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Tribune | Guerre Israël-Hamas : les voix arabes comptent !

 

Par Skander Ounaies *

Les récents événements nous ont confirmé, encore une fois, à nous, monde arabe, notre rang, dans un conflit qui dure depuis plus de soixante-dix ans. L’Union européenne (UE) et la Grande-Bretagne du Premier ministre Rishi Sunak se sont levées comme une seule personne en «solidarité» avec l’État d’Israël, qui perdait pied lourdement, invoquant immédiatement le droit international. Or, c’est ce même droit que réclame le monde arabe depuis des décennies pour la résolution du conflit au Proche-Orient, sans jamais être entendu. Pourquoi ? Tout simplement parce que, sur le terrain, Israël est le plus fort, et parce qu’il bénéficie, dans les instances internationales, de l’« appui indéfectible» des États-Unis – qui se sont laissé enfermer, depuis près de cinquante ans, dans une position juridique intenable –, ainsi que de la complaisance d’une grande partie des pays de l’UE, Allemagne et Hollande en tête.

Déni de droit international

Ceux-là mêmes qui, sur tous les plateaux de télévision et sur toutes les chaînes de radio des pays de l’UE, invoquent haut et fort ce droit international, semblent l’avoir oublié quand un drone israélien à sous-munitions a déchiqueté des enfants gazaouis jouant sur un toit, quelques instants avant la rupture du jeûne du mois de Ramadan, ou quand les colons armés envahissent, pratiquement tous les jours, les champs d’oliviers palestiniens, en détruisant tout sur leur passage, sous la protection de l’armée.

Tous les pays de l’UE présentent Israël comme un État démocratique, le seul dans la région : ce qui est un leurre. Il s’agit d’un État qui vit sous les lois militaires, en particulier dans les «territoires occupés» où tout fonctionne — ou non — suivant la volonté de l’armée, car c’est elle qui donne les autorisations de déplacement et de construction. Des auteurs européens ont même qualifié Israël d’« État militariste» (Denis Charbit : Israël et ses paradoxes, 2023).

Un pays qui se dit démocratique ne pratique pas la détention administrative, pour ne pas dire arbitraire, totalement contraire au droit international, sur un simple soupçon de future dangerosité de l’individu en question. Selon l’ONU, ils sont exactement 1.264 dans cette situation, détenus pour une période de six mois renouvelable à l’infini. Est-ce là le comportement d’un État qui respecte le droit ? Pourquoi les pays de l’UE ne se soulèvent-ils pas contre ce déni manifeste du droit international ? Nous connaissons tous la réponse.

Rancœur tenace

L’actuel Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, nourrit une rancœur tenace contre les Arabes en général, et contre les Palestiniens en particulier et ce, pour deux raisons. Il était représentant d’Israël à l’ONU, lors de la seule condamnation de l’État hébreu au Conseil de sécurité du 3 octobre 1985 (résolution 573), après le bombardement du quartier général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) à Hammam-Chott, dans la banlieue sud de Tunis. Les États-Unis s’étaient abstenus lors du veto, après la menace, réelle, du président Bourguiba de rompre les relations diplomatiques avec Washington. La seconde raison est que le frère aîné du Premier ministre, qui était militaire, a été tué lors de l’assaut sur Entebbe, en Ouganda le 4 juillet 1976, au cours d’une tentative de libération d’otages retenus par le Front démocratique de libération de la Palestine (fdlp).

Cette profonde aversion, aveugle et indicible, resurgira quand, en mai 1996, Benyamin Netanyahou sera élu Premier ministre, chef d’une coalition de droite et d’extrême droite (une copie de l’actuelle coalition) qui le poussera, de manière totalement irresponsable pour un politique, à aller jusqu’à se prononcer en faveur de la poursuite de la colonisation dans les «territoires occupés». C’est ce dirigeant au comportement de «fou de guerre» qui gouverne aujourd’hui en Israël, et qui est le premier responsable de tout ce qui arrive depuis des décennies. Tout le monde le sait mais personne n’ose le critiquer publiquement pour ses dérives qui ruinent les espoirs du camp de la paix en Israël. Ils sont nombreux mais, hélas, inaudibles pour le moment.

Des sacrifices de part et d’autre

Gaza ne sera plus, certainement, qu’un champ de ruines, sous les bombes, avec ses morts et ses blessés encore une fois, comme lors des précédentes campagnes de bombardements en 2008-2009, en 2012, en 2014 et en 2021, et le droit international humanitaire sera, comme d’habitude, absent de toutes les analyses. Les «responsables» israéliens nous diront, comme à l’accoutumée, que les capacités militaires du Hamas sont détruites. Il n’en sera rien, j’en suis persuadé, tant que le problème fondamental – la colonisation sous toutes ses formes –, ne sera pas définitivement résolu par une paix acceptable par tous, selon le droit international, ce qui nécessitera certainement, pour les deux parties, des sacrifices. C’est  le seul moyen  qui puisse mettre les générations futures de toute la région  à l’abri de  la haine et de la folie guerrière.

Rappelons-nous que ce sont les colons qui ont poussé aux «événements» en Algérie, par leur aveuglement et leur certitude d’invincibilité. Il en est de même des colons israéliens qui, se fondant sur la réputation d’une armée supposée extrêmement puissante, se sont installés depuis longtemps dans le déni total, entraînant avec eux un peuple dont la majorité, j’en suis convaincu, n’aspire qu’à vivre en paix avec ses voisins. Il n’y a qu’à lire les tribunes des membres de la société civile israélienne dans la presse française et ailleurs.

Je souhaiterais que nos opinions, au Maghreb et au Moyen-Orient, soient lues, écoutées et entendues en France et en Europe. Entre autres parce que, comme soutiens inconditionnels des Palestiniens, nous sommes également  des soutiens inconditionnels de la paix pour tous. Cela mérite d’être souligné. Quand les canons se seront tus, il appartiendra à des pays forts, influents et surtout crédibles de peser de tout leur poids pour que cette «rupture» soit retenue comme un avertissement à prendre très au sérieux. Il faut absolument aider les modérés des deux camps à se porter au-devant de la scène politique. Eux seuls seront capables de faire des concessions douloureuses mais combien nécessaires, afin d’arriver à une paix durable et acceptable par tous.

S.O.

(*) Professeur d’économie à l’Université de Carthage et ancien conseiller économique pour le Fonds souverain du Koweït  (KIA).

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