Economie tunisie

Secteur minier: Le phosphate, une condition sine qua non pour participer à la transition énergétique mondiale

Les producteurs de phosphate tunisiens doivent adopter de nouvelles technologies durables, de l’avis de la spécialiste en géologie, Abir Yahyaoui. L’une d’entre ces nouvelles technologies est la production d’ammoniac vert, également connu sous le nom d’ammoniac renouvelable. Il est produit à partir d’hydrogène vert, qui est dérivé de l’eau électrolysée à l’aide d’électricité renouvelable. La principale application de l’ammoniac vert est la production d’engrais neutres en carbone. Le ministère tunisien de l’Industrie, des Mines et de l’Energie, en partenariat avec la coopération allemande (GIZ), travaille sur une stratégie de l’hydrogène vert. En produisant localement de l’ammoniac vert, la Tunisie peut réduire sa dépendance aux importations d’ammoniac gris et diminuer ses coûts d’exploitation, renforçant ainsi la compétitivité de son industrie du phosphate.

Pour la Tunisie, le phosphate est une condition sine qua non pour l’entrée dans la transition énergétique mondiale. D’où la nécessité d’une bonne gouvernance dans le secteur.

L’industrie tunisienne du phosphate est depuis longtemps un élément important de l’économie du pays. Le secteur contribue de manière significative aux recettes de l’Etat, représentant environ 4 % du PIB et 15 % des exportations.

Historiquement, le phosphate a été principalement utilisé comme ingrédient dans les engrais agricoles. En 2008, la Tunisie était le cinquième producteur mondial, en partie grâce à sa production prolifique de phosphate de qualité supérieure.

Cependant, le secteur a depuis été confronté à des problèmes de gouvernance critiques, y compris des protestations récurrentes et des blocages de la production par des citoyens mécontents de la corruption et du manque de transparence dans le secteur. Cela a empêché la Tunisie d’exploiter et d’optimiser pleinement ses ressources en phosphate et a limité la contribution potentielle du phosphate tunisien à la transition énergétique.

Des pratiques minières responsables et durables

Lors d’une réunion du Conseil national de sécurité en avril 2023, le président  Kaïs Saïed a annoncé une initiative visant à donner la priorité à la production de phosphate et à lutter contre la corruption au sein de la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG), l’entreprise publique de phosphate, redonnant ainsi de l’importance au secteur.

Pour exploiter pleinement le potentiel de ces ressources et s’aligner sur l’ambitieuse stratégie de transition énergétique de la Tunisie, la CPG doit adopter des pratiques minières responsables et durables, ainsi que des politiques et des réglementations qui soutiennent les objectifs de transition énergétique du pays, note l’universitaire.

Pour elle, l’exploitation de nouvelles utilisations technologiques du phosphate pourrait accroître les revenus du gouvernement, en particulier dans un contexte de crise économique renouvelée dans le pays, mais les autorités doivent d’abord créer des cadres appropriés.

Mieux explorer le marché des batteries

Au-delà de son utilisation dans les engrais, le phosphate est également devenu un élément clé de la révolution des batteries, en particulier des batteries au lithium ferro phosphate (LFP), fait savoir la géologue.

Ces batteries sont de plus en plus populaires en raison de leur stabilité exceptionnelle, de leur longévité, de leur faible coût et de leurs avantages en termes de sécurité par rapport aux batteries NMC, ce qui fait des LFP un choix privilégié pour les véhicules commerciaux et les systèmes de stockage d’énergie liés aux fermes solaires ou aux turbines éoliennes. En tant que producteur de phosphate, la Tunisie pourrait saisir cette opportunité de marché croissante, en stimulant les exportations et les revenus.

La Commission européenne a classé le phosphate comme l’une des 20 matières premières critiques, soulignant sa valeur économique et l’importance de sécuriser l’approvisionnement en dehors de l’UE. L’avantage stratégique de la Tunisie en tant que pays riche en phosphate offre une passerelle vers des marchés florissants, la croissance économique et l’entrée dans les chaînes d’approvisionnement essentielles à la transition énergétique.

Un nouveau pôle minier

Si le bassin de Gafsa représente plus de 90 % de la production tunisienne de phosphate, le pays possède d’autres grands gisements de phosphate, dont les réserves sont équivalentes à celles de Gafsa en termes de quantité, fait remarquer l’universitaire.

Certains de ces gisements sont situés à Sra Ouertane, une région du bassin nord, et restent inexploités. La présence de minéraux de transition comme le phosphate et d’éléments de terre rare à Sra Ouertane pourrait susciter l’intérêt pour la région.

Par conséquent, la région a le potentiel de devenir un centre minier de transition de premier plan et la Tunisie a une occasion unique d’optimiser la récupération et la valorisation de ces minéraux, ce qui lui permettra de diversifier ses sources de revenus et de renforcer sa position sur le marché stratégique des minéraux de transition.

Un code minier plus fort, une empreinte carbone plus faible

Pendant que la Tunisie révise son code minier, le gouvernement doit prendre en compte les fluctuations et les changements de la demande internationale de phosphate. La révision du code minier offre à la CPG l’opportunité de moderniser les pratiques opérationnelles, d’encourager l’innovation et de garantir une gestion durable des ressources en phosphate. Le code révisé devrait inclure des dispositions spécifiques qui encouragent l’exploration de nouveaux marchés et l’adoption de technologies de pointe.

En outre, le Groupe chimique tunisien (GCT), une filiale de la CPG, doit de toute urgence réduire l’empreinte carbone de ses produits, tels que les engrais phosphatés, afin de rester compétitif dans le cadre des nouveaux systèmes de taxation internationale.

S’inspirer des expériences réussies

L’un de nos concurrents directs, à savoir le Maroc, possède de vastes installations d’extraction, de manutention, de séchage, de transport et de stockage qui lui permettent d’assurer des exportations vers tous les continents à un rythme actuel d’environ 8 millions de tonnes par an. De nouvelles réalisations de grande envergure en matière d’équipement et d’organisation industrielle attestent le souci constant de l’entreprise de se maintenir à l’avant-garde du progrès et de rechercher toujours l’amélioration de la productivité. En témoignent la mise en route en 1961 d’une laverie pour la production d’une nouvelle qualité de phosphate de haute teneur, titrant 80-82 % de phosphate tricalcique, l’augmentation des capacités de stockage de minerai aux ports de Casablanca et Safi qui sont passées respectivement de 160.000 et 100.000 à 410.000 et 160.000 tonnes, les études entreprises sur la mécanisation des exploitations du Fonds et l’amélioration des procédés de séchage du phosphate, etc.

D’autres projets font par ailleurs l’objet d’études très poussées, dans le domaine des procédés nouveaux d’enrichissement du minerai : ils visent à la mise en valeur des couches 2 et 3 du gisement de Khouribga pour l’obtention, grâce à un procédé original d’enrichissement, d’une qualité à très haute teneur, supérieure à celles qui sont actuellement produites partout dans le monde.

Le secteur dispose de surcroît d’un « Service après-vente », formé d’ingénieurs et de techniciens qui sillonnent le monde et qui ont pour mission de suivre l’utilisation des phosphates livrés à la clientèle, en vue d’une amélioration constante des qualités produites en fonction de l’évolution des techniques de transformation.

Une telle politique n’aurait cependant qu’une portée limitée et une valeur relative si elle ne s’accompagnait parallèlement d’une action sociale empreinte d’un même dynamisme.

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