Voiture électrique : Pourquoi l’introduction reste-t-elle difficile ?
L’introduction des véhicules électriques en Tunisie est un défi complexe qui nécessite une approche multidimensionnelle. Des investissements dans les infrastructures de recharge, des politiques gouvernementales incitatives et une éducation publique sont essentiels pour surmonter les obstacles actuels qui freinent la transition innovante et verte.
La municipalité de Nabeul a annoncé, récemment, avoir procédé à l’installation de six bornes de recharge pour véhicules électriques. Si elles sont destinées au parc automobile de la municipalité, les citoyens peuvent également en faire usage.
Ces initiatives interviennent dans l’objectif de renforcer la mobilité électrique en Tunisie. Seulement, la voiture électrique peine à s’imposer sur le marché tunisien pour diverses raisons. En effet, malgré les avantages environnementaux et économiques potentiels des véhicules électriques, leur adoption en Tunisie demeure limitée. Plusieurs facteurs empêchent cette conversion dit verte, allant des infrastructures aux politiques gouvernementales, en passant par la culture de consommation.
L’un des principaux obstacles à l’adoption de la voiture électrique n’est autre que le manque d’infrastructures de recharge. Actuellement, les bornes de recharge sont rares et souvent mal réparties, ce qui rend difficile pour les propriétaires de ce genre de véhicules de recharger leurs véhicules en dehors des grandes agglomérations. Selon les données de l’Anme (Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie), il y a moins de 50 bornes de recharge publiques sur l’ensemble du territoire, ce qui est largement insuffisant pour répondre aux besoins croissants des utilisateurs potentiels. A titre de comparaison, l’Algérie devra terminer l’installation d’un millier de points de recharge électrique d’ici la fin de l’année.
Les stations-services seront dans l’obligation d’installer des bornes de recharge
Depuis le projet pilote lancé en 2019, un réseau composé d’une dizaine de stations de borne de recharge ultra rapide, au sein des stations Agil, dans les grandes villes du pays, a été mis en place.
En 2020, la Société nationale de distribution des pétroles (Agil) et la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (Steg) ont signé un mémorandum d’entente visant à installer les bornes de recharge pour voitures électriques.
Dans ce contexte, le directeur général de l’Anme, Fathi Hanchi, a indiqué que le nombre de bornes de recharge de véhicules électriques atteindra les 160 points d’ici 2025. «Tout le territoire sera couvert de bornes de recharge. Des contrats ont été signés avec 40 municipalités et 20 entreprises publiques pour leur mise en place. Les stations-services seront dans l’obligation d’installer des bornes de recharge électrique des véhicules», a-t-il détaillé.
Actuellement, recharger sa voiture électrique demeure un casse-tête pour les automobilistes, dans la mesure où les stations-services dotées de ces bornes se comptent sur les doigts d’une seule main.
Pour les connaisseurs, les véhicules électriques sont nettement plus chers à l’achat que leurs homologues à combustion interne. En Tunisie, le coût d’acquisition reste un frein majeur pour de nombreux consommateurs. Bien que ces véhicules puissent offrir des économies sur le long terme grâce à des coûts de carburant et d’entretien réduits, le prix initial élevé décourage de nombreux acheteurs potentiels.
Coûts élevés des véhicules
Pourtant, la loi de finances 2022 avait prévu l’exonération des véhicules électriques de droits de douane. Pour 2024, l’Etat tunisien continue à encourager l’achat de voitures zéro émission avec de nouvelles mesures liées à une baisse de la TVA et de la taxe de la circulation. Par ailleurs, l’Anme avait annoncé en mai 2023, l’octroi d’une prime écologique de 10.000 DT, pour l’achat d’une voiture électrique. En dépit de ces mesures incitatives visant à rendre ces voitures accessibles, on note que leur prix reste extrêmement élevé. Le prix du véhicule électrique le moins cher en Tunisie avoisine les 90 mille dinars, alors que pour le haut de gamme, il faut compter au moins 200 mille dinars.
Les coûts de réparation sont également un facteur important à considérer. Les pièces pour ces véhicules peuvent être difficiles à trouver et plus coûteuses, en raison de la faible demande et de l’absence de production locale. C’est ce que nous confirme Mohamed Ali, un ancien propriétaire d’une voiture électrique qui a finalement opté pour une hybride. « Posséder un véhicule électrique est un casse-tête en Tunisie. Les bornes de recharge sont rares et en cas de défaillance ou de panne, il est presque impossible de trouver un atelier spécialisé dans l’entretien des voitures électriques. J’ai finalement vendu ce véhicule et j’ai acheté une hybride, je pense que c’est un excellent choix en Tunisie », a-t-il expliqué.
«Les mécaniciens et techniciens qualifiés sont quasi inexistants, ce qui entraîne des coûts plus élevés, car on est dans l’obligation de recourir aux services du concessionnaire. Aussi, les voitures électriques utilisent-elles des technologies avancées et des composants spécifiques comme les batteries lithium-ion, qui peuvent nécessiter des outils et des équipements spécialisés pour les réparer», explique encore notre interlocuteur.
Une culture qui fait défaut
Selon l’Anme, la Tunisie vise la commercialisation de 5.000 voitures électriques d’ici 2025, pour dynamiser le marché. Sauf que la perception des consommateurs joue également un rôle crucial. Nombreux sont les Tunisiens encore sceptiques quant à la fiabilité et à la performance des voitures électriques. De plus, la culture automobile en Tunisie est fortement ancrée dans l’utilisation des véhicules à moteur thermique, ce qui rend la transition vers l’électrique plus difficile. C’est le rôle de l’Etat de renforcer les politiques gouvernementales claires et les mesures incitatives pour encourager l’achat des voitures électriques.
Enfin, autant rappeler que les moyens de sensibilisation du public sur les avantages de ce type de véhicules sont limités. Les conducteurs tunisiens ne sont pas, du reste, pleinement conscients des bénéfices environnementaux et économiques à long terme de la voiture électrique.
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