TRANSPORT : Des plateformes étrangères de mobilité épinglées et suspendues d’activité

«Les enquêtes ont conduit à la saisie d’environ 12 millions de dinars dans les comptes bancaires de ces entreprises, ainsi qu’à la suspension de leurs activités, leur radiation du Registre national des entreprises et la fermeture de leurs sièges sociaux».
Le 17 novembre 2024, deux députés avaient pourtant pointé du doigt les pratiques frauduleuses de certaines plateformes de mobilité, à l’instar de la multinationale estonienne Bolt et l’entreprise américaine inDrive lors du débat autour du budget du ministère du Transport. Ils ont, à cette occasion, mis en avant des «tarifications exorbitantes» et «une activité qui constitue une infraction aux règlements régissant le transport individuel». Outre le fait que ces plateformes étaient en train de tirer pleinement profit de la dégradation du transport public. Dans ce contexte, l’un des députés avait même proposé que des mesures soient prises à l’égard de la plateforme Bolt, en envisageant son interdiction ou son alignement sur les règles du transport dans notre pays.
Soupçons de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale
Les craintes de nos députés se sont avérées justifiées après ce communiqué publié lundi 24 mars par la Garde nationale faisant état du démantèlement d’un réseau de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale dans le secteur du transport via les applications intelligentes. À ce propos, le communiqué informe que l’Unité nationale d’investigation sur les crimes financiers complexes de la Garde nationale, relevant de la Direction du renseignement et des enquêtes à l’Aouina, et sous la supervision du Ministère public auprès du Pôle judiciaire économique et financier, a réussi à dévoiler des soupçons de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale impliquant des entreprises gérant des applications de transport de passagers via des taxis individuels.
Il s’est avéré, selon la même source, que ces entreprises opéraient sans licences légales et utilisaient de fausses déclarations, en plus d’exploiter des comptes bancaires non déclarés pour transférer d’importantes sommes d’argent à l’étranger, en violation flagrante des réglementations en vigueur, ce qui confirme en grande partie les craintes exprimées sous l’hémicycle par les deux parlementaires. «Les enquêtes ont conduit à la saisie d’environ 12 millions de dinars dans les comptes bancaires de ces entreprises, ainsi qu’à la suspension de leurs activités, leur radiation du Registre national des entreprises et la fermeture de leurs sièges sociaux».
Si le communiqué de la Garde nationale ne fait pas mention de l’entreprise épinglée, les informations recueillies confirment qu’il s’agit bel et bien de l’entreprise Bolt, une société privée à responsabilité limitée constituée et enregistrée en vertu des lois de la République d’Estonie. Son siège social se trouve en Estonie, et elle est représentée en Tunisie par sa filiale, «Sauver Tunisia Support Services Limited» qui est une société unipersonnelle avec responsabilité limitée, constituée et régie par le droit tunisien, immatriculée au Registre national des entreprises, ayant son siège social aux Berges du Lac 2. Elle a été lancée en mai 2019 avec au départ 500 chauffeurs de taxi. Les enquêtes menées par l’Unité nationale d’investigation sur les crimes financiers complexes de la Garde nationale pourraient aussi concerner deux autres entreprises, à savoir inDrive (américaine) et Heetch (française), mais aucune information officielle n’est disponible pour le moment.
Nouvelle plateforme tunisienne de mobilité sous étude
Parallèlement à la publication de cette information, le Bureau exécutif de la Fédération générale du transport a, dans un communiqué publié le 24 mars, appelé les chauffeurs de taxis individuels à appliquer la loi et à ne plus utiliser l’application Bolt, en raison de plusieurs dépassements enregistrés, qui ont impacté négativement aussi bien le secteur que l’intérêt des citoyens. Plusieurs plaintes relatives à la concurrence déloyale et l’atteinte aux droits des professionnels ont été enregistrées, ce qui nécessite la mobilisation de toutes les parties prenantes pour appliquer la loi régissant cette activité et garantir l’égalité des chances, ajoute la fédération.
La suspension des activités de ces entreprises offrant des services de transport de personnes à la demande, sur réservation préalable, généralement via une application ou une plateforme, a été en tout cas très favorablement accueillie en raison notamment du cadre légal et réglementaire flou dans lequel opéraient ces entreprises et à cause de leurs tarifs jugés exorbitants. Cette suspension met aussi fin au diktat des plateformes de mobilité qui, il faut bien le dire, avaient tiré profit, des années durant, de l’inaction des décideurs à leur égard et de la dégradation du transport public. Le président de la République avait à maintes reprises insisté sur la nécessité de mettre fin à la destruction et à la corruption qui gangrènent le secteur du transport public. «Durant des décennies, ce secteur a souffert d’opérations de corruption».
Il est à souligner que le ministre du Transport, Rachid Amari avait expliqué en novembre de l’année dernière devant les parlementaires que son département s’est déjà penché sur l’étude d’une nouvelle plateforme tunisienne en collaboration avec le ministère des Technologies de la communication, tout en veillant à protéger les données personnelles des chauffeurs et des passagers. «Une nouvelle réglementation sera élaborée parallèlement en vue de plafonner les prix de transport et les lieux d’activité de ces entreprises».
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