Saison agricole 2024-2025 | Cultures « Ramli » : Un savoir-faire ancestral à appliquer dans le reste des secteurs
Cela fait des décennies que les agriculteurs tunisiens ont appris à survivre et à produire des aliments malgré les températures élevées, le manque d’eau et même l’absence de terres arables. Dans de telles circonstances, les communautés locales ont traduit leur résilience et leur inventivité en techniques agricoles qui ont résisté à l’épreuve du temps.
Ghar El Melh, petite ville relevant du gouvernorat de Bizerte, était autrefois une colonie phénicienne (1101 av. J.-C.). Entre les montagnes de Jbel Ennadhour et les lagunes de Ghar El Melh et de Sebha de Sidi Ali el Mekki, un petit espace pour les activités agricoles a prospéré grâce à une technique appelée Ramli, adoptée par la diaspora andalouse au XVIIe siècle. Ramli signifie « sur le sable » et cette pratique consiste précisément à cultiver des aliments sur un terrain sablonneux.
Les cultures de Ramli sont irriguées par de l’eau de pluie fraîche qui flotte à la surface de l’eau de mer salée. Cette eau douce atteint les cultures grâce au mouvement des marées. Les agriculteurs doivent régulièrement calculer le niveau de la mer et maintenir le sol au niveau exact de l’eau. Si la parcelle est trop basse, les racines entrent en contact avec l’eau salée, ce qui tue les cultures. Si elle est trop haute, les racines se dessèchent. Les agriculteurs régulent le niveau du sol en ajoutant du sable et du fumier.
Un outil pour parer à la sécheresse
Ce système ingénieux permet de cultiver toute l’année sans eau artificielle, même en période de sécheresse. Les pratiques de Ramli sont très adaptées pour lutter contre les conditions environnementales sèches en réduisant la perte d’eau par évaporation et en augmentant la capacité des sols à retenir l’eau.
Le village de Ghar El Melh conserve son héritage culturel traditionnel, où la pêche et les activités agricoles sont les principaux moyens de subsistance. 46 % de la main-d’œuvre sont impliqués dans ces deux activités. Les agriculteurs cultivent principalement des pommes de terre, des haricots et des oignons. En effet, les cultures de Ramli sont réputées pour leur saveur unique, bien connue des consommateurs locaux. Cela est dû à l’irrigation naturelle qui répond exactement aux besoins en eau des plantes. Ce système de Ramli, préservé depuis des générations, permet aux populations locales de compléter leurs revenus annuels.
Des techniques à préserver
Les systèmes agricoles Ramli dans les lagunes de Ghar El Melh et les jardins suspendus de Djebba ont été récemment reconnus comme Systèmes du patrimoine agricole d’importance mondiale (Smai), un programme conçu par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) pour préserver les pratiques agricoles traditionnelles et innovantes. La Tunisie compte désormais trois sites Giahs (Globally Important Agricultural Heritage Systems), dont le site historique des oasis de Gafsa, désigné en 2011.« Ce système Ramli est essentiellement une agriculture familiale. Les agriculteurs échangent des moyens de production entre eux et la main-d’œuvre est composée des membres de la famille qui transmettent le savoir-faire et les techniques de production au fil des ans, de génération en génération », selon le ministère tunisien de l’Environnement.
Prendre en considération le changement climatique
Le littoral tunisien abrite les deux tiers de la population totale du pays. Avec ces régions densément peuplées et sensibles aux impacts du changement climatique, la protection de ces zones côtières est l’un des principaux défis du pays. « La reconnaissance du Giahs de la FAO aidera à préserver les systèmes ingénieux d’adaptation au changement climatique et de gestion durable des ressources naturelles. Elle contribuera également à assurer l’équilibre social dans la région en ce qui concerne la gestion des ressources et la production alimentaire et à maintenir des pratiques qui garantissent la sécurité alimentaire dans la région », déclarait à la presse Fadhel Baccar, chef de projet au Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud).Outre le grand défi du changement climatique, la préservation du patrimoine agricole est également menacée par le grand nombre de jeunes qui migrent des zones rurales vers les villes à la recherche de meilleures opportunités d’emploi. Le programme Giahs de la FAO aide à identifier les moyens d’atténuer les menaces auxquelles sont confrontés les agriculteurs et d’améliorer les avantages tirés de ces systèmes agricoles.
Lutte contre la sécheresse et à la désertification
Partout dans le monde, la disponibilité et la productivité des terres arables diminuent, le changement climatique jouant un rôle direct dans ce phénomène. Le programme Giahs de la FAO aide à soutenir l’ingéniosité des agriculteurs et la préservation des pratiques qui aident à lutter contre le changement climatique et permettent à l’agriculture de prospérer dans des conditions extrêmes. Les systèmes de culture de Ramli prouvent que même la sécheresse et la désertification ne sont pas des ennemis insurmontables pour l’inventivité et la persévérance des agriculteurs.Plus de 60 sites ont été officiellement reconnus comme Smih.
Essentiels pour assurer la sécurité alimentaire et des moyens de subsistance, ce sont des espaces dynamiques où coexistent culture, biodiversité et techniques agricoles durables. Le programme Smih aide les agriculteurs et la production alimentaire dans son ensemble à relever les défis croissants que sont l’éradication de la faim et la garantie d’une alimentation nutritive pour tous.Il serait, in fine, profitable à tous d’étendre le système Ramli au reste des lagunes du pays afin d’assurer sa sécurité alimentaire.
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