Culture

Retour sur le concert de Dhafer Youssef en clôture de la 47e édition du Festival International de Dougga : En connection avec le jazz et l’Orient

Par Amel BOUSLAMA

Pour un voyage planétaire jazzy loin des conventions et des cloisonnements, le talentueux maître du oud, mais aussi chanteur, vocaliste, compositeur et chef d’orchestre tunisien, Dhafer Youssef, nous a conviés, accompagné de ses six musiciens, à un concert mémorable tiré de son dernier album «Street of minarets» (Rue des minarets).

Pour atteindre l’amphithéâtre antique de Dougga, situé sur les hauteurs du nord-ouest de la Tunisie, le bus qui amène les festivaliers de Tunis serpente en altitude au cours de son dernier tronçon parmi les oliveraies et les vignobles. Pris de vertige lors de cette interminable ascension, nous avions l’impression d’entrer dans une dimension intemporelle afin d’aller à la rencontre d’une musique singulière.

Artiste d’envergure internationale, la carrière de Dhafer Youssef, dotée d’une musique originale et sensuelle, est le fruit d’un long parcours. Ce globe-trotteur, parti se former et se confronter à des maîtres du jazz à Vienne, New-York ou encore Paris, ne demande que de tendre l’oreille et le cœur. Il suffit de se laisser transporter par le flux de sa voix et d’une fusion de musique orientale et occidentale. Au bout d’un moment, le poids de la vie se dépose. Quelque chose se lève en nous, serait-ce le sens de l’existence quand tout s’anéantit ?

Depuis les hauteurs du minaret en Tunisie qui ont bercé son enfance, Dhafer Youssef ne cesse d’emprunter les élévations pour faire entendre sa religion qu’il affirme être la musique.

Ne s’était-il pas hissé le 23 juillet dernier près du cratère du Vésuve en Italie pour se produire avec trois musiciens ? Ensuite, lundi 7 août 2023, il est venu installer son équipage sur la colline où perche depuis des siècles l’amphithéâtre de Dougga. Nul meilleur lieu en Tunisie n’aurait pu satisfaire son désir d’ascension. Avec la complicité de son orchestre formé de l’Espagnol Daniel Garcia (piano), l’Arménien Norayr Gapoyan (clarinette), l’Africain Swaéli Mbappé (contrebasse), le Français Tao Ehrlich (batterie), l’Autrichien Mario Rom (trompette) et le Brésilien Adriano Dos Santos Tenorio (percussion), Dhafer Youssef nous a fait vivre des moments d’extase musicale.

Près de Monastir, à Téboulba où il a vu le jour en 1967, Dhafer Youssef est le fruit d’une lignée de soufis. Il fut élevé dans une atmosphère rythmée par l’appel à la prière diffusé par mégaphone et d’un grand-père auprès duquel il a appris le chant liturgique. En grandissant et en quittant son lieu natal, cet héritage s’est cristallisé au bénéfice d’une créativité ouverte sur un brassage de plusieurs cultures. Loin des croyances, en l’âme de l’artiste a demeuré cette sensibilité au spirituel et à la mélodie. La voix puissante de Dhafer Youssef embrasse une large palette vocale, capable de monter dans les aigus. Dans ses morceaux méditatifs, yeux fermés, la main tenue contre la joue, la voix, à peine audible au départ, va en crescendo, insiste dans sa trajectoire. La progression est parfaite, elle passe par toutes les subtilités, s’étend à embrasser tout le ciel. L’hormone du bonheur commence à faire son chemin en nous spectateurs. Impliqués à suivre le souffle du chanteur et emportés par le rythme, nous oublions notre matérialité.

Chantée dans la langue arabe, les syllabes se perdent en cours de chemin, au point de se confondre avec le son de la clarinette du musicien arménien qui l’accompagne. Accompagné de son fidèle oud, la longue exploration du jazz, le lyrisme arabe, l’ouverture sur l’autre, l’improvisation, la liberté et l’écoute de son intériorité guident l’art innovant de Dhafer Youssef dans une musique de jazz connectée à l’intime.

A.B.

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