Transport maritime : La saturation des ports, un goulot pour l’économie tunisienne
Les ports tunisiens sont de plus en plus saturés et souffrent d’un manque d’équipements et d’infrastructures appropriés, ainsi que d’une détérioration des services connexes.
La Banque mondiale est revenue dans sa dernière étude sur «l’Economie bleue en Tunisie» sur la nécessité du développement et de la durabilité du transport maritime dans notre pays à travers l’ensemble de la chaîne de valeur. Malgré son importance, l’institution estime que cette problématique reste complexe et loin d’être résolue dans notre pays.
Une gestion assez lourde
L’étude indique que la gestion du secteur du transport maritime est assez lourde en termes d’efficacité et de souplesse, de gestion et de réactivité. En effet, les services portuaires et maritimes sont encore largement dominés par le secteur public. Trois entreprises publiques sont impliquées, à savoir la Compagnie tunisienne de navigation (CTN) dans le transport maritime, l’Office de la marine marchande et des ports (Ommp) pour la gestion et la régulation des ports et la Société tunisienne d’acconage et de manutention (Stam) pour la manutention portuaire et l’aménagement des terre-pleins. Ils sont tous sous la tutelle de la Direction générale du transport maritime et des ports (Dgtmp) du ministère du Transport.
Pour le transport des passagers, il y a une focalisation uniquement sur la demande locale et non prise en compte des potentiels d’innovation vers d’autres «niches» émergentes (lien avec le tourisme). Ce mode de transport a une forte dépendance aux ressources fossiles, mais présente des impacts et des risques (bruit et rejets polluants).
Infrastructure portuaire : de la 38e à la 100e position
Le secteur rencontre aussi des difficultés énormes pour pouvoir s’adapter aux changements rapides des normes et des exigences de qualité et de coût. Confrontée, lors des deux dernières décennies, à un accroissement important du trafic de marchandises et à de nouvelles tendances dans le transport maritime, l’infrastructure portuaire tunisienne n’a pas su se moderniser.
En effet, les ports tunisiens sont de plus en plus saturés et souffrent d’un manque d’équipements et d’infrastructures appropriés, ainsi que d’une détérioration des services connexes. L’effondrement de la Tunisie dans le classement de la qualité des infrastructures portuaires du Forum économique mondial (FEM) illustre ces mauvaises performances : la Tunisie a chuté de la 38e position (sur 134 pays évalués) en 2008-2009 à la 100e position (sur 137 pays évalués) en 2016-2017. Aujourd’hui, l’infrastructure et les services portuaires représentent de plus en plus un goulot d’étranglement pour l’économie tunisienne et peuvent entraver la participation des entreprises locales aux chaînes de valeur mondiales (CVM).
Un trafic intense…
La Tunisie, pays au carrefour de la Méditerranée, voit quotidiennement près d’une centaine de navires transiter dans ses eaux et plus particulièrement au niveau, d’une part, du détroit siculo-tunisien, entre la Sicile et le Cap Bon et, d’autre part, au nord à quelques dizaines de kilomètres de sa frange septentrionale. Ce trafic intense constitue une menace permanente pour les côtes tunisiennes et les activités qui s’y produisent à cause des risques de pollution qu’engendreraient des accidents de navires transporteurs d’hydrocarbures ou de produits dangereux. Ce risque est d’autant plus important devant l’augmentation sans cesse croissante de l’activité maritime au large de la Tunisie et la sensibilité écologique manifeste de la côte tunisienne.
Malgré leur importance, les ports connaissent «un étranglement» par extension des zones urbaines et par une mauvaise gestion d’interface ville-port. De plus, les infrastructures portuaires font face à des dangers de plus en plus importants dus aux impacts des changements climatiques (élévation du niveau de la mer, impact des fluctuations des courants marins, risques des catastrophes naturelles, etc.).
En outre, le projet de port en eaux profondes d’Enfidha n’arrive pas à voir le jour malgré sa nécessité, l’élaboration des études y afférentes et la réservation de son emprise foncière depuis plus de 15 ans.
Par ailleurs, selon le dernier rapport du «plan bleu», le transport maritime représente un défi de taille, compte tenu de la quasi-absence d’alternatives de transports à faible émission de carbone pour une Méditerranée sillonnée quotidiennement par des milliers de navires, faisant face à une constante augmentation du trafic maritime pour le transport des personnes et des marchandises. Il y a, cependant, encore selon les professionnels de l’environnement, d’importantes marges à exploiter pour réduire les nuisances de cette activité sur l’équilibre écologique. Elles se rapportent notamment au renforcement de l’efficacité des moteurs, au recyclage dans les bateaux mêmes des eaux usées et des déchets ainsi qu’à la fixation de normes strictes notamment pour les pétroliers, pour l’âge des bateaux et pour les eaux de ballast. Le cabotage maritime est presque inexistant en Tunisie. Hormis les embarcations entre Sfax et Kerkennah ou entre Médenine et Djerba, la quasi-totalité des marchandises et du transport de voyageurs est assurée par voie routière, dont la majeure partie transite par les villes côtières du nord au sud du pays. Ce secteur pourrait constituer une niche à développer à moyen et long terme. Ses impacts en termes de coût et d’empreinte carbone et de pollution seraient moindres comparativement au transport routier. Toutefois, ce type d’activité, pour se développer, aura besoin d’infrastructures portuaires et logistiques modernes et performantes.
En termes de politiques de transport, le Livre blanc relatif au secteur des transports et de la logistique (2016) a identifié six thèmes majeurs qui affectent le secteur des transports et de la logistique, dont notamment : un système portuaire inadéquat, en termes de capacité et d’efficacité, et une capacité insuffisante en matière de transport maritime et un besoin d’une politique volontariste de réduction de l’empreinte carbone dans le secteur. Le Livre blanc a proposé un plan d’action à l’horizon 2030, qui fut en grande partie intégré au plan de développement 2016-2020.
Quelles recommandations ?
A l’issue du diagnostic du secteur du transport maritime, l’étude recommande le développement de la durabilité du transport maritime à travers l’ensemble de la chaîne de valeur. Pour atteindre cet objectif, des actions prioritaires doivent être accomplies dont la prise de toutes les mesures requises pour minimiser les impacts environnementaux conformément aux EIE (étude d’impact sur l’environnement) dans la réalisation du port en eau profonde et/ou de nouvelles infrastructures portuaires. Il faut aussi évaluer le potentiel du transport maritime intérieur (cabotage) à courte distance, en développant les lignes courtes (incluant le transport maritime interurbain). Par ailleurs, l’étude propose d’améliorer la coordination et la synergie avec les autres secteurs en relation (tourisme, autres modes de transport, pêche et industries exportatrices), d’améliorer l’intégration de la chaîne de valeur, par exemple par le développement de l’industrie navale (construction et réparation), de promouvoir la décarbonisation et la désulfurisation du transport maritime en explorant les énergies de substitution et carburant de meilleure qualité environnementale, notamment deux carburants alternatifs —l’ammoniac et l’hydrogène— comme les carburants «zéro carbone» les plus prometteurs pour le transport maritime à l’heure actuelle, plus évolutifs et plus compétitifs que les autres biocarburants ou à base de carbone synthétique.
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