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Anas Hmaidi : les acquis de la justice ont été anéantis !

Le président de l’Association des Magistrats de Tunisie (AMT), Anas Hmaidi a indiqué que l’association s’attendait à l’intégration des 49 magistrats révoqués, ayant obtenu gain de cause auprès de la justice, dans le mouvement des magistrats. Il a considéré que le dernier mouvement des magistrats était l’initiateur de dangereux précédents.

S’exprimant à l’occasion d’une conférence de presse tenue par l’AMT à la date du 13 septembre 2023, Anas Hmaidi a indiqué que la réponse du pouvoir en place était choquante. Ces magistrats avaient obtenu une décision de sursis d’exécution de la part du tribunal administratif et devaient donc être intégrés au mouvement des magistrats. Or, ceci n’a pas eu lieu. Le juge a qualifié la chose d’acte honteux et a assuré que le dossier des magistrats révoqués sera toujours suivi par l’AMT. Il a indiqué que cette affaire fera l’objet d’une attention minutieuse de la part de l’association. Il a rappelé que les magistrats ont été révoqués en se basant sur des rapports sécuritaires dont certains contiennent, selon lui, de fausses informations et des contre-vérités.

« Nous avons écouté le président de la République (Kaïs Saïed) parler de la primauté de la loi et de l’application de la loi pour tout le monde… Les jugements font partie du système judiciaire… Les jugements définitifs doivent être appliqués. Ceci, a-t-il eu lieu par rapport à la question des magistrats révoqués ? Non ! La réponse était choquante… Il s’agit d’un bras de fer avec les magistrats, la loi, les tribunaux et les jugements définitifs… C’est honteux ! », a-t-il dit.

Revenant sur la dissolution du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) par le président de la République, Kaïs Saïed, Anas Hmaidi a critiqué cette mesure et a considéré que le conseil provisoire créé par la suite par le président était à son service et suivait les instructions de ce dernier ainsi que celles de la ministre de la Justice, Leila Jaffel. M. Hmaidi a affirmé que le conseil provisoire n’a pas répondu aux attentes du président de la République et qu’il n’était pas satisfait par sa prestation. M. Hmaidi a estimé que la dissolution du CSM était une atteinte à l’indépendance de la justice et reflétait la situation catastrophique de la justice en Tunisie. Le mouvement met en péril la justice, les droits des magistrats et les droits des Tunisiens. Il a indiqué que les acquis de la justice ont été anéantis.

Anas Hmaidi a assuré que le mouvement des magistrats, publié le 30 juillet 2023, a été l’initiateur de plusieurs précédents. Ce mouvement a touché des postes clé au sein du système judiciaire. Il a évoqué une ingérence dans la composition du conseil provisoire de la magistrature. Il a expliqué que deux postes ont été touchés par le mouvement des magistrats. M. Hmaidi a, par la suite, révélé que le premier président de la cour de cassation a demandé l’annulation de sa décision de retarder son départ à la retraite. Il a expliqué que ce dernier atteindrait l’âge du départ à la retraite en septembre et devra quitter ses fonctions à partir d’octobre 2023.

Anas Hmaidi a estimé que ceci provoquera, à partir d’octobre 2023, une vacance au niveau de ce poste. De même pour le procureur général de l’État, qui partira à la retraite dans deux mois. Il a estimé que le pouvoir en place a profité du mouvement des magistrats pour remodeler le conseil provisoire de la magistrature et anticiper la composition de la cour constitutionnelle puisque celle-ci est connue d’avance. Les membres sont nommés en fonction de leurs qualités et de leurs fonctions.

Anas Hmaidi a indiqué que trois présidents de chambres judiciaires de la cour de cassation ont fait l’objet d’une mutation. L’un d’eux a traité une affaire liée à un avocat et faisant partie des prérogatives de la justice militaire. La cour de cassation avait estimé que l’affaire ne pouvait pas être traitée par un tribunal militaire. Après avoir pris cette décision, le président de la chambre a été éjecté de la cour de cassation. Le président de la deuxième chambre a connu le même sort alors que la chambre qu’il présidait s’était penchée sur une affaire à un ancien ministre. Le troisième président s’est penché sur une affaire très médiatisée et en rapport avec la ville de Sousse. Lui aussi a été muté à travers le mouvement des magistrats. Ces données révèlent, selon lui, que le ministère de la Justice a procédé au mouvement des magistrats et non le conseil provisoire créé par le président de la République.

