Assassinat de Chokri Belaïd : les nouvelles révélations du comité de défense
Le comité de défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi a organisé une conférence de presse mercredi 8 février 2023 à l’occasion la commémoration de l’assassinat de Chokri Belaïd.
Dans une brève allocution, le président de l’Association des jeunes avocats a dénoncé le harcèlement qu’avait subi le comité pendant les dix dernières années en plus de la dissimulation des preuves et la falsification de la réalité. Il a appelé le président de la République, Kaïs Saïed, à investiguer le dossier sérieusement notant que « tout le monde connait ceux qui sont responsables de cet acte éthiquement, politiquement et pénalement ».
Après la diffusion d’un film retraçant le long combat judiciaire et la quête des preuves et d’éléments sur les auteurs et commanditaires de cet assassinat, Imen Gzara, membre du comité de défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, a pris la parole. Elle a communiqué plusieurs nouvelles révélations.
Notant que l’affaire Chokri Belaïd était étroitement liée à d’autres dossiers – l’affaire de l’association Namaa, Instalingo et la chambre noire du ministère de l’Intérieur, entre autres – elle a affirmé que des parties étrangères étaient, également, impliquées.
Elle a évoqué, dans son intervention, plusieurs personnes suspectées dont un ressortissant qatari placé sur la liste des personnes soupçonnées de financer le terrorisme par plusieurs pays et organisations dont les États-Unis, le Qatar et les Nations unies. Il s’agit d’Abdul Rahman Omeir al-Naimi. Celui-ci a visité la Tunisie quatre fois en 2012 et 2013, entre autres. Il a rencontré lors de ses visites le leader salasfiste Abou Iyadh et des représentants de plusieurs associations. Lors de sa dernière visite, il est entré en Tunisie depuis la Libye pour atterrir à Montplaisir.
L’entrée sur le territoire tunisien d’Abdul Rahman Omeir al-Naimi avait été facilitée par l’intervention du dirigeant nahdhaoui Abdelkarim Slimane –fondateur de la tristement célèbre association Namaa et trésorier de l’association Marhama – auprès de Fathi Baldi, conseiller d’Ali Larayedh. Au total 1676 communications ont été enregistrées entre ces M. Slimane et M. Baldi.
Selon Imen Gzara, Abdelkarim Slimane est, également, propriétaire de dix entreprises créées après la révolution et actives dans l’immobilier, l’agriculture, l’audiovisuel… Ces entreprises disposent d’un capital faramineux. Des milliards de dinars ont transité sur ces comptes personnels dont « onze milliards de dinars en 2019 », selon Me Gzara. Son association avait, également, reçu des fonds d’une valeur de « size milliards de dinars », selon la même source.
Abdelkarim Slimane a, aussi, des liens très étroits avec les agences de voyage dont une est la propriété du porte-parole des Frères musulmans pour l’Occident. Ces agences servaient à envoyer les jeunes tunisiens au djihad dans les zones de conflit, d’après Me Gzara.
L’avocate a cité, sans trop s’attarder sur les détails, un autre nom : Mohamed Hajfi. Gendre de l’ancien chef du gouvernement et dirigeant nahdhaoui, Hamadi Jebali, celui-ci était trésorier de l’association Namaa et serait, aussi, impliqué dans l’affaire Instalingo.
D’autres noms sont, également, apparus durant l’enquête. Un certain Najah Hadj Letaief qui a fui le pays et se trouve actuellement au Qatar. Selon Me Gzara, il a fait l’objet d’une enquête en janvier 2022, car il avait obtenu un important financement de la part d’un terroriste pour opérer des attaques contre des institutions de l’État et semer les troubles pendant les manifestations.
Revenant sur l’affaire de la chambre noire au ministère de l’Intérieur et l’appareil secret d’Ennahdha, la membre du comité de défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi a ajouté que plusieurs éléments perquisitionnés lors de la descente dans le domicile de Mustapha Khedher n’avaient été intégrés au dossier de l’assassinat que récemment après un effort colossal du comité de défense. D’autres informations capitales sur les principaux suspects n’avaient pas été mentionnées, selon Me Gzara, alors que Mustapha Khedher disposait d’éléments précieux dont les mouvements de Abou Iyadh et les numéros de téléphone de Boubaker Hakim, suspecté du meutre de Mohamed Brahmi.
Elle a signalé que l’ancien ministre de l’Intérieur Hichem Fourati avait nié être au courant de la chambre noire lors de son audition à ce sujet. Elle a affirmé, par ailleurs, que de hauts cadres sécuritaires avaient été interrogés, dans le cadre de cette investigation qui a débuté en 2019, et que trois mandats de dépôt avaient été émis, sans donner plus de détails.
Le comité a, aussi, révélé que l’un des agents de la garde rapprochée du leader islamiste Rached Ghannouchi avait combattu aux côtés des djihadistes de Jabhat Al Nosra. Affilié à Al Qaïda, ce groupe terroriste d’idéologie salafiste djihadiste est apparu en 2012 dans le contexte de la guerre civile en Syrie. L’agent avait des liens avec l’un des principaux suspects dans l’affaire de l’assassinat de Chokri Belaïd, Kamel Gadhgadhi. Les deux utilisaient le même véhicule, celui qui a servi dans l’opération de l’assassinat de Belaïd.
N.J.
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