76e édition : Cannes au cœur du monde

 

La Croisette s’est illuminée hier soir de mille feux pour accueillir jusqu’au 27 mai la grande fête du cinéma mondial. Et c’est «Jeanne du Barry», de la réalisatrice française Maïwenn, qui a ouvert le bal. 21 films sont en course pour la Palme d’Or, lors de cette 76e édition, dont «Les filles d’Olfa» de Kaouther Ben Hania qui marque, après plus de cinquante ans, le retour du cinéma tunisien en compétition.

21 longs métrages ont été sélectionnés en compétition officielle où «se mêlent jeunes cinéastes et vétérans», a spécifié le délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, lors de l’annonce de la sélection officielle de cette 76e édition. Et d’ajouter : «En matière d’art, il n’y a pas de péremption ni pour les cinéastes, ni pour les œuvres». Ces vétérans sont des habitués de la compétition dont cinq ont été déjà palmés : le cinéaste allemand Wim Wenders, ayant raflé la Palme d’Or avec «Paris Texas» en 1984, revient pour la cinquième fois sur la Croisette avec «Perfects Days» qui se focalise sur un personnage insolite, Hirayama, dont le boulot consiste à nettoyer des toilettes publiques à Tokyo. D’un lieu de travail à l’autre, sa vie se dévoile au fur et à mesure à travers la musique qu’il écoute, les livres qu’il lit et les photos qu’il prend des arbres

Le Britannique Ken Loach, détenteur d’une double Palme d’Or («Le vent se lève» en 2006, et «Moi, Daniel Blake» en 2017), est de retour avec «The Old Oak» qui traite de la question de l’émigration à travers l’arrivée d’une vague de réfugiés syriens dans un village du pays de Galles et les tensions qui en découlent.

L’Italien Nanni Moretti, ayant, également, raflé à deux reprises la récompense suprême («La chambre du fils» en 2001 et «Habemus Papam» en 2001), présente «Vers un avenir radieux» avec Mathieu Amalric et Margherita Buy. Ce film, du genre drame, évoque les problèmes professionnels et personnels auxquels sont confrontés les cinéastes au fil de leurs parcours.

Le Japonais Hirokazu Kore Eda, dont le film «Une affaire de famille» a obtenu le trophée en 2016, revient en compétition avec «The Monster», mettant en scène un drame raconté de deux points de vue, à travers les yeux d’un professeur puis de son élève. Le délégué général l’a comparé à «Rashomon» de Akira Kurosawa lors de l’annonce de la sélection officielle.

«Les Filles d’Olfa» de Kaouther Ben Hania en compétition officielle de la 76e édition du Festival de Cannes

Enfin, le Turc Nuri Bilge Ceylan, ayant reçu la Palme d’Or en 2014 pour «Winter Sleep», est en compétition pour la quatrième fois avec «Les herbes sèches». Un drame dont l’action se situe dans un village isolé d’Anatolie où Samet, un jeune professeur célibataire ayant achevé son service obligatoire espère être nommé à Istambul. Mais son affectation manquée, il perd, alors, tout espoir d’échapper à la vie morose dans laquelle il semble embourbé. Et c’est sa rencontre avec Nuray, également enseignante, qui lui permettra d’aller au-delà de ses idées noires et de ses appréhensions.

D’autres grosses pointures du cinéma mondial sont en lice pour la Palme d’Or dont le cinéaste finlandais Aki Kaurismaki qui, pour la cinquième fois en compétition, présente «Les feuilles mortes», une tragi-comédie inspirée de la chanson de Prévert focalisée sur deux personnes qui cherchent l’amour.

Le cinéma américain est fortement représenté avec trois opus : «Asteroid City» de Wes Anderson, grand habitué de la Croisette, évoque des événements qui vont chambouler le monde, ce film au casting prestigieux réunit une centaine d’acteurs dont Tom Hanks, Tilda Swinton, Scarlett Johansson, Adrien Brody et tant d’autres. «Blach Files» réalisé par le cinéaste français Jean-Stéphane Sauvaire, propose une adaptation du roman 911 de Shannon Burke relatant l’enfer quotidien de deux ambulanciers new-yorkais. «May December» de Todd Haynes met en scène l’irruption d’une actrice hollywoodienne dans la vie d’un couple. Au casting : Nathalie Portman, Julianne Moore et Charles Melton.

