Tunisie : Vers la création d’une unité de production d’ammoniac vert

Les autorités tunisiennes ont entamé les premières démarches pour concrétiser les axes de la Stratégie nationale de développement de l’hydrogène vert. Cette stratégie prévoit, entre autres projets, la création à court terme d’une unité commerciale de production d’ammoniac vert pour le secteur des engrais destinés au marché local.
Bien qu’aucune annonce officielle n’ait encore été faite à ce sujet, la décision du CMR du 8 mars, de retirer le phosphogypse de la liste des déchets dangereux pour le reclasser en produit à valeur ajoutée, ainsi que l’exonération de la TVA sur les intrants des engrais destinés au marché local pour le Groupe Chimique Tunisien (GCT), principal partenaire dans la réalisation de la stratégie d’hydrogène vert, s’inscrivent dans cette dynamique.
La Tunisie amorce ainsi la mise en œuvre d’une vision stratégique à l’horizon 2050, visant à faire du pays un « exportateur net d’hydrogène vert » et à le positionner comme acteur clé de la dorsale hydrogène européenne (Hydrogen Backbone).
Selon cette vision, la Tunisie devrait être en mesure d’exporter environ 6,3 millions de tonnes d’hydrogène par an vers l’Union européenne via des pipelines d’ici 2050, tout en alimentant le marché local avec environ 2 millions de tonnes, sous forme d’H2V ou de dérivés comme l’ammoniac vert, le méthanol vert et les carburants synthétiques verts.
Parmi les projets phares de cette stratégie, figure l’implantation d’une première usine de fabrication d’ammoniac vert dans la zone sud, autour de Gabès. Cette région, gravement touchée par la pollution liée à l’industrie du phosphate depuis les années 1970, sera transformée en une « Vallée Hydrogène » ou « Vallée H2 ». Cette initiative vise à créer un écosystème de production et de demande d’H2V et de ses dérivés, générant ainsi de nombreuses opportunités commerciales et de projets.
D’après le document de la stratégie, la Tunisie bénéficiera du soutien de la Banque Européenne d’Investissement (BEI), du European Fund for Sustainable Development Plus (EFSD+) et de la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) pour la mise en œuvre de projets structurants dans les secteurs des énergies renouvelables et de l’hydrogène vert.
Dans une première phase, il est prévu de créer un parc photovoltaïque de 8 MW raccordé au réseau électrique national, une unité de dessalement de l’eau de mer, un électrolyseur et une unité de synthèse d’ammoniac, utilisant le procédé Haber-Bosch. Ce procédé chimique permet de fixer l’azote en grande quantité à faible coût.
Les installations seront réalisées sur le site de l’usine du Groupe Chimique Tunisien (GCT) à Gabès (ZI Ghannouch). Le parc photovoltaïque sera situé à l’ouest de la ville de Oudhref, à environ 18 km de l’usine GCT, à proximité du réseau électrique de la STEG, afin de faciliter le transport de l’électricité produite.
Il convient de rappeler que la stratégie tunisienne de développement de l’hydrogène vert est soutenue par l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI) et l’Agence de Coopération Internationale Allemande (GIZ). Elle sera mise en œuvre en collaboration avec le Groupe Chimique Tunisien (GCT).
Cependant, les premières démarches vers la concrétisation de cette stratégie ne font pas l’unanimité. Les activistes environnementaux, ainsi qu’une grande partie des habitants de Gabès et plusieurs ONG, critiquent ces choix, estimant qu’ils auront des impacts négatifs sur l’environnement. Ils considèrent également que ces projets ne seront pas bénéfiques pour les régions du sud ni pour la Tunisie, mais plutôt pour les pays européens qui cherchent à se positionner sur le marché émergent de l’hydrogène vert à l’échelle mondiale.
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