Rencontre avec Salah Jdey, acteur et réalisateur : «Le cinéma est en mesure de changer les esprits et les regards»
Acteur, metteur en scène de théâtre et réalisateur de films, Salah Jdey a participé comme acteur à un grand nombre de feuilletons télévisés et, en tant que cinéaste, il a réalisé six courts métrages. Il nous a accordé cet entretien.
Quelle est votre conception du cinéma ?
Je ne crois pas au concept de l’art pour l’art. Je crois plutôt que l’art est organique en rapport avec la société, l’économie, le tourisme, l’amélioration du goût en général, libérer les esprits, etc. Le festival du film du Sahara est un festival de revalorisation du patrimoine culturel sahraoui comme produit culturel qui peut être exploité dans le secteur touristique, économique et artistique. Sur le plan intellectuel et moral, se développe chez les habitants de la région une fierté ; ils ne se sentent pas marginalisés, au contraire ils s’estiment intégrés dans la société. Ils ne s’estiment pas moins bien lotis que d’autres habitants des villes. Cela leur donne l’espoir que sur cette terre il y a suffisamment de choses qui méritent d’exister. Le problème pour les jeunes c’est qu’ils ne croient plus à cela. Le cinéma est en mesure de changer les esprits et les regards des gens. En tout cas, le 7e art participe, même à petite échelle, à la transformation dela réalité. Par ailleurs, le cinéma peut ouvrir des perspectives dans la relation entre les artistes soit au niveau de la production, soit au niveau de l’exploitation de leurs produits cinématographiques. Leurs productions ne sont pas obligatoirement réservées aux salles fermées qui doivent être équipées de moyens de projection adéquats.
Que pensez-vous des festivals de cinéma tel que celui du Sahara ?
Ce genre de festival de plein air ne représente pas une originalité en elle-même. Au fait, nous vivons un retour au cinéma projeté sur les murs. Autrefois, dans les villages, le camion de la Satpec (Société anonyme tunisienne de production et d’exploitation cinématographique), muni d’un appareil de projection, projetait sur les murs d’une bâtisse un film. Personnellement, j’ai appris à connaître et à aimer le cinéma de cette façon. Les habitants du village apportaient leur matelas ou leur tabouret pour assister à la projection. L’affluence du public était grande à cette époque. Plus tard, les salles de cinéma ont fait leur apparition dans les régions de l’intérieur du pays.
Les salles de cinéma n’étaient pas fréquentées par les femmes. C’est avec le film «ElRissala» (Le message) de Mustapha Akkad que les femmes se sont rendues dans les salles de cinéma. Pour ma part, j’ai fréquenté dans ma jeunesse les ciné-clubs qui organisaient des séances de films culturels d’un bon niveau à l’issue desquelles il y avait des débats parfois houleux. Les filles venaient en nombre assister à ces projections et contribuaient aux débats qui étaient politisés.
Les films commerciaux de bas niveau n’attiraient pas un grand public. Les salles commençaient à être désertées d’autant plus que la censure intervenait en opérant des coupures dans les films.
De nos jours, lorsqu’il y a eu un retour sur les espaces ouverts, comme les places publiques, le public a répondu à l’appel. Je me souviens qu’à Gabès, on organisait des projections sur la plage, mais le choix des films n’a pas attiré les spectateurs. Il faut un certain équilibre qui tienne compte du goût général du public.
Ce genre de festival peut réconcilier le public avec le cinéma. Je crois au pouvoir du cinéma et le message qu’il peut faire passer. L’énergie du public est importante pour l’artiste. L’interaction qui peut exister est valorisante pour le cinéaste et fait partie du spectacle.
L’originalité de l’idée et le traitement scénaristique et de mise en scène sont décisives pour un film qui doit comporter des éléments en rapport avec le cinéma et non pas la télévision. Qu’est-ce qui distingue une œuvre d’une autre si ce n’est la nouveauté dans la création d’une phrase cinématographique avec ses ponctuations et son rythme authentiques. Il y a des cinéastes qui font du copier-coller et d’autres sont dans une approche didactique scolaire.
Que pensez-vous des jeunes cinéastes ?
Les jeunes cinéastes diplômés des écoles de cinéma ont d’énormes difficultés à produire leurs films. Certains d’entre eux abandonnent le métier pour devenir taxistes ou pratiquer d’autres commerces plus rentables.
Le choix de faire du cinéma pour vivre de ce métier ou pour le pratiquer comme un loisir. Ceux parmi les jeunes qui choisissent la voie semée d’embûches du cinéma doivent prendre entièrement leur responsabilité et poursuivre leur carrière dans ce domaine ou l’abandonner à jamais.
Quels sont vos prochains projets ?
Actuellement, un grand producteur a fait appel à moi pour un rôle dans un feuilleton pour la télévision tunisienne mais il n’a pas encore obtenu l’accord de la commission de lecture. Par ailleurs, je vais participer en tant que directeur de comédiens à une production britannique qui sera diffusée au Bahreïn.
J’ai également présenté à la commission d’aide à la production d’un spectacle du ministère de la Culture un scénario d’un long documentaire sur Sidi Boulbaba qui sera présenté au mois de ramadan prochain. Je suis en train de terminer un film sur «Caid Sassi», un personnage historique du mouvement de libération nationale de la Tunisie entre 1952 et 1954.
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