Regard d’expert | Sami Khomsi, membre du Laboratoire Dessalement et valorisation des eaux naturelles au Centre d’Etudes, recherches et technologies des eaux (Technopole de Borj-Cédria) : «… la résilience face aux déficits hydriques»
Les dernières pluies qui sont tombées en quantités localement importantes sont annonciatrices d’un début de saison agricole fructueuse et auront un impact très positif sur l’oléiculture et les agrumes.
La Tunisie a traversé une période estivale et des années consécutives (Rapport national de l’eau, 2022) avec un grand stress hydrique par manque de précipitations au niveau des bassins versants des barrages principaux du Nord qui ont connu une longue période sans précipitations efficaces, mais surtout une évaporation maximale au niveau des lacs de retenue.
D’après l’expert Sami Khomsi, membre du Laboratoire dessalement et valorisation des eaux naturelles au Centre d’études, recherches et technologies des eaux (Technopole de Borj-Cédria), «le manque de pluie sur plusieurs années n’a pas permis une recharge satisfaisante des nappes d’eau superficielles et de moyenne profondeur. De surcroît, une exploitation incontrôlée des nappes par des puits et sondages illégaux participe à la surexploitation de certaines nappes qui sont à la limite du seuil hydrogéologique de rupture/renouvellement».
Assurer des débits fonctionnels pour les activités économiques
Et de préciser que les administrations techniques centrales et régionales chapeautées par l’Etat ont apporté tout leur savoir-faire technique et scientifique pour permettre au pays de passer la période estivale, d’autant plus que s’ajoute à la population tunisienne une population touristique correspondant à la moitié du nombre des Tunisiens.
«Donc, à part l’approvisionnement en eau pour l’irrigation (notre grand problème stratégique), les administrations régionales et centrales ont