Le cinéma italien est également bien représenté, puisque, outre le film de Nanni Moretti, Marco Bellochio concourt, également, pour la Palme avec son nouvel opus «L’enlèvement». Le cinéma britannique s’affichera à Cannes à travers «The Zone of Interest» de Jonathan Glazer, dont l’action se déroule pendant la Seconde Guerre mondiale, met en scène une histoire d’amour compliquée entre un officier nazi et la femme d’un Kapo. Ce dernier tente de contourner l’horreur génocidaire, mais il commence à avoir des soupçons envers son épouse.

Le documentaire, un genre que Cannes affectionne et récompense même (Michael Moore avec «Fahrenheit 9/11) est présent avec «Jeunesse» (Youth) du réalisateur chinois Wang Bing qui relate la vie de jeunes travailleurs chinois dans la ville de Zhili, située à 150 km de Shanghai.

Le retour du cinéma tunisien en compétition officielle

53 ans après «Une si simple histoire» de feu Abdellatif Ben Ammar, le cinéma tunisien est de retour en compétition officielle avec «Les filles d’Olfa» de Kaouther Ben Hania dont le long métrage de fiction «La belle et la meute» a été sélectionné en 2017 dans la section «Un certain regard». Dans ce cinquième long métrage, coproduit par Cinétéléfilms-Prod et tourné sur une période de dix ans, la réalisatrice suit sa protagoniste, une femme de ménage quadragénaire dont les deux filles adolescentes radicalisées sous l’influence des salafistes jihadistes ont fui en Libye où elles ont rejoint l’organisation terroriste Daesh. Mais Olfa est déterminée à ramener ses filles au pays afin qu’elles y soient jugées. «Le film est à la lisière de la fiction, de l’essai et d’une certaine déclaration politique et d’un engagement humaniste», a noté le délégué général du festival en présentant cet opus lors de l’annonce de la sélection. Ce documentaire retrace l’histoire des sœurs Ghofrane et Rahma Chikhaoui qui, tombées sous l’influence d’un groupe de salafistes terroristes à Sousse, se sont radicalisées puis se sont enfouies à Syrte en Libye où elles ont vécu près d’un camp de jihadistes avant d’être incarcérées. Entre documentaire et fiction, le film est interprété par Hend Sabri dans le rôle de Olfa, la mère, Eya Chikhaoui, Tayssir Chikhaoui, Nour Karoui, Olfa Hamrouni, Ichraq Matar et Majd Mastoura.

Le cinéma africain est représenté en compétition par un autre opus intitulé «Banel et Adama» de Ramata-Toulaye Sy. Ce premier long métrage de la réalisatrice sénégalaise traite, à travers une histoire d’amour de deux jeunes vivant dans un village isolé, des conventions et des défis qu’affrontent les individus dans les communautés rurales. «A la lisière de l’expérimentation, ce film est une offre de cinéma forte et singulière», selon Thierry Frémaux.

Sept réalisatrices en compétition

Outre Kaouther Ben Hania et Ramata-Toulay Sy, cinq autres réalisatrices sont en course pour la récompense suprême, un record selon certains, en comparaison avec les éditions précédentes. Parmi ces cinéastes, trois sont Françaises, Catherine Breillat présente «L’été dernier», mettant en scène l’histoire d’une mère de famille dont la vie bascule suite à une liaison avec son beau-fils. Justine Triet, une habituée de Cannes (Sibyl en 2019), est de retour avec son quatrième long métrage «Anatomie d’une chute», qui se focalise sur le personnage d’une femme accusée du meurtre de son époux. Au cours du procès, son fils malvoyant, âgé de 11 ans, y assiste. Une véritable dissection du couple.

Catherine Corsini, elle, n’a pas caché sa joie de voir son film «Le Retour» maintenu en compétition dans la liste complémentaire de la sélection officielle, malgré la polémique qu’il a suscitée en raison «des soupçons de harcèlement et d’irrégularités concernant une scène explicitement sexuelle mais simulée impliquant une actrice de moins de 16 ans : Esther Gohourou». Ce que nie totalement la réalisatrice de «Un amour impossible».

