Cinémathèque tunisienne: Exiger le meilleur et éviter le piège de la gratuité
Ne crachons pas dans la soupe et disons que la cinémathèque a jusque-là réussi des programmations intéressantes. Mais il y a des jours où cette programmation tombe dans le piège de la facilité et de la gratuité et présente des documentaires qui, sur le plan technique et narratif, sont loin de donner l’exemple. Quand est-ce que les programmateurs vont exiger le meilleur ?
Dans cet article, nous revenons sur une programmation de la cinémathèque et il nous semble important d’attirer l’attention sur quelques points importants sans mettre en doute la bonne volonté de ceux qui travaillent et sans omettre non plus l’effort qu’ils sont en train de faire dans des conditions de travail qui parfois ne sont pas, somme toute, optimales et des budgets très réduits.
Nous avons simplement voulu attirer l’attention sur le volet de la programmation et particulièrement celle qui a eu lieu le mercredi 8 mars avec deux documentaires «Un exil à l’autre» de Basel Abou Ahmed et «l’Or ou l’argent» de Jérome Poissson et Eric Rivot. Cela se passait dans le cadre d’une journée-reprise de films du festival My first doc 2022. L’idée de la reprise est intéressante, mais que reprendre et quels festivals reprendre ? Ainsi le public ce jour-là a été surpris par le fait que les billets ne sont pas gratuits contrairement à ce qui a été annoncé mais aussi par la qualité des documentaires. Dans «Un exil à un autre» qui annonce dans son synopsis retracer le double exil d’un réfugié palestinien depuis la date de la Nakba vers la Syrie et puis vers la France. Il s’agit d’un premier film certes mais les programmateurs auraient pu voir de quelle manière «technique» et esthétique cela a été mis en image. Ainsi, par exemple, les images d’archives n’étaient pas traitées et il n’y avait même pas eu un travail sur le son pour ( au moins ) nettoyer la copie finale. D’autre part, pendant l’interview du réfugié, nous avons eu droit à la toux qui semble chronique de l’intervieweur qui est derrière la caméra. A cela s’ajoutent les bruitages des enfants et des bavardages qui ne font pas partie de l’écriture sonore du film. Des problèmes techniques impardonnables qui ne montrent de la part du producteur aucun respect pour le spectateur !. Si le producteur du film et son réalisateur ont fait fi de l’intelligence du récepteur en présentant un film techniquement en dessous des normes, les programmateurs doivent avoir le tact de le refuser au risque de passer pour une boîte aux lettres. Un documentaire qui, de surcroît, cède à la facilité de l’interview : il est long statique et lourdement exposé. La seule évolution du film est le trajet. Du reste, ce documentaire est d’une prévisibilité abrutissante puisque l’interview est «saucissonnée» par les mêmes images qui reviennent sempiternellement. Dans cette très longue interview entrecoupée par des schémas de cartes qui se répètent souvent on ne retrouve pas de véritable écriture documentaire et on confond parfois avec des news parce que les images d’archives n’ont pas été ramenées ni par le montage ni par la narration. Le problème ? C’est qu’on présente ce genre de produits aux étudiants pour qui la cinémathèque doit être une référence. Une cinémathèque est un complément de formation pour les étudiants de cinéma pour ne pas dire que c’est une école au vrai sens du terme. Plusieurs réalisateurs qui n’ont jamais mis les pieds dans une école de cinéma se sont formés dans les cinémathèques. D’autant plus que le documentaire doit être développé plus que jamais aujourd’hui. D’aucuns pensent que la délivrance viendrait par le documentaire. Nous sommes parfaitement conscients que la cinémathèque fonctionne avec des films que des associations donnent gratuitement mais au nom de cette gratuité il faut au moins filtrer la qualité. Nous sommes conscients aussi que c’est un premier film mais il y a beaucoup de premiers films réussis et qui constituent une sorte de manifeste pour leurs auteurs. Ce film provient, au fait, de l’association cinéma documentaire qui a organisé le festival «My First doc» qui n’a pas été un foudre de guerre cette année (bizzare après cinq éditions !) parce que tout simplement ses programmateurs ferment les yeux sur beaucoup de défauts. Toutes ces faiblesses caractérisent d’ailleurs la dernière session. Et puis sincèrement est-ce que le sujet du film justifie son choix. C’est le traitement du sujet qui doit prévaloir. Un documentaire sur le drame arabe peut jouer de cette manière contre son propre combat. Bref, les moyens font toujours défaut à cette jeune cinémathèque tunisienne et c’est un appel pour les responsables, mais, en attendant des jours meilleurs, pourquoi ne pas se rabattre sur des films anciens et classiques ? Les instituts cherchent à donner de la visibilité à leurs cultures en contrepartie il ne faut pas hésiter à leur demander le meilleur à travers des collaborations avec leurs cinémathèques respectives. Il s’agit également de choisir ses collaborateurs parmi les associations et les instituts qui acceptent de se soumettre à l’exigence d’un public cinéphile de cinémathèque. C’est gratuit d’accord mais il faut exiger le meilleur !
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