Théâtre – « Malédiction » de Taoufik Jebali : Anatomie salvatrice d’une société mal en point

« Malédiction » du metteur en scène Taoufik Jebali, créée en 2015 puis reprise en 2024, n’a pas perdu de sa superbe. Durant une heure, « Malédiction » fait une autopsie de notre présent depuis le 14 janvier 2011, en utilisant un langage à forte teneur eschatologique pour représenter les vices d’une société victime des abus du pouvoir.
Dans une tragédie moderne portée par des comédiens et comédiennes engagés : Yosr Galaï, Leila Youssfi, Zied Ayadi, Yasmine Dimmassi, Syrine Ben Yahia, Mehdi el Kamel et Sourour Jebali, « Malédiction » du metteur en scène Taoufik Jebali, créée en 2015 puis reprise en 2024, n’a pas perdu de sa superbe. Durant une heure, « Malédiction » fait une autopsie de notre présent depuis le 14 janvier 2011 en utilisant un langage à forte teneur eschatologique pour représenter les vices d’une société victime des abus du pouvoir.
La recherche de la vérité en est un souci constant pour comprendre les tenants et aboutissants d’un certain 14 janvier. Que s’est-il passé exactement ? Quel jeu ont mené les protagonistes de ce qu’on appelle « Révolution » ? Qui en a été le véritable instigateur ? Autant de questions que la pièce tente d’aborder en se servant d’accessoires en rapport avec les toilettes comme le déboucheur manuel ou encore un bidet portable.
Les questions abordées dans cette pièce sont les inégalités sociales, l’injustice, les modes d’expression en résonance avec l’actualité schématisée dans les bruits et leur dissonance ainsi que l’incapacité des individus de s’exprimer clairement en utilisant des phrases cohérentes. On se retrouve face à un cycle insupportable d’un perpétuel recommencement où le vivre-ensemble devient compliqué écrasé par la routine et l’absence de créativité. Astiquer, récurer et décrasser pour retrouver les traces d’un viol collectif à l’encontre d’une société en souffrance, tel est le ressenti éprouvé à l’égard de cette création.
Il y a, certes, péril en la demeure. Les personnages, ensemble comme dans une chorale, vomissent leurs entrailles pour dire leur malaise envers un pouvoir chaotique qui a bouleversé sans apporter de solutions à leurs problèmes. Le rideau tombe pour laisser apparaître le handicap représenté par un personnage sur un fauteuil roulant. La malédiction frappe fort. Cris d’effroi, déchaînement de colère, « Malédiction » bouleverse les codes et fait appel à l’intelligence du spectateur pour reconstituer les pièces du puzzle auquel il est invité à participer.
Taoufik Jebali propose une scénographie riche en tableaux se servant d’un certain nombre d’artifices : rideau, parapluies, photos, valises pour donner corps et sens à cette création où la lumière joue un rôle considérable pour créer une ambiance trépidante empreinte d’une note d’humour. Comme on dit, l’humour est la politesse du désespoir, mais aussi son remède. Le théâtre une thérapie ultime ? Sans doute mais il est aussi matière à réflexion et introspection.
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