La réalisatrice australienne Jessica Hausner concourt avec «Club Zéro» qui déroule l’histoire de Miss Novak, une enseignante d’un lycée privé qui initie un étrange cours de nutrition. Certains élèves vont tomber sous son emprise et rejoindront un club fermé, nommé «Club Zéro». L’Italienne Alice Rohrwacher est en lice avec «La Chimera», une comédie dramatique, dernier volet d’une trilogie sur la vie campagnarde entamée avec «Les Merveilles» et «Heureux comme Lazzaro». L’action se déroule dans les années 1980 en Toscane et se focalise sur un réseau international illégal d’artefacts étrusques volés.

«La Chimera» de l’Italienne Alice Rohrwacher en lice pour la Palme d’or de Cannes 2023

Le nouveau film de Maïwenn «Jeanne du Barry» donnera, donc, le coup d’envoi de cette 76e édition. Projeté en hors compétition, il «est dédié à la vie, à l’ascension et à la chute de la favorite du roi Louis XV». Ce sixième long métrage de la réalisatrice marque le retour à l’écran de Johnny Depp, dans le rôle du souverain français, après ses déboires avec son ex-épouse, Amber Heard.

Ruben Östlund président du jury

Le jury de cette 76e édition, qui aura la lourde tâche de décerner la Palme d’Or et l’ensemble des autres prix, est présidé par le cinéaste suédois Ruben Östlund, doublement palmé avec «The Square» en 2017 et «Sans Filtre» en 2022. Il est entouré de la réalisatrice française Julia Ducournau ayant raflé la Palme d’Or en 2021 avec «Titane», la star américaine Brie Larson qui a obtenu l’Oscar de la meilleure actrice pour «Room», outre l’acteur français Denis Ménochet, la réalisatrice marocaine Maryam Touzani, la réalisatrice britanico-zambienne Rungano Nyoni, l’acteur et réalisateur américain Paul Dano, l’écrivain et réalisateur afghan Atiq Rahimi et enfin le cinéaste argentin Damian Szifron. A travers la constitution de ce jury, les organisateurs ont annoncé vouloir «saluer l’arrivée d’une génération d’artistes qui réalisent, qui jouent, qui chantent, qui écrivent» ; ce jury dévoilera son palmarès le samedi 27 mai.

Plusieurs films seront projetés, durant cette édition, en avant-première mondiale, hors compétition, tels «Killers of the Flower Moon» de Martin Scorsese qui réunit dans les principaux rôles Leonardo DiCaprio, Robert De Niro et Lily Gladstone. Le film est inspiré du best-seller de David Grann et coscénarisé par Eric Roth, l’action est située dans les années 1920 et déroule une histoire vraie : les meurtres en série dont ont été victimes les membres de la communauté Osage en Oklahoma qui se sont enrichis après avoir découvert du pétrole sous leur terre. Le détenteur de la Palme d’Or avec «Taxi Driver» en 1976 veut rendre hommage à tous ces gens qui ont subi cette abominable violence criminelle, désormais connue sous le nom de «Règne de la terreur».

Autre avant-première mondiale très attendue à Cannes : le nouvel «Indiana Jones», promettant, ainsi, une très «chaude» montée des marches avec une pléiade de stars, dont notamment Harrisson Ford, dans le rôle de l’aventurier légendaire au chapeau et au lasso, auquel le festival rendra «un hommage exceptionnel» pour l’ensemble de sa carrière, outre Antonio Banderas, Mads Mikkelsen, Phœbe Waller-Bridge. Ce cinquième volet des aventures du célèbre archéologue, imaginé par Georges Lucas intitulé «Indiana Jones et le Cadran de la destinée» est réalisé par James Mangold.

De son côté, le réalisateur espagnol Pedro Almodovar présente en sélection officielle son court métrage «Strange way of life», tourné en anglais et interprété par Ethan Hawke et Pedro Pascal. Ce western met en scène les retrouvailles d’un éleveur, Silva, et d’un shérif qui se revoient 25 ans après avoir travaillé ensemble comme tueurs à gages.

Chaque année, fidèle à sa tradition, le festival honore une figure emblématique du cinéma mondial, cette année c’est au tour de Michael Douglas de recevoir, pendant la cérémonie d’ouverture, la Palme d’honneur du 76e Festival de Cannes, saluant, ainsi, «Sa brillante carrière et son engagement pour le cinéma».

Bien d’autres films, rencontres et événements animeront la Croisette durant le festival qui accueillera, toutes sections confondues, des propositions de cinéma du monde entier qui feront le bonheur du public, de la critique et des cinéphiles. C’est Cannes au cœur du monde.

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