Economie tunisie

Tribune – Fiscalité et survie des entreprises : La nécessité de réformer les méthodes de contrôle

Les opérations de vérification fiscale menées par l’administration fiscale tunisienne se soldent souvent par des notifications aux contribuables des résultats du contrôle. Ces notifications indiquent les montants des impôts et taxes réclamés, accompagnés des arguments avancés par l’administration et des méthodes de calcul appliquées. Toutefois, certaines de ces méthodes doivent être mieux encadrées afin d’éviter des redressements fiscaux démesurés, menaçant la survie des entreprises. 

Des montants réclamés déconnectés de la réalité économique

Dans certains cas, les redressements fiscaux paraissent anormalement élevés, voire totalement disproportionnés par rapport à la situation financière des entreprises concernées. Prenons l’exemple d’une petite entreprise située dans une zone reculée du nord-ouest de la Tunisie, dotée d’un capital social de 80.000 dinars.

Suite à un contrôle fiscal préliminaire, elle reçoit une notification lui réclamant un redressement de 30 millions de dinars, une somme largement supérieure à son chiffre d’affaires cumulé sur cinq ans.

Un autre cas illustre l’extrême gravité de ces pratiques : une société de commerce international, dont le capital s’élève à 150.000 dinars, voit son chiffre d’affaires, basé sur des opérations de négoce, remis en question. Suite à un contrôle fiscal approfondi, l’administration lui adresse un redressement suivi d’un arrêté de taxation d’office d’un montant de 69 millions de dinars. Ces chiffres, qui semblent surréalistes pour toute personne raisonnable, sont pourtant validés par les services fiscaux sans la moindre réserve.

Un alignement forcé sur des marges non justifiées

Dans le cas de cette société de commerce international, l’argument central avancé par l’administration repose sur une contestation de la marge bénéficiaire enregistrée. L’administration estime que l’entreprise doit s’aligner sur une marge standard de 30 %, appliquée à des entreprises soi-disant comparables, sans fournir d’exemples concrets permettant une vérification. En s’appuyant sur cette hypothèse arbitraire, le contrôleur fiscal a recalculé le chiffre d’affaires et le résultat imposable de l’entreprise, donnant lieu à des réclamations fiscales astronomiques en matière de TVA et d’impôt sur les sociétés. Cette approche soulève une question de fond : l’administration fiscale tunisienne peut-elle imposer une rentabilité minimale aux entreprises et s’ériger en une autorité de régulation du marché ? Une telle pratique va à l’encontre du principe de liberté économique et ignore les réalités opérationnelles propres à chaque entreprise : stratégie de positionnement, politique tarifaire, structure des coûts, etc. En appliquant des normes artificielles, l’administration fiscale engendre une taxation injustifiée, notamment pour les entreprises en difficulté ou celles qui optent pour une stratégie à faible marge.

Une méthode contestée, mais persistante 

Bien que les tribunaux tunisiens aient annulé plusieurs décisions fiscales similaires, l’administration persiste dans l’application de ces méthodes contestables. Cette obstination expose les entreprises à des conséquences dramatiques : nombre d’entre elles se retrouvent dans l’incapacité de payer ou de consigner les montants exigés pour suspendre l’exécution des arrêtés de taxation. Face à cette pression fiscale insoutenable, certains entrepreneurs n’ont d’autres choix que d’abandonner leurs entreprises.  

La requalification des dettes fournisseurs : un nouveau levier de taxation  

L’administration fiscale ne s’arrête pas là. Une autre pratique contestable consiste à requalifier les dettes fournisseurs non réglées depuis plus de cinq ans en «passif fictif» et à les réintégrer dans le résultat fiscal. Cette interprétation conduit à des redressements injustes, notamment pour des entreprises n’ayant réalisé aucune activité ou incapables de régler leurs dettes en raison de difficultés financières. Au lieu d’accompagner ces entreprises pour favoriser leur redressement, l’administration fiscale alourdit leur situation, les poussant encore davantage vers la faillite. 

Encadrer les méthodes de contrôle et instaurer des recours rapides

Ces pratiques mettent en évidence la nécessité d’un encadrement plus rigoureux des méthodes de contrôle fiscal utilisées par les agents de l’administration. Le ministère des Finances devrait définir des critères plus transparents et objectifs pour limiter les abus et garantir une fiscalité équitable. Par ailleurs, la mise en place de recours rapides pour les conflits récurrents permettrait aux entreprises de contester plus efficacement les redressements exagérés et d’éviter des conséquences irréversibles sur leur activité. Sans ces mesures, l’administration fiscale risque de continuer à fragiliser des entreprises déjà vulnérables, avec des effets négatifs sur l’emploi et l’économie nationale.  

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