Citant quelques exemples démontrant la défaillance au niveau du mouvement des magistrats, Anas Hmaidi a indiqué qu’un magistrat a été nommé premier juge d’instruction alors qu’il avait fait l’objet d’une sanction disciplinaire pour des raisons professionnelles et éthiques. Il est connu pour avoir été chargé du dossier du Yacht volé par le beau-frère de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali. Ceci s’oppose avec les nombreux slogans évoquant l’épuration de la magistrature. Ce magistrat pourrait même être nommé au sein du Pôle judiciaire de lutte contre le terrorisme ou du Pôle économique et financier.

Le président de l’AMT a indiqué qu’un magistrat a été chargé d’occuper la fonction de procureur de la République au sein du tribunal de Nabeul alors qu’il avait fait l’objet d’une sanction disciplinaire. Il a été, aussi, nommé premier adjoint du procureur de la République. Anas Hmaidi a affirmé que d’autres magistrats ont été sanctionnés et ont fait l’objet de mutation en raison de statuts Facebook et de leurs activités sur les réseaux sociaux. Il a indiqué que les magistrats ayant défendu la justice et participé aux grèves et aux mouvements de protestation des magistrats ont été mutés vers des régions lointaines. Il s’agit, selon lui, d’un ciblage de l’AMT. Il a indiqué que les dirigeants et figures de l’AMT, dont la présidente d’honneur de l’association, Raoudha Karafi, ont été ciblés par ces mutations.

Anas Hmaidi a critiqué l’impact du mouvement des magistrats sur la cour d’appel de Tunis. Celle-ci comporte cinq chambres d’accusation. Quatre présidents de celles-ci ont été mutés. Les changements ont, aussi, concerné trois présidents de chambres judiciaires. Il a indiqué que l’un des juges nommés dans le mouvement des magistrats avait occupé les fonctions de gouverneur et de porte-parole du ministère de l’Intérieur durant ce que l’on a baptisé décennie sombre. Il a été promu et nommé au sein des chambres judiciaires.

Pour ce qui est du tribunal de première instance de Tunis, Anas Hmaidi a indiqué que le procureur de la République et le doyen des juges d’instruction ont été nommés en fonction de leur soutien au pouvoir en place et qu’ils manquaient de l’expérience suffisante justifiant leur promotion.

Anas Hmaidi a assuré que l’Inspection générale du ministère a été transformée en inspection de la ministre de la Justice. Cette dernière aurait nommé les juges l’ayant soutenue au sein de cette institution. Il a, aussi, indiqué que la cour d’appel de Tunis a témoigné d’un grand changement. Il a affirmé que la nomination de la nouvelle inspectrice a eu lieu en dehors des normes fixées par la loi. Il a indiqué que les juges ayant tenté de faire échouer la grève tenue en guise de protestation contre la révocation des magistrats ont été récompensés.

Rappelant que la ministre de la Justice était juge à Nabeul, le président de l’AMT a indiqué que la cour d’appel de Nabeul a fait l’objet de 44 nominations, le tribunal de première instance de Nabeul 51 nominations, le tribunal de première instance de Grombalia 38 nominations et le tribunal foncier de Nabeul 12 nominations. Il a mis l’accent sur l’ampleur des changements opérés à travers ce mouvement des magistrats. Ce dernier a touché 100% des présidents des tribunaux et des procureurs de la République de ces tribunaux. L’intégralité des juges d’instruction de la cour d’appel de Nabeul ont été mutés ou ont fait l’objet d’une révision de leur fonction.

Anas Hmaidi a indiqué que l’AMT déposera des demandes d’accès à l’information afin de consulter des rapports théoriquement présentés par le conseil provisoire de la justice et le ministère de la Justice relatifs au mouvement des magistrats. Il a indiqué que l’association s’attend à l’absence de réaction au sujet de ces demandes.

Anas Hmaidi a conclu que ce mouvement ne visait pas à réformer la justice et a récompensé les magistrats corrompus. Les juges intègres ont, quant à eux, été sanctionnés. Il a mis en garde contre l’exploitation des magistrats récemment nommés dans le but de porter atteinte aux opposants politiques et de cibler les libertés. Le président de l’AMT a appelé le président de la République à expliquer les raisons l’ayant poussé à approuver ce mouvement des magistrats et à communiquer les raisons le poussant à estimer que ce mouvement permettra de réformer la justice.

Anas Hmaidi a indirectement qualifié le Syndicat des magistrats de pare-choc et a critiqué le communiqué récemment publié par cette entité. Il a rappelé que l’AMT et le syndicat avaient milité ensemble dans le passé et qu’on cherchait à les mettre en conflit. Il a assuré que ceci n’aura pas lieu tout en exprimant son regret quant à la position prise par le syndicat au sujet du mouvement des magistrats.

S.G


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