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Tunisie-Algérie: L’impératif de renforcer l’action commune contre le terrorisme

C’est particulièrement au niveau des frontières entre les deux pays, encore exposées aux menaces jihadistes, qu’il faudra consolider la stratégie préventive

29 janvier : le ministre de l’Interieur, Kamel Féki, est en visite à Alger pour représenter la Tunisie aux travaux de la première session de la commission mixte de développement et de promotion des zones frontalières tuniso-algériennes. Deux jours plus tard, le Chef du gouvernement algérien est reçu par le Président Kaïs Saïed. Le timing entre les deux visites ? Nul ne sait. Mais, ce que l’on sait par contre, c’est le regain d’activité des groupes terroristes en Afrique signalé récemment par des services de renseignements occidentaux et vite relayé par le commissaire de l’Union Africaine pour la paix et la sécurité, Smail Chargui, qui a rapporté que «près de six mille africains parmi les trente mille qui combattaient dans les rangs de Daech au Moyen-Orient sont en passe de rentrer au bercail, ce qui pose de sérieuses menaces sur la sécurité et la stabilité des pays concernés».

Pour sa part, le haut commandement américain Africom, qui gère des bases militaires éparpillées un peu partout dans notre continent, va encore plus loin en déclarant dernièrement qu’«il est trop tôt pour rédiger la nécrologie du terrorisme en Afrique». Certes, les pays concernés par cette nouvelle sonnette d’alarme n’ont pas été cités dans ces informations, mais il devait être grandement question que la Tunisie et l’Algérie y figurent. Et cela pour au moins deux raisons.

Primo, ces deux pays sont considérés en Occident comme les plus grands producteurs et exportateurs de jihadistes en Afrique. Secundo, la Tunisie et l’Algérie, soulignent les renseignements européens et américains, n’ont pas encore démantelé la totalité des cellules dormantes qui pourraient donc ressurgir à tout moment.

Des frontières guère épargnées 

Historiquement, les frontières tuniso-algériennes n’ont été guère épargnées au cours des trente dernières années. Tout a commencé par «la décennie noire» (pas moins de deux cent mille tués recensés officiellement) des années 90 qui avait durement ébranlé le pays voisin dans la foulée de la montée en puissance du terrorisme. En ce temps-là de triste mémoire, l’Algérie était infestée de jihadistes lourdement armés qui, dans leur folie sauvage, ont longtemps fait régner un climat d’insécurité chronique qui n’épargnait rien, ni personne. D’horribles massacres ont été commis, dont l’un des plus cruels, souvenons-nous, fut le lâche attentat de Sidi Belabbes au cours duquel quelque onze institutrices, en plein cours, ont été froidement abattues. Des dizaines d’autres massacres ont été également perpétrés toujours à partir de leurs fiefs montagneux, avec la même barbarie, dans diverses régions, dont les plus touchées furent Ain Defla, Skikda, Blida, Chlef, Batna, Souk Ahras et Annaba. Tous ces convois de la mort qui terrorisaient la population étaient commandités  par le cheikh Assem Abou Hayene, mufti général des groupes jihadistes. Celui-ci, commençant à perdre du terrain, sera remplacé par le très dangereux Abdelmalek Droukdal, plus connu sous le nom de guerre Abou Mossaab, homme fort de la tristement célèbre Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique) qui, voyant que la situation des jihadistes allait désormais de Chrybde en Scylla, et dans le but d’assurer ses arrières, jouera à fond la tactique des montagnes longeant les frontières, chère à Oussema Ben Laden. Du coup, ces frontières ne desemplissaient plus sous l’effet de l’invasion des terroristes.

Il est vrai que c’est là que ces derniers se sentent comme un poisson dans l’eau, parce qu’il y est plus facile de se cacher et de s’activer grâce aux vastes régions de montagnes, de grottes et de lits de rivière. Des renforts en hommes, armes et munitions y seront acheminés, via une myriade de terroristes tunisiens qui ont prêté allégeance aux autres milices en place, notamment celles de Okba Ibn Nafaa et Jond Al Khilafa. Cette coalition allait exploiter les frontières pour multiplier les attentats sanglants dans les deux pays où civils et surtout militaires et policiers, pris dans des embuscades, ne cessaient de tomber. Et c’est justement en lien avec ces groupuscules, admettent experts tunisiens et algériens, ainsi que le ministre de l’Interieur de l’époque, Lotfi Braham, qu’ont été perpétrées les attaques terroristes du Musée du Bardo (18 mars 2015) de Sousse (26 juin 2015) du bus de la Garde présidentielle (24 novembre 2015) et de la bataille de Ben Guerdane (7 mars 2016).

Depuis, qu’a-t-on fait dans les deux pays pour ne plus revivre pareilles tragédies ? Eh bien, on a décidé, plus résolus que jamais, de mettre la main dans la main et de faire campagne ensemble, à travers l’intensification des réunions mixtes, la multiplication des échanges d’informations et de données et le renforcement musclé de la présence armée militaire et policière des deux côtés des frontières. Bref, ce plan de vigilance, à l’instar du plan français «Vigipirate», est élevé au plus haut niveau dit dans le jargon policier» urgence attentat qui permet la mobilisation exceptionnelle de moyens. C’est ainsi que les deux pays ont pu d’abord limiter les dégâts et ensuite remonter la pente pour parvenir enfin à mettre sous l’éteignoir plusieurs cellules et éliminer des dizaines de jihadistes, dont certains étaient activement recherchés tant en Tunisie qu’en Algérie, tels que Bilel Kobbi, Abou Abdallah, Soufien Essoufi, Bechir Ben Neji (alias Hamza Ennemr) Haroun Al Jazairi, et autres Rouissi, etc. Le tout non sans payer le prix fort, les deux pays ayant déploré des centaines de tués dans les corps de l’armée, de la police et de la garde nationale.

Essoufflés, mais toujours en vie 

Il va sans dire que, grâce à ce sursaut rageur fruit d’une coopération bilatérale sans faille, la tension terroriste est retombée des deux côtés des frontières.

Mais, gare à l’euphorie, des experts algériens appelant de nouveau à « avoir les pieds sur terre, étant donné la persistance de ce casse-tête que sont les cellules dormantes et le désir des jihadistes de refaire un jour surface, dans l’objectif d’enrayer leur chute.»

Cette thèse qui a tout d’un avertissement, est d’ailleurs soutenue par un grand nombre de nos sécuritaires qui persistent à croire qu’ «il serait stupide de dire que l’hydre terroriste a été totalement éradiquée, car elle a, à coup sûr, conservé des poches de résistance que nous pourrons, avec le temps, torpiller, et nous y arriverons.»

De toutes les façons, tant dans les casernes militaires que dans les QG des deux brigades de la police et de la garde nationale chargées de la lutte contre le terrorisme, on semble aujourd’hui prêt à tout faire pour que les cheveux ne traînent plus dans la soupe. En ce sens, apprend-on, outre le renforcement tous azimuts de la coopération sécuritaire avec nos frères algériens, la vigilance est désormais de tous les instants et une surveillance à distance 24 heures sur 24 sur les zones montagneuses de la frontière où se cacheraient des terroristes. Une surveillance qui devra durer aussi longtemps que nécessaire.

L’ancien président américain Ronald Reagan n’a-t-il pas dit un jour que « pour qu’un pays reste fort, il faut que ses frontières soient obligatoirement étanches et invulnérables »?

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