Economie tunisie

Secteur des phosphates | Après la descente aux enfers, la lumière au bout du tunnel

 

Alors que la production de phosphate en Tunisie a connu un déclin alarmant depuis 2011, une nouvelle vision  visant  à redresser ce secteur stratégique pour l’économie nationale devrait voir le jour.  Entre relance de la branche, accroissement de la production et nouveaux partenariats, la Tunisie tente de retrouver sa place sur le marché mondial des phosphates et des engrais chimiques.

La Tunisie est une terre riche en phosphate. Depuis sa découverte dans la région sud-ouest du pays, ce minerai, utilisé notamment dans la production d’engrais chimique, a longtemps fait les beaux jours de l’économie tunisienne. En effet, le pays possède d’importantes ressources en phosphate, avec environ 900 millions de tonnes de réserves certaines et jusqu’à 6 milliards de tonnes de réserves probables, réparties sur plusieurs régions du pays. Grâce à sa position géographique stratégique, elle se trouve proche des principaux consommateurs mondiaux de phosphate, comme l’Europe, l’Amérique latine, l’Afrique subsaharienne et l’Inde.

Le secteur du phosphate tunisien, notamment à travers la production d’acide phosphorique et d’engrais, joue un rôle-clé sur les marchés internationaux, avec des exportations vers des marchés variés (Inde, Europe, Algérie, Turquie, etc.). La Tunisie était également un acteur majeur dans le marché du Triple Super Phosphate (TSP), avec des exportations significatives vers des pays comme l’Iran et le Brésil. Elle satisfait 50% des besoins du Bangladesh et une part notable des importations européennes, bien que celles-ci aient diminué. Pour le Di-Ammonium Phosphate (DAP), la Tunisie exporte plus d’un million de tonnes vers divers marchés, notamment en Europe, en Turquie et en Amérique latine. Sans oublier, le savoir-faire séculaire dont est doté le pays dans ce domaine.

Le déclin

Cependant, après 2011, cette bénédiction qu’était le phosphate s’est transformée en malédiction en raison des blocages récurrents qui ont paralysé la production minière à Gafsa, une région devenue une poudrière pendant plus d’une décennie. Les répercussions économiques et financières de cette régression sur l’ensemble de l’économie ont été lourdes. La production de phosphate et ses dérivés, passée de 8 millions de tonnes en 2010 à seulement 3,7 millions de tonnes en 2021 — un niveau encore supérieur à celui des années précédentes —, a lourdement impacté non seulement l’économie tunisienne et la balance commerciale, mais aussi les entreprises publiques du secteur, à savoir la CPG et le GCT. Les pertes quotidiennes causées par l’arrêt de la production de phosphate étaient alors estimées à environ 5 millions de dollars. De plus, cet arrêt a entraîné la perte de marchés stratégiques comme l’Inde et l’Union européenne. La situation de la Compagnie des Phosphates de Gafsa, qui exploite 9 carrières à ciel ouvert dans le bassin minier de Gafsa, n’a cessé de se dégrader, transformant ce joyau national en un lourd fardeau pour l’Etat.

La CPG respire

Ce n’est qu’à partir de 2021 que la santé financière de l’entreprise a commencé à s’améliorer, avec des résultats nets en hausse, passant de -293 millions de dinars en 2020 à plus de 445 millions de dinars en 2022. Certains grands consommateurs de phosphate, comme l’Inde, ont d’ailleurs montré un regain d’intérêt pour la Tunisie. Cette amélioration profite aux caisses de l’Etat, car en 2024, la CPG devrait contribuer aux recettes non fiscales à hauteur de 200 millions de dinars. Toutefois, la performance du secteur reste insuffisante, la production de phosphate étant encore à des niveaux bas.

Ce secteur, pourtant grand pourvoyeur de devises, pourrait faire mieux. En 2023, la production de phosphate brut a chuté de plus de 20 % par rapport à l’année précédente, s’établissant à environ 2,8 millions de tonnes, soit son plus bas niveau depuis 2018. De plus, les exportations de la branche des mines, phosphates et dérivés ont reculé de plus de 25 % en valeur, en raison de la contraction de la production. Cette baisse est due à la suspension des activités sur le site de Redeyef et aux perturbations survenues à Moularès. Pourtant, la Tunisie compte beaucoup sur la relance de ce secteur et pourrait pleinement profiter de l’explosion du marché mondial des engrais phosphatés, estimé à 54,03 milliards de dollars en 2024 et devant atteindre 81,73 milliards de dollars d’ici 2030, avec une croissance de 7,14 % sur cette période. Les estimations de la CPG tablaient d’ailleurs sur une production annuelle de 5,6 millions de tonnes en 2023 et de 8 millions en 2024. Mais concrètement, la production de phosphate en 2023 a chuté de 48 %, s’établissant à 2,9 millions de tonnes. Durant les neuf premiers mois de 2024, les exportations du secteur des mines, phosphates et dérivés ont diminué de 24,4 %, présageant une chute de la production et révélant les nombreuses difficultés rencontrées.

L’urgence d’accélérer le programme de développement de la compagnie 

Aujourd’hui, le secteur du phosphate est une priorité nationale. Le 26 avril 2023, un Conseil de sécurité nationale s’est réuni pour examiner la question de la production phosphatière. Un an plus tard, un conseil ministériel a approuvé le programme de développement de la Compagnie des Phosphates de Gafsa (CPG) pour la période 2025-2030, appelant les parties prenantes à accélérer sa mise en œuvre. Les principales difficultés du secteur ont été abordées, notamment le transport du phosphate par train et l’aménagement des espaces pour son conditionnement. La nécessité de réaliser des projets comme l’unité de production d’Om Al-Khachab dans le gouvernorat de Gafsa, ainsi que la finalisation de l’étude sur le projet de transport hydraulique du phosphate, basé sur le dessalement de l’eau de mer et la production d’électricité à partir de l’énergie solaire, ont été soulignées. De plus, la conclusion récente de huit accords de partenariat entre la CPG et des entreprises du secteur privé pour relancer le projet Mdhilla 2 a donné un coup d’accélérateur aux projets suspendus. Cette usine, dont les travaux sont à 99 % d’avancement, produira 400.000 tonnes de triple superphosphate et 180.000 tonnes d’acide phosphorique par an, renforçant ainsi la position de la Tunisie sur le marché mondial, tout en augmentant ses recettes financières.

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