Ridha Chiba, conseiller international en exportation à La Presse : «La situation demeure inchangée au port d’Enfidha !»
Le port d’Enfidha constitue un mégaprojet qui va certes métamorphoser la région de cette ville et ses agglomérations environnantes. Evidemment, la situation économique et sociale va s’améliorer davantage et de nouveaux horizons seront offerts pour booster le développement de l’économie tunisienne et faire de cette région l’un des pôles de développement économique les plus réputés et rentables de la Tunisie. A cet effet, nous avons contacté Ridha Chiba, conseiller international en exportation, pour mieux nous expliquer la situation de ce projet et surtout son importance stratégique, ses divers avantages à l’échelle économique et sociale ainsi que les obstacles auxquels est confronté le projet et qui sont à l’origine des blocages pour sa réalisation dans les délais et dans les meilleures conditions possibles. Interview.
Pourquoi l’Etat tunisien a choisi la région d’Enfidha pour construire le port?
En fait, le choix de cette région demeure la résultante d’une étude approfondie et scrupuleuse tenant en considération plusieurs critères. Nous pouvons citer, tout d’abord, la situation stratégique du site et sa proximité des importants ports reliant les divers continents. Il s’agit également d’un port en eaux profondes qui permet d’accueillir en permanence tous types de navires, y compris ceux qui disposent d’un important tirant d’eau qui est la hauteur de la partie immergée du bateau qui varie en fonction de la charge transportée. Il correspond à la distance verticale entre la flottaison et le point le plus bas de la coque, c’est-à-dire la quille. Le port peut aussi disposer d’une bonne profondeur des canaux qui permettent l’accès aux eaux profondes d’environ dix-neuf mètres.
Il est important de mettre l’accent sur l’inexistence de problèmes fonciers pour la création du port et la zone qui l’entoure, ainsi que l’excellente accessibilité pour la région d’Enfidha à travers les voies terrestres et ferroviaires.
Le port est à 40 km de Sousse, à 100 km de Tunis et à 170 km de Sfax par l’autoroute.
Ceci outre les régions intérieures de la Tunisie auxquelles seront offertes d’autres possibilités d’assurer leurs importations et exportations plus aisément.
La mise en place d’un port autonome dans la région d’Enfidha va permettre le décongestionnement des autres ports tels que celui de Radès.
En quoi consiste le port d’Enfidha? Quels seront les détails du projet ?
Le complexe portuaire du port d’Enfidha sera réalisé en principe sur une superficie totale de 3.000 ha. Il va comprendre le port et ses composantes qui se tiendront sur 1.000 ha et la zone économique et logistique sur une surface de 2.000 ha.
Le port d’Enfidha aura pour capacité quatre millions de tonnes et pourra recevoir environ 4,8 millions de conteneurs de 20 pieds, avec une capacité opérationnelle de 52.000 emplois directs et indirects. Pour les conteneurs, il y aura 2,4 km pour le terminal des quais, 132 ha de terre-pleins et 18 mètres de profondeur pour le tirant d’eau. Pour le conventionnel, il y aura 1,4 km de quais pour le terminal, 35 ha de terre-pleins et 15 mètres de profondeur pour le tirant d’eau.
Le chenal d’accès est de 2,3 km de long, de 350 mètres de large et de 19 mètres de profondeur. Le cercle d’évitage sera d’un diamètre de 900 mètres et une profondeur de 19 mètres.
Comment sera assuré le financement de ce projet ?
Le financement de ce mégaprojet sera assuré à raison de 60% de la part de l’Etat. Ce dernier va se charger de la réalisation de plusieurs actions, à savoir le dragage, les ouvrages de protection en plus des murs et des quais.
Le secteur privé va participer avec 40% pour réaliser d’autres ouvrages. Il se chargera des équipements, de l’aménagement et du terrassement des terre-pleins. Le coût total du projet devra dépasser les 3.000 millions de dinars tunisiens.
Quelles sont les principales opportunités que peut offrir ce mégaprojet ?
Plusieurs opportunités peuvent s’offrir aux différents intervenants aux secteurs maritime, logistique, industriel, commercial et tertiaire. Ce projet participera à la modernisation de l’infrastructure portuaire par la création d’un port d’une nouvelle génération allant de pair avec les exigences internationales en matière logistique. Comme nous l’avons déjà dit, ce projet permettra de décongestionner les ports tunisiens, principalement le port de Radès, et se substituer à d’autres ports dont les types de tirant d’eau sont bas.
Ce projet aura également le mérite de créer une synergie et un groupement d’intérêts entre le port et les zones d’activités économiques, logistiques et industrielles de la région. Il répondra aux exigences du développement économique du pays.
Le port sera également utilisé pour le transbordement et le dispatching pour les navires qui ne sont pas de ligne pour leurs destinations finales. Le port en eaux profondes d’Enfidha servira de plateforme internationale de commerce et de services permettant à la Tunisie de s’ouvrir sur le monde extérieur par l’encouragement des activités logistiques et industrielles en profitant des différents modes de transport qui sont offerts à proximité dans la région. Par ailleurs, c’est un projet qui va valoriser davantage la zone d’Enfidha essentiellement à l’échelle foncière, industrielle et commerciale. Il va ainsi constituer le premier jalon d’une nouvelle ville économique de grande envergure. Le nouveau port constituera, certes, un important potentiel de création d’emplois directs et indirects.
Pourquoi alors cette inertie et ce marasme pour réaliser ce projet ?
Le port d’Enfidha demeurera parfaitement rentable, changera assurément la physionomie de la région et participera considérablement au développement économique et social de notre pays. Toutefois, il reste dans une situation de stand by depuis belle lurette.
En fait, pour soutenir financièrement ce grand projet, le gouvernement tunisien a manifesté sa volonté, depuis 2022, de garantir une grosse somme de crédit pour réaliser le port. Mais la situation demeure toujours au statu quo !
A notre avis, les freins qui entravent la réalisation de ce projet sont principalement le manque de volonté, l’insuffisance des ressources de financement, la lourdeur de l’administration tunisienne et l’embarras de choix de la société qui se chargera de la construction du port. Véritablement, il s’agit de six entreprises qui étaient en course pour entreprendre ce projet, à savoir : les groupes «Bouygues» (France) et «China Harbour Engineering Company LTD» (Chec) —deuxième plus grande entreprise de dragage au monde— seraient les grands favoris devant les autres dont le français «Eeffage» et «Vinci construction grands projets». Apparemment, la société chinoise est la mieux placée mais franchement nous ne comprenons pas pourquoi ce projet traîne depuis 2007, malgré les efforts déployés en amont pour sa réalisation.
Que pouvez-vous ajouter en guise de conclusion ?
Les grands projets demeurent essentiels pour un pays qui souhaite se promouvoir davantage, réaliser les meilleures performances et atteindre les résultats probants et brillants allant de pair avec ses planifications et ses desseins. C’est dans ces mégaprojets comme celui du port d’Enfidha que l’Etat doit investir pour créer la richesse, booster les activités économiques, assurer les taux d’évolution positifs, encourager les emplois et établir un équilibre entre l’économique et le social.
Pourquoi alors cette inertie, ce marasme, tout ce temps perdu et beaucoup d’argent dilapidé pour la réalisation de ce projet ?!
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