Tribune | Besoin d’une nouvelle architecture financière pour le climat
Par Slimen Ben Youssef Lamine- sociologue communicateur
Le premier Sommet africain du climat, qui s’est tenu la semaine dernière au Kenya, a été clôturé sur une note d’espoir, à travers l’adoption de la « déclaration de Naïrobi ». Cette dernière se veut une base commune aux futures négociations internationales, mais loin de répondre entièrement aux enjeux.
L’Afrique, qui possède en son sous-sol 40 % des réserves mondiales de minerais rares et de multiples débouchés en termes de développement d’énergie solaire ou hydroélectrique, pourrait capitaliser sur ses propres ressources.
Un rêve pour toute la planète verra enfin le jour avec une justice climatique, consacrée par un modèle de financement juste et une taxation transparente du carbone.
En 2021, environ 37,12 milliards de tonnes de CO2 ont été émises dans le monde. Selon Oxfam, les 10 % les plus riches de la population mondiale sont responsables de plus de la moitié des émissions de carbone.
Les émissions de carbone de l’Afrique sont éclipsées par les émissions des autres continents. Avec 11,47 milliards de tonnes, la Chine est le premier pollueur mondial, suivie des Etats-Unis (5 milliards de tonnes), de l’Inde (2,7 milliards de tonnes), de la Russie (1,75 milliard de tonnes) et du Japon (1,07 milliard de tonnes).
Comptant environ 17 pour cent de la population mondiale, l’Afrique ne contribue qu’à hauteur de 4 pour cent des émissions mondiales de carbone, soit 1,45 milliard de tonnes.
Les pays du continent africain sont parmi les plus vulnérables face au dérèglement climatique selon l’indice de vulnérabilité 2021 : sécheresses, inondations, cyclones, catastrophes naturelles… Neuf sur les dix pays les plus vulnérables de la planète, ayant les plus bas niveaux de capacité d’adaptation aux changements climatiques, se trouvent en Afrique. D’où le besoin d’un financement de l’ordre de 1,6 milliard de dollars, entre 2020 et 2030.
Néanmoins, le financement accordé à l’Afrique est insuffisant par rapport aux engagements des pays développés. En effet, seulement 3 pour cent des flux de financements mondiaux, consacrés aux changements climatiques, ont été attribués à l’Afrique (19 milliards de dollars), entre 2016 et 2019.
Le besoin d’une nouvelle architecture financière pour le climat devrait donc être au cœur des discussions, autour de la restructuration de dettes, par exemple, ou de la mise en place de taxes sur les énergies fossiles et sur des industries polluantes, telles que l’aviation et le transport maritime.
Le sommet a prévu de renforcer le potentiel du continent dans la lutte contre le changement climatique, décision mentionnée dans la « déclaration de Naïrobi » qui servira de base commune lors de la COP 28 et des prochaines négociations internationales sur le climat. « C’est une première et une bonne nouvelle que l’Afrique s’affiche unie », affirment ses signataires.
La déclaration de Naïrobi appelle également les leaders de la planète à se rallier à la proposition d’un régime de taxe sur le carbone comprenant une taxe carbone sur le commerce des combustibles fossiles, le transport maritime et l’aviation, qui peut également être augmentée par une taxe mondiale sur les transactions financières.
Le sommet de Naïrobi a été la première étape de quatre mois de réunions internationales portant sur des questions climatiques, qui culmineront avec la conférence de l’ONU sur le climat (COP28) à Dubaï, fin novembre 2023. La COP28 sera le théâtre d’une vive bataille diplomatique sur la fin des énergies fossiles.
Dans leur déclaration finale, les pays africains demandent à la communauté internationale de contribuer à « porter la capacité de production d’énergies renouvelables de l’Afrique de 56 gigawatts en 2022 à au moins 300 gigawatts d’ici 2030 (…) pour lutter contre la précarité énergétique et renforcer l’approvisionnement mondial en énergie propre et rentable ».
Ils proposent aussi d’établir « une nouvelle architecture de financement adaptée aux besoins de l’Afrique y compris la restructuration et l’allégement de la dette », dont le fardeau pèse lourdement sur leurs économies.
Au chapitre des énergies renouvelables, le Sommet africain pour le climat a permis de recueillir 23 milliards de dollars de promesses d’investissements, a annoncé William Ruto, le président kényan, hôte de la réunion, dont 4,5 milliards de la part des Emirats arabes unis.
Adopté par la communauté internationale en 2009 à Copenhague, le mécanisme prévoyait le financement par les pays développés — pollueurs historiques — d’un fonds d’aide à l’adaptation des pays du Sud, victimes du réchauffement climatique et d’un fonds des pertes et préjudices, dont les objectifs ont été définis lors de la COP27, l’an dernier. Environ 100 milliards de dollars devaient être injectés pour ce fonds, mais l’Afrique perd chaque année le double à cause de l’évasion fiscale et des flux financiers illicites.
Des engagements ont été retenus, notamment en ce qui concerne l’augmentation de la production agricole, la protection des océans et des forêts ou encore le développement des énergies renouvelables.
L’enjeu est certes climatique, mais aussi géostratégique. Le monde entier a besoin aujourd’hui des richesses et des ressources naturelles du continent africain. D’où la nécessité d’instaurer un nouveau modèle de financement et de restructurer la dette. Le jeu est joué, en attendant la concrétisation des engagements mentionnés dans la déclaration de Naïrobi lors du sommet de développement durable bientôt à New York et à la COP 28 à Dubaï, plus tard.
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