Trois questions à Ibrahim Debach, président de la chambre syndicale des concessionnaires et constructeurs automobiles : «Le marché automobile est sous tension »
Subissant les soubresauts de l’industrie automobile mondiale, le marché de l’auto est sous tension. La perturbation dans les chaînes d’approvisionnement et la réduction de 20% des quotas d’importation de véhicules neufs ont fortement impacté la disponibilité de l’offre. Ibrahim Debach, président de la Chambre syndicale des concessionnaires et constructeurs automobiles, nous donne de plus amples détails sur un marché sous pression.
Comment se porte, aujourd’hui, le marché automobile, notamment avec la dégradation du pouvoir d’achat des consommateurs ?
Dans un premier temps, je pense qu’il est important de considérer la situation au niveau international. Depuis la crise du Covid-19, nous continuons de souffrir de l’inflation des prix des voitures à l’international et de la hausse des coûts des véhicules, notamment les frais du transport.
Nous continuons également de subir les problèmes d’approvisionnement parce que la perturbation des chaînes d’approvisionnement déclenchée avec la crise sanitaire,se poursuit même en 2023, et à impacter l’approvisionnement du marché.
En Tunisie, plusieurs facteurs font qu’effectivement les voitures deviennent de plus en plus difficiles d’accès pour le budget du citoyen tunisien. Il s’agit de l’inflation, la perte du pouvoir d’achat et je dirais de la dégradation de la monnaie tunisienne même si cette année, elle a été relativement moins importante par rapport aux années précédentes.
Les taxes sur les véhicules, qui ont été instaurées par la loi de finances 2018, et l’augmentation des droits de consommation de 25% et de la TVA qui est passée de 18 à 19%, ont également un effet sur le marché automobile en Tunisie. Nous continuons, aussi, de subir un problème d’approvisionnement qui est dû à une pénurie, aggravée par la réduction de 20% du quota d’importation des véhicules pour l’année 2023 (une décision prise par le ministère du Commerce compte tenu du contexte macroéconomique tunisien). Donc, aujourd’hui, il y a une tension sur le marché. Il y a une forte demande pour certains modèles et certaines marques et parfois les concessionnaires n’ont pas les moyens de répondre à la demande. Il y a des pressions comme on le sait sur la voiture populaire, mais également sur d’autres catégories de voiture. On sait que parfois les temps d’attente sont assez longs pouvant atteindre quatre, cinq voire six mois, si ce n’est pas plus et donc forcément cette pénurie peut engendrer aussi, dans certains cas, des effets de spéculation et d’inflation.
Cette situation s’est-elle répercutée sur le marché de l’occasion ?
Le marché de l’occasion est un marché important en Tunisie. Effectivement, la pénurie de véhicules neufs a forcément un impact. Mais quand je parlais des effets spéculatifs, nous pouvons constater que ces effets là touchent même les voitures d’occasion. La rareté des voitures fait que les prix à la revente restent chers et peuvent augmenter de façon très régulière. Et c’est aussi parfois en défaveur du consommateur.
A travers les nouvelles mesures fiscales, le gouvernement encourage le passage à la voiture électrique. Mais, sur le terrain, le développement de la mobilité électrique est confronté à plusieurs obstacles, principalement le déploiement des bornes de recharge électrique. La voiture électrique est-elle pour demain ou c’est un objectif encore lointain?
Nous saluons les efforts qu’il faut considérer positivement et qui ont été entamés déjà avec la loi de finances 2022, et qui sont poursuivis en 2023, et probablement avec la loi de Finances 2024. Effectivement on sent une volonté du gouvernement d’encourager les consommateurs d’aller vers les voitures électriques. C’est un élément positif qu’il faut saluer. En revanche, je dirais qu’on souffre toujours d’un manque d’infrastructures, notamment en matière d’installation de bornes de recharge. On estime que pour dix voitures électriques il faut au moins une borne de recharge.
La cherté des voitures électriques reste, également, un frein à leur déploiement à grande échelle, et ce, en dépit des taxations préférentielles appliquées pour cette catégorie de voiture. Néanmoins, je pense que, dans les années à venir, les prix vont baisser et c’est la volonté de la majeure partie des constructeurs.
J’estime qu’il est important de lever certaines barrières et goulots d’étranglement. A ce titre, il est important de mettre en place un système de tarification propre à la mobilité électrique, pour permettre aux énergéticiens de pouvoir vendre l’électricité au même titre qu’on vend l’essence ou d’autres énergies.
A mon sens, c’est un élément important, et cela pourrait encourager la création d’emplois, le développement de nouvelles concessions et l’installation de bornes électriques, surtout si l’on sait qu’il y a une forte incitation au niveau de l’Agence de maîtrise de l’énergie. La voiture électrique peut être pour demain, si on lève effectivement certaines barrières ou sinon cela risque de nous retarder. Ce qui n’est pas positif parce que nous savons qu’à partir de 2030, la production de voitures thermiques sera interdite notamment en Europe. Forcément cela aura un impact sur le marché de la Tunisie. Nous restons positifs et nous travaillons avec les autorités compétentes pour que ces barrières soient levées et pour qu’on puisse accompagner les mesures positives des autorités en matière d’abattement fiscal que ce soit pour les voitures électriques ou pour les voitures hybrides.
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