Economie tunisie

Trois questions à Lazhar Bennour, directeur général de la coopération économique et commerciale au ministère du Commerce et du Développement des exportations : «Notre adhésion à la Zlecaf va augmenter nos exportations vers l’Afrique»

La Zlecaf, ce grand chantier panafricain qui promet monts et merveilles aux pays du continent noir, avance à grands pas. Après son entrée en vigueur en 2021, les actions visant à accélérer sa mise en œuvre s’enchaînent : le secrétariat de la Zlecaf a lancé, en octobre 2022, l’initiative du commerce guidé à laquelle a pris part la Tunisie. Les autorités tunisiennes ont réussi, dans le cadre de cette action pilote, à exporter, au mois de juin, la première cargaison de résine vers le Cameroun. Une véritable prouesse qui a, cependant, permis de révéler certaines difficultés, que cet accord de libre-échange veille à enrayer pour assurer une meilleure intégration commerciale du continent. Lazhar Bennour, directeur général de la coopération économique et commerciale au ministère du Commerce et du Développement des exportations, apporte son éclairage sur ce sujet.

Comment évaluez-vous la première opération d’exportation vers le Cameroun qui a été effectuée, au mois de juin dernier, dans le cadre de «l’initiative du commerce guidé» lancée par le secrétariat de la Zlecaf ?

Il faut dire que cette première opération a été très médiatisée, notamment au Cameroun. On a été agréablement surpris. Le conteneur tunisien a été reçu par les autorités camerounaises, en l’occurrence le ministre du commerce camerounais. Une cérémonie de réception a été organisée, à cet effet, au cours de laquelle ont été présents son Excellence l’ambassadeur de Tunisie au Cameroun et le directeur de la représentation commerciale tunisienne à Yaoundé. Cette réception en grandes pompes de la cargaison tunisienne a permis d’insuffler plus de confiance aux exportateurs tunisiens. Je rappelle ici que le démantèlement tarifaire total au niveau de la Zlecaf n’est pas encore achevé. Ce n’est, qu’à partir de 2025, que les produits tunisiens seront totalement exonérés des droits de douane. Notre adhésion à la Zlecaf va nettement augmenter nos exportations vers les pays africains.

Il est vrai que seulement 2,6% des exportations tunisiennes sont à destination de l’Afrique subsaharienne mais si on fait le décompte au niveau des produits dont la valeur ajoutée est de 40% et plus, ce taux devrait passer à 7% voire à 8% du total des exportations.

Il est important de le préciser parce qu’il y a une grande partie de nos exportations qui sont destinées au marché européen qui n’ont pas cette valeur ajoutée et auxquels on ne peut pas attribuer un certificat d’origine Zlecaf et même un certificat d’origine pour les échanges avec les pays arabes. Ce sont, donc, des produits 100% tunisiens qui contribuent à la création de la richesse et de l’emploi que nous sommes en train d’exporter vers les pays africains.

Comment le ministère compte-t-il inciter les exportateurs tunisiens à s’orienter vers le marché Zlecaf ?

En ce qui concerne l’implémentation de l’accord, nous avons instauré le principe du dialogue public-privé. Nous sommes, donc, en constante coopération avec les structures du secteur privé, grâce aux échanges permanents.

Comme prochaine étape nous allons organiser incessamment un atelier de vulgarisation auprès des journalistes pour expliquer les enjeux de cet accord et comment la Tunisie, les entreprises ainsi que les exportateurs tunisiens peuvent en bénéficier. Il faut préciser, dans ce cadre, que notre approche est adossée à une vision selon laquelle nous ne considérons pas l’Afrique comme un marché mais plutôt l’objet d’un partenariat gagnant-gagnant.

C’est-à-dire que la Tunisie va s’ouvrir aux produits africains qui, en les transformant, peuvent permettre à la Tunisie de mieux se positionner dans les chaînes de valeur africaines.

Donc, la Tunisie peut être un acteur majeur dans ces chaînes de valeur, rien qu’en s’approvisionnant en produits africains qui sont souvent des matières premières, semi-produits ou intrants utilisés dans l’industrie agroalimentaire. Il y a des possibilités énormes et des complémentarités à explorer. Il faut lancer ce message, afin de tourner cette page où la Tunisie considère l’Afrique un marché uniquement vers lequel elle exporte ses produits.

On veut instaurer un partenariat fructueux gagnant-gagnant avec nos frères africains. Qui veut investir et faire du commerce avec la Tunisie sera le bienvenu, mais il doit contribuer à la création de la valeur et au développement. Et la Tunisie est le portail de l’Afrique.

Les opérations d’importation et d’exportation avec les pays africains ont toujours été confrontées à des difficultés en matière de logistique et de financement. Est ce que la Zlecaf va permettre d’offrir des solutions à ces problèmes récurrents ?

Il est vrai que tout le continent souffre de problèmes logistiques. La première expédition, qui a été effectuée dans le cadre de l’accord et qui a mis 45 jours, en est la parfaite illustration. 45 jours dans le jargon commercial est antiéconomique. C’est pourquoi la Zlecaf a instauré le principe des corridors.

L’Afrique est un continent immense et les corridors vont permettre de créer des routes commerciales et de s’affranchir de ce passage obligé par l’Europe pour tout pays qui veut faire du commerce avec l’Afrique. C’est dans ce cadre qu’on a instauré le corridor tuniso-libyen vers les pays africains enclavés.

Ce corridor va améliorer considérablement nos relations commerciales non seulement avec ces pays mais avec tout le continent, parce qu’il y aura une deuxième étape consistant à construire des liens entre les différents corridors.

Au niveau financier, la Zlecaf dispose d’une banque qui va instaurer un nouveau système de financement au niveau du continent, c’est l’Afreximbank.

Cette banque est en train de mettre en place le «Papss» qui est un système de paiement panafricain et elle est aussi en train de financer le commerce entre les pays africains.

Avec cette institution, on va boucler la boucle et on va avoir des piliers pour accélérer cette intégration africaine.

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