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Déficit budgétaire : l'emprunt obligataire, jusqu'à quand '

À l’approche de la fin de l’année, la question de la clôture de l’exercice budgétaire 2023 ne cesse d’être abordée. La Tunisie a eu du mal à récolter les fonds prévus dans la loi de finances. De plus, la question d’un possible accord avec le Fonds Monétaire International (FMI) semble être difficile à réaliser pour ne pas dire impossible.

La Tunisie n’a toujours pas trouvé cette formule magique lui permettant d’éviter la clôture d’une année sans enregistrer un déficit budgétaire. De plus, le déficit en question ne cesse de croître. À titre d’exemple, le déficit budgétaire était estimé à 4,04 milliards de dinars en 2019, 3,33 milliards de dinars en 2020, 7,09 milliards dinars en 2021, 8,54 milliards en 2022 et à 8.50 milliards de dinars en 2023. Ces chiffres reflètent une hausse considérable du déficit passant, en l’espace de cinq ans, de 4,04 dinars à 8,50 milliards de dinars, soit une progression de 110%. Parallèlement à cela, le budget de l’État est passé de 42,25 milliards de dinars en 2019 à 53,92 milliards de dinars en 2023, soit une évolution de 27,6%.

Ces chiffres démontrent l’écart entre l’évolution du budget et du déficit. La Tunisie continue à avancer à contresens. Le déficit se creuse alors que les moyens sont de moins en moins disponibles. Les différents gouvernements qui se sont succédé n’ont opté que pour une seule solution : continuer à s’endetter ! Les prêts étaient généralement obtenus auprès de bailleurs de fonds tel que le FMI ou des pays et coalitions amis de la Tunisie tels que les pays européens et les USA. L’appui fourni par le Fonds monétaire international sous forme d’accord avait pour but de permettre à la Tunisie d’entamer des réformes rendant possible la relance de l’économie du pays.

L’accord le plus récent date du 20 mai 2016. Il a permis à la Tunisie d’obtenir 2,8 milliards de dollars. Par la suite, les anciens chefs du gouvernement, Youssef Chahed (août 2016-février 2020), Elyes Fakhfakh (février 2020-septembre 2020), Hichem Mechichi (septembre 2020-juillet 2021) et Najla Bouden (octobre 2021-août 2023) ont tous engagé des négociations avec le FMI afin de couvrir les dépenses de l’État. Aucun d’entre eux n’est parvenu à sécuriser un accord en raison de la situation du pays et du non-respect de la Tunisie de ses engagements politiques mais aussi économiques. La Tunisie a eu du mal à convaincre en raison de l’instabilité du pays et de l’absence de mesures visant à débloquer la situation économique, à réinstaurer la confiance entre l’État et le secteur privé et à encourager l’investissement.

Afin de camoufler son incompétence, et optant pour une solution trop simple, l’État a choisi de faire appel à l’emprunt national obligataire. Il s’agit d’un mécanisme par lequel la Tunisie cherche à obtenir des prêts auprès de ses citoyens, banques ou encore intermédiaires en bourses. Il est connu pour être utilisé par les pays traversant une crise financière majeure et n’arrivant pas à obtenir un financement à travers les canaux classiques, c’est-à-dire, les accords bilatéraux et les programmes d’appui. D’ailleurs, le rapport sur l’exécution du budget de l’État à fin juin 2023 nous prouve cela. D’après la loi de finances 2023, le gouvernement avait prévu d’obtenir plusieurs emprunts, dont près de 15 milliards de dinars sous forme de prêts extérieurs. Or, seulement 2,71 milliards de dinars ont été collectés durant les six premiers mois de 2023, soit 18,24% du montant souhaité.

Pour ce qui est des emprunts obligataires, celui lancé en 2023 a pour but de mobiliser 2,8 milliards dinars. 715 millions de dinars ont été mobilisés à travers la première tranche, 844,4 millions de dinars à travers la deuxième tranche et près d’un milliard de dinars à travers la troisième tranche. La Tunisie a, ainsi, collecté 2.583.400.000 dinars. Il pourrait s’agir d’une preuve de confiance de la part des Tunisiens. Mais, on pourrait, également, s’interroger sur l’identité des personnes qui y ont participé. Les plus grands bénéficiaires et les entités ayant largement les moyens de souscrire à ce prêt sont les banques de la place. Celles-ci s’assurent des revenus auprès d’un débiteur ne pouvant pas fuir ses engagements.

Plusieurs experts critiquent le recours à l’emprunt obligataire. On considère que la Tunisie s’endette dans le cadre d’une fuite en avant. Le pays s’engage dans le cadre de cette procédure à l’échelle nationale. Néanmoins, il devra dans le futur, et en raison du manque de moyens, s’endetter sur le marché international afin d’honorer cet engagement. La Tunisie s’endette sans créer de la richesse. L’argent collecté n’est pas employé dans le cadre de projets de développement ou de programmes de relance de l’économie.

Le pays cherche à s’assurer des revenus afin de répondre aux besoins du court terme, à savoir verser les salaires, couvrir les dépenses d’exploitation et honorer ses engagements financiers sur le marché international. Ceci provoquera une dégradation des ressources et des liquidités. De plus, les emprunts obligataires sont bénéfiques pour les entités ayant choisi de souscrire à ce prêt. Mais, il sera défavorable à l’État tunisien en raison du taux d’intérêt appliqué. L’emprunt obligataire est appliqué à un taux d’intérêt attractif afin d’encourager les citoyens et les banques à y participer. Ainsi, un prêt de ce genre ne permettra pas de créer de la richesse. Il s’agit d’un simple transfert d’argent des poches des contribuables vers la poche de l’État. Le volume des billets et monnaies en circulation sera réduit, car il ne fera plus l’objet de transaction sur le marché. Une partie des ressources dédiée à la base à la consommation et l’investissement seront placées dans le cadre de l’emprunt obligataire.

La baisse continue des ressources permettant, si correctement exploitées, de relancer l’activité économique et d’éviter l’effondrement de l’économie nationale, nous pousse à nous interroger sur le futur du pays. La Tunisie se rapproche petit à petit du scénario libanais. Le pouvoir en place tarde à mettre en place les réformes nécessaires. La question d’un accord avec le FMI fait, presque, partie des sujets tabous puisqu’on n’entend plus parler de cela du côté du gouvernement. Les puissances européennes, supposées nous venir en aide après la signature du fameux mémorandum de Giorgia Meloni, commencent à nous tourner le dos. Il est vraiment temps de penser à ce que nous pouvons changer par nos propres moyens comme ne cesse de le répéter le président de la République, Kaïs Saïed. Afin d’y parvenir, nous devons délaisser tout rêve de faire fortune grâce à des trésors enfouis et cachés à l’étranger ou dans les comptes bancaires des corrompus. Il est primordial de penser au futur des entreprises tunisiennes et du secteur privé. La Tunisie doit mettre à disposition de ces structures les moyens techniques, administratifs et législatifs garantissant leur épanouissement économique. L’emprunt obligataire est un mécanisme devant être appliqué de façon provisoire car il ne pourra en aucun cas se substituter à un accord avec le FMI.

Sofiene Ghoubantini

 


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