Regard d’expert | Yves Carnazzola, CEO et co-fondateur d’AxessImpact, à La Presse : «Il y a un intérêt grandissant pour la technologie blockchain en Tunisie»
«La blockchain est uniquement une technologie de stockage et de transmission d’informations, distribuée et décentralisée, qui permet de créer un registre public et immuable de transactions. Ses principaux avantages sont la transparence, la sécurité, l’immuabilité de l’information, l’automatisation, la décentralisation et l’inclusion financière. Elle peut également favoriser une meilleure résistance aux chocs économiques et crises financières dans certains pays».
Pouvez-vous nous donner des éclairages sur l’utilisation de la Blockchain au niveau de la plateforme AxessImpact ?
Dans le cadre de notre initiative collective, AxessImpact utilise la technologie Blockchain dans la mise en place de projets et d’innovations à multiples impacts positifs et favorise la décarbonisation au niveau des entreprises.
Contrairement à l’univers des crypto-monnaies, on a privilégié une approche différente à travers une Blockchain dite permissionnée : cette dernière nécessite des réseaux avec une autorisation pour y participer, ce qui signifie que seuls les utilisateurs «autorisés» peuvent valider les transactions et enregistrer des données sur la chaîne de blocs. Les participants connus et fiables sont responsables de la validation des transactions, ce qui rend les réseaux plus rapides et plus efficaces.
Grâce à la transparence, la traçabilité et la confiance de la Plateforme AxessImpact, les utilisateurs développeurs de projets, les investisseurs, les entreprises et autorités publiques peuvent mettre en place des projets à fortes valeurs d’impacts positifs, que ce soit, par exemple, dans le monde des fermes durables, de l’agroforesterie, de l’économie circulaire et régénératrice, mais également dans le financement d’innovations technologiques vertes et d’énergies renouvelables. Nous avons plusieurs projets en Afrique et au Maghreb. Pour ce qui est de la Tunisie, nous sommes en discussion pour promouvoir des projets durables. Le besoin d’un financement à l’échelle internationale dans le domaine de transition énergétique est estimé à plusieurs trillions. Un partenariat privé-public est nécessaire pour accélérer la décarbonisation, préserver les écosystèmes et favoriser l’impact social. Notre mission est de trouver les solutions adéquates afin de réduire ce besoin financier nécessaire pour la mise en place les projets environnementaux et sociaux.
On parle ces jours-ci de registre digitalisé de confiance via la technique blockchain. De quoi s’agit-il exactement ?
La technologie blockchain permet une meilleure transparence dans les échanges d’information et activités économiques, elle permet d’améliorer la gouvernance et les processus décisionnaires et renforcer ainsi l’engagement de la population. La décentralisation et la sécurité liée à son utilisation pourraient également favoriser l’inclusion financière et la microfinance. Avec un de nos partenaires stratégiques, Cibola Partners basé en France, on aide les pays pour la mise en place d’un registre national digitalisé de confiance via une blockchain qui pourrait faciliter la mise en place de l’Accord de Paris. La Tunisie a ratifié l’Accord de Paris sur le climat en 2016 avec une révision de ses engagements en 2021. Les mesures proposées dans sa contribution déterminée au niveau national (CDN) comprennent la promotion des énergies renouvelables, la réduction de la consommation d’énergie et l’amélioration de l’efficacité énergétique, ainsi que la gestion durable des forêts et la réduction des émissions provenant de l’agriculture. Dans ces domaines d’activités, un registre blockchain peut permettre une meilleure transparence et traçabilité des initiatives et engagements et ainsi participer à la mobilisation de capitaux privés pour financer cette transition estimée à environ 14,4 milliards USD sur la période 2021-2030.
Quelle est la différence entre les plateformes blockchain et crypto-monnaies?
Si au niveau des gouvernements, dont potentiellement, celui tunisien, il y a un intérêt grandissant pour la technologie blockchain avec une réglementation mise en place, il est moins probable qu’une libéralisation des crypto-monnaies verra le jour dans un avenir proche. Quant aux plateformes d’échanges, telles que Binance, elles doivent être fondamentalement plus transparentes. En effet, ces dernières sont généralement opaques, centralisées et à risque de fraudes et de malversations. La récente débâcle de FTX, qui était, avant sa chute, la deuxième plus grande plateforme d’échanges après Binance, devrait induire une accélération de la régulation pour protéger les investisseurs privés.
Au niveau international, quelles sont les voies à emprunter pour contrôler les cryptomonnaies ?
Au niveau mondial, il y a plusieurs pistes envisagées pour réguler les cryptomonnaies. Il s’agit en premier lieu de consolider la législation concernant les devises virtuelles, sachant que certaines juridictions ont commencé à adopter des réglementations plus spécifiques pour les cryptomonnaies. Parallèlement, les normes anti-blanchiment d’argent par les régulateurs devraient également limiter le nombre de plateformes et accroître leur sécurité. De plus, une tendance à la normalisation des fiscalités peut également améliorer la transparence et l’équité. Néanmoins, les régulateurs et les gouvernements doivent veiller à ce que la réglementation ne nuise pas à l’innovation, tout en prévenant les risques pour les consommateurs et le système financier.
Quelles sont les entraves identifiées lors de la concrétisation d’un projet blockchain ?
Au niveau technique, les potentielles difficultés sont, en premier lieu, le manque de professionnels expérimentés en développement de blockchain, c’est pour cela que nous avons opté pour une approche collective et un partenariat stratégique dans la mise en place d’une telle infrastructure. De plus, cette technologie en constante évolution force une grande agilité dans la mise en place des projets. A l’échelle mondiale, les différentes réglementations peuvent aussi limiter la mise en œuvre de projets globaux. La blockchain est uniquement une technologie de stockage et de transmission d’informations, distribuée et décentralisée, qui permet de créer un registre public et immuable de transactions. Ces principaux avantages sont la transparence, la sécurité, l’immuabilité de l’information, l’automatisation, la décentralisation et l’inclusion financière. Elle peut également favoriser une meilleure résistance aux chocs économiques et crises financières dans certains pays, en permettant aux utilisateurs de faire des transactions sans être soumis au contrôle de l’Etat et améliorer la gouvernance.
Néanmoins, la mise en place d’un projet blockchain est confrontée à des difficultés technologiques, financières et régulatrices.
Sur le plan technologique, elle est en constante évolution rendant difficile son intégration dans les systèmes existants et d’interopérabilité entre les protocoles, de plus, il y a une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. L’adoption est freinée par un besoin de convaincre le public, amplifié par les différents scandales liés à l’univers des crypto-monnaies et une réglementation peu claire pour son utilisation. En somme, la blockchain est une technologie nouvelle en constante évolution, son adoption par de plus en plus d’entreprises et de secteurs, qui reconnaissent ses avantages, nous a convaincus de son implémentation dans de nouveaux cas d’utilisation. L’économie peut fortement en bénéficier par une meilleure collaboration au niveau local. Le besoin de financement des Objectifs de développement durable (ODD), de la décarbonisation et de la transition énergétique est estimé à plusieurs trillions de dollars par an.
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