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Tourisme médical: L’autre moyen de joindre l’utile à l’agréable

Dans un secteur qui a engrangé dans le monde cent milliards de dollars de revenus en 2023, la Tunisie ne manque ni de potentialités ni de compétences pour en devenir une destination internationale incontournable. Il suffit d’y croire.

Le tourisme médical a réalisé en 2023 des recettes estimées à 100 milliards de dollars, indique l’Organisation internationale du tourisme (OIT) qui parle d’une croissance annuelle de 25% qui permettra d’atteindre 180 milliards de dollars en 2026. Suffisant pour aboutir à la conclusion que ce secteur est doté d’une santé de fer pour la protection et l’amélioration de laquelle des pays, sans doute galvanisés par les performances réalisées, continuent d’injecter des sommes colossales dans ce créneau porteur. Si porteur que la Tunisie ne peut dire le contraire. Elle dont près de 50% des recettes touristiques de 2023 émanent du tourisme médical, annonce l’expert-comptable Houssem Bounenni qui affirme que l’Etat mise sur ce secteur « en lui réservant, souligne-t-il, une place de choix dans la stratégie futuriste de 2034.» Celle-ci prévoit, entre autres mesures incitatives, le renforcement des composantes du tourisme médical, l’assouplissement des formalités administratives au profit des investisseurs privés, la consolidation de l’infrastructure routière, le développement et l’exportation des services à l’étranger, via des investissements et des campagnes de séduction (salons, séminaires, actions promotionnelles…), ainsi que l’intensification de la coordination entre les ministères du Tourisme et de la Santé, à travers la commission mixte mise en place dernièrement.

C’est d’ailleurs dans cette optique que s’est tenue, début mai à Paris, la première édition internationale du Salon tunisien du tourisme médical. C’est aussi dans le même cadre qu’une délégation de 86 diplomates accrédités en Tunisie et représentant 43 pays a été invitée, au mois d’avril, à visiter des régions du nord-ouest (Béja, Aïn Drahem, Tabarka et Jendouba) pour prendre connaissance, et de visu, de plusieurs composantes du tourisme alternatif, dont le tourisme médical.

C’est encore dans cette perspective qu’on a enregistré récemment une augmentation du nombre de cliniques (180), de centres de dialyse (112) et de centres de thalassothérapie (57) destinés au développement du secteur.

Peut mieux faire 

Comme tout secteur, celui du tourisme médical est loin d’être au-dessus de tout reproche. Du pain sur la planche, il en a. D’abord, le nombre insuffisant de vols sur certaines destinations européennes qui ramènent chez nous le plus grand nombre de clients. Ensuite, la fermeture — qui perdure — du port de Tabarka qui attirait les patients algériens.

Cela, sans compter deux autres facteurs non moins pénalisants, à savoir l’absence d’un cadre juridique réglementant la tarification des soins et la sempiternelle question des droits du malade et de la responsabilité médicale. Ce dernier sujet est si sensible qu’il a donné lieu à des procès devant les tribunaux. D’où l’intervention de l’ARP (Assemblée des représentants du peuple) qui a organisé, l’autre jour, une séance pour tenter de trouver une solution à ce problème. Séance qui a groupé les différentes parties prenantes, et à leur tête la Chambre syndicale des propriétaires de cliniques privées, celles-ci accueillant — il est vrai — plus de 60% des touristes médicaux étrangers et locaux, précise le président de ladite chambre, le professeur en pneumologie Boubaker Zakhama, qui assure que « cette question a été enfin résolue sur la base d’un accord de 48 articles signé par les intervenants concernés et matérialisé par l’adoption d’une loi privilégiant le principe du règlement à l’amiable entre les patients et les médecins et l’indemnisation en cas de dommages subis à la suite d’erreurs médicales ».

Pour Hafidha Lamloum, directrice d’une société privée qui affirme en savoir quelque chose, « ce n’est pas encore le bout du tunnel. Par expérience, j’ai constaté que des cliniques privées maîtrisent peu les codes et la déontologie sur le plan médical, au point que parfois lorsqu’on s’y fait opérer, cela risque de tourner mal, en ne pouvant même pas avoir réparation ou intenter un procès ».

Lui répliquant, le professeur Zakhama qui, tout en reconnaissant l’existence de cas de dépassements qu’il juge insignifiants, jure que cela n’influe nullement sur la réputation flatteuse de nos cliniques et cadres médicaux à l’échelle internationale.

« L’autre problème qui donne parfois des sueurs froides aux professionnels du secteur est relatif au domaine pharmaceutique. Certains médicaments sont ou bien chers ou alors introuvables », déplore Houcine El Heni, anesthésiste dans une clinique de la capitale, qui avertit que « cela risquerait à la longue de paralyser carrément l’évolution positive du tourisme médical, d’où mon appel au ministère de la Santé pour sauver la Pharmacie centrale.»

Renseignements pris, celle-ci est toujours confrontée à sa bête noire qu’est la pénurie qui touche actuellement jusqu’à 280 médicaments, ce qui a entraîné le développement d’un marché parallèle hélas de plus en plus incontrôlable.

Voyager vers la santé 

Voilà un joli slogan qu’a choisi l’Ontt pour promouvoir le tourisme médical. Slogan vite adopté par les hôtels et cliniques concernés qui en ont fait leur cheval de bataille. Un secteur, il est vrai, aux acquis véritablement inestimables. Jugeons-en : augmentation continue du nombre de cliniques et d’hôtels spécialisés, de centres de thalassothérapie et de dialyse, de services de réanimation de pointe, de pavillons dernier cri (pour la prise en charge des cas cancéreux, des soins du pied diabétique et de traitement par oxygénotherapie hyperbare). Tout y est, toutes spécialités médicales confondues, dont les plus sollicitées sont la traumatologie, l’ophtalmologie, la gastroentérologie, la chirurgie dentaire et laparoscopique). Par ailleurs, les experts font état de la montée en puissance de la chirurgie esthétique qui draine de plus en plus de touristes étrangers (particulièrement les Français) attirés qu’ils sont par la qualité des prestations de services et des tarifs beaucoup moins chers que ceux appliqués dans leur pays, outre l’expansion des agences médicales en ligne. «Un créneau qui marche aujourd’hui sur les chapeaux de roues» rassure Zakhama qui précise que « les touristes médicaux dépensent quatre fois plus que les touristes classiques.»

Et ce n’est pas un hasard si de plus en plus d’hôteliers, après avoir longtemps survécu grâce au traditionnel tourisme balnéaire, filent désormais le parfait amour avec le tourisme médical. « Nous collaborons, depuis voilà trois ans, avec des agences de voyages d’Algérie qui nous envoient régulièrement des contingents de patients », rapporte Hassen Gloulou, directeur administratif dans un hôtel à Gammarth. « Alors, explique-t-il, nous les prenons en charge entièrement pour les accompagner tout au long des étapes de l’opération chirurgicale et de la rééducation qui sont généralement suivies d’un séjour de repos et de convalescence dans notre établissement,joignant ainsi l’utile à l’agréable ». Selon notre interlocuteur, « cette procédure a été, Dieu merci, une réussite totale qui a eu pour effet de pousser les touristes algériens et libyens à ne plus s’adresser aux hôpitaux publics ».

A propos du marché libyen 

Les professionnels du secteur en Tunisie font état d’un regain d’embellie observé récemment et qui a été engendré, selon ces derniers, par le rétablissement de la stabilité politique dans ce pays et la fin de ce qui a été appelé « le scandale des 250 milliards », en allusion aux dettes accumulées, à l’époque, par les patients libyens vis-à-vis des cliniques tunisiennes.

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