Economie tunisie

Systèmes de transport et logistiques: Investir massivement pour éviter une paralysie économique

«Malgré les efforts déployés pour attirer des investissements locaux et étrangers, nous remarquons une absence de mesures concrètes visant à moderniser les infrastructures de transport. Et bien que ces dernières représentent une source essentielle de devises et un levier de croissance, beaucoup reste à faire», explique Haithem Toumi, expert et chercheur en sciences de Transport et Logistique, ancien consultant auprès de ministère du Transport. Il nous fait savoir que pour résoudre ces problématiques, il n’existe pas de solution miracle !

Le transport et la logistique sont des moteurs essentiels de la croissance économique du pays. En effet, ces derniers sont essentiels pour les secteurs industriels stratégiques tels que l’exportation. De nombreuses études et modèles économiques ont établi un lien entre la demande de transport et la croissance économique. Parmi les indicateurs les plus pertinents, on peut citer l’intensité du transport.

Haithem Toumi, expert et chercheur en sciences du Transport et Logistique, ancien consultant auprès de ministère du Transport, membre du laboratoire «Lagis » à l’école centrale de Lille–France met le doigt sur ce sujet.

Les interconnexions nécessaires

Il explique que, dans le cas du transport routier, cet impact est mesuré par le rapport entre le nombre de tonnes-kilomètres transportés et le produit intérieur brut (PIB) d’un pays sur une période donnée. Une augmentation ou un maintien constant de cet indice indique un couplage entre le transport et la production, tandis qu’une diminution révèle un découplage.

L’expert note que « ce lien est également visible dans l’interconnexion des différents modes de transport. Par exemple, les usines industrielles offshore utilisent le transport routier, comme les camions Roro, pour acheminer leurs produits vers les ports maritimes, où ils sont exportés vers d’autres destinations. Cependant, malgré les efforts déployés pour attirer des investissements locaux et étrangers (IDE), nous remarquons une absence de mesures concrètes visant à moderniser les infrastructures de transport, et bien que ces dernières représentent une source essentielle de devises et un levier de croissance, beaucoup reste à faire».

Et de poursuivre : «Comme nous l’avons expliqué, une insuffisance dans l’offre de transport engendre des externalités négatives sur la compétitivité des entreprises. Parmi les conséquences possibles, on peut citer : les retards de livraison et les pénalités financières qui en découlent, la perte de marchés stratégiques, des coûts de transport élevés, aggravant les charges des entreprises, cela engendre des formalités logistiques complexes et rigides», explique Toumi.

D’après lui, pour résoudre ces problématiques, il n’existe pas de solution miracle. Il faut investir massivement dans le secteur du transport. Cela peut se faire à travers des partenariats public-privé ou des projets publics ambitieux. Les infrastructures routières, portuaires et ferroviaires, véritables veines de l’économie, doivent être modernisées pour éviter une paralysie économique.

«Les infrastructures actuelles sont insuffisantes pour répondre aux besoins économiques croissants. A titre d’exemple, le port de Radès, principal hub maritime tunisien, est régulièrement critiqué pour son inefficacité. Ce retard freine considérablement les exportations et pénalise l’économie nationale. Le réseau routier est également saturé, incapable de gérer à la fois l’augmentation des véhicules privés et les flux de marchandises. Quant au réseau ferroviaire, il souffre d’une obsolescence structurelle, étant principalement héritée de l’époque coloniale, sans extension ni maillage efficace avec les régions intérieures», ajoute Toumi.

Sans un réseau de transport moderne et performant, il sera impossible pour la Tunisie de relever ses défis économiques et de s’intégrer efficacement dans les chaînes de valeur mondiales.

Rendre les exportations plus compétitives

L’expert poursuit : «Pour décoller, il faut une piste adéquate. De même, pour améliorer les exportations, il faut investir dans des infrastructures modernes et efficaces. Cela implique une augmentation de la part du budget de l’État allouée au secteur des transports. Cela implique également une optimisation des réseaux existants et les développer, notamment dans les zones stratégiques ainsi qu’encourager l’innovation technologique pour réduire les inefficacités (comme les itinéraires à vide) et maximiser la rentabilité. Le transport représente un gain de temps crucial, et maîtriser le temps, c’est conquérir des parts de marché».    

Il développe, par ailleurs, que la Tunisie est encore en retard par rapport à d’autres pays d’Afrique du Nord comme le Maroc et l’Égypte en matière de connectivité logistique et d’infrastructures. Par exemple, l’indice de centralité de proximité, qui évalue la facilité d’accès d’un pays aux autres, est de 0,84 pour la Tunisie en 2022, contre 0,96 pour l’Afrique du Sud.

«Pour se positionner comme un hub, la Tunisie doit prioriser une intégration régionale approfondie avec les pays voisins, comme l’Algérie et la Libye, afin de créer des unions douanières basées sur la complémentarité économique. Ces pays sont des passerelles stratégiques vers l’Afrique subsaharienne. Le développement de chaînes de valeur régionales en collaboration avec les économies subsahariennes et les partenaires européens est encore à développer. La diversification de l’économie tunisienne dans des secteurs comme l’automobile, l’aéronautique et l’agroalimentaire constitue également un atout pour devenir un hub logistique et industriel au sein de la Zlecaf. La réduction de la pollution n’est pas un obstacle à la rentabilité ; au contraire, elle favorise l’optimisation des processus dont il faut réduire les trajets à vide en utilisant des solutions comme le transport combiné», mentionne Toumi.

Selon l’expert : «Il est nécessaire de promouvoir les modes de transport à faible émission, comme le rail ou les véhicules électriques. Il est obligatoire aussi d’optimiser les itinéraires et le chargement des véhicules grâce à des logiciels spécialisés (problèmes de type VRP et Bin Packing) et encourager le covoiturage et le transport de masse. Ces stratégies permettent non seulement de diminuer les émissions de CO2, mais aussi de réduire les coûts logistiques».

Malheureusement, les budgets alloués au secteur des transports restent faibles. Bien que des initiatives aient émergé récemment, comme la création de centres de recherche et d’écoles spécialisées en logistique et transport, les efforts restent insuffisants.  La Tunisie possède un vivier de talents dans des domaines tels que la télématique, la cartographie numérique ou l’intelligence artificielle. Ces compétences, combinées à une volonté politique accrue, pourraient transformer le secteur du transport en un levier de compétitivité et de croissance.

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