Responsabilité Sociétale et environnementale : Vers l’ancrage des pratiques durables
La responsabilité sociétale des entreprises commence à se frayer un chemin dans le paysage économique tunisien. Bien que le secteur bancaire ait montré un dynamisme certain, l’application de ce concept reste à renforcer par l’ensemble du tissu économique.
Il n’y a pas si longtemps que le concept de la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE) a fait son entrée non seulement dans le débat autour des questions économiques et environnementales en Tunisie mais aussi dans la pratique des entreprises tunisiennes qui manifestent un intérêt croissant pour cette notion relativement récente.
En effet, la RSE est un concept qui s’est démocratisé depuis les années 70 pour répondre aux préoccupations de la société civile face aux enjeux environnementaux et sociaux. Mais cette notion date bien avant cela, plus exactement vers la fin du 19e siècle, mise en avant par divers mouvements tels que les protestants, qui voyaient l’appropriation privée justifiable si elle servait le bien-être de la communauté, et le socialisme utopique de Robert Owen, promoteur du mouvement coopératif.
Une déclinaison du développement durable
Et ce n’est qu’en pénétrant le monde académique et entrepreneurial dans les années 50 que cette conception est devenue un sujet à débat, notamment avec la publication, en 1953, de « The Social Responsibilities of the Businessman » par Howard Bowen, qui introduit pour la première fois le concept de responsabilité sociale des entreprises (CSR). En somme, la RSE est une déclinaison du développement durable dans le contexte entrepreneurial. Elle implique que les entreprises assument des responsabilités qui vont au-delà de leurs objectifs économiques, en prenant en compte leur impact social et environnemental. En Tunisie, l’ancrage de la RSE a été renforcé par l’adhésion au Pacte Mondial des Nations unies en 2000, qui a encouragé les entreprises à jouer un rôle actif dans la préservation de l’environnement et la lutte contre les inégalités sociales. Mais cette notion a été introduite officiellement par la loi 2018 sur la RSE qui définit cette responsabilité comme un engagement des entreprises à assumer les conséquences de leurs activités sur la société et l’environnement, à travers une gestion transparente ayant des impacts positifs au niveau local. Ce texte impose également aux institutions publiques et privées de réserver des crédits pour financer des programmes de responsabilité sociétale et prévoit la création d’un observatoire de la RSE.
Mais d’une manière générale, plusieurs lois ont été adoptées pour intégrer les dimensions socio-environnementales dans les stratégies des entreprises, tout en respectant les normes internationales. Pour le secteur public, la RSE est consacrée par des textes tels que la loi sur les marchés publics ou encore la loi sur le partenariat public-privé, qui incluent le développement durable comme critère d’évaluation. La loi de 2015 sur le partenariat public-privé met également l’accent sur l’impact environnemental des projets. Pour le secteur privé, la législation sur la RSE encourage les entreprises à se réconcilier avec leur environnement sociétal et à promouvoir une culture de durabilité, en protégeant les consommateurs, en respectant la concurrence, et en instaurant une éthique de responsabilité au sein des entreprises.
La dynamique du secteur bancaire
Si la progression de la RSE en Tunisie demeure encore lente, notamment en raison de l’absence de textes d’application, le secteur bancaire tunisien montre un dynamisme plus marqué en matière de responsabilité sociétale et environnementale, notamment sous l’impulsion de la circulaire 2021-05 de la Banque centrale de Tunisie (BCT).
Cette circulaire vise à instaurer une nouvelle culture de finance responsable au sein des institutions bancaires, en intégrant les principes de la RSE dans leur stratégie. Elle oblige les organes d’administration des banques à considérer les impacts sociaux et environnementaux dans leurs activités.
Cette mesure a conduit les banques à mettre en place des systèmes de gestion sociale et environnementale pour évaluer les risques associés à leurs opérations. En outre, la relation des banques tunisiennes avec les bailleurs de fonds internationaux, qui exigent désormais une évaluation des risques environnementaux et sociaux avant tout financement, renforce cette dynamique. Par ailleurs, des initiatives telles que le guide de reporting ESG (Environnement, Social et Gouvernance) développé par la Bourse de Tunis et le guide d’émission d’obligations vertes, socialement responsables et durables lancé par le Conseil du Marché Financier, illustrent les efforts pour ancrer la RSE dans le cadre réglementaire tunisien. Ces outils visent à évaluer les risques auxquels les entreprises sont exposées et à orienter les investissements vers des projets durables. Avec ces avancées sur les plans réglementaires, l’ancrage de la RSE en tant que pratique vertueuse au sein des entreprises tunisiennes commence à se renforcer mais des efforts devront être encore mobilisés par l’ensemble du tissu économique pour que la RSE soit un levier de développement économique et social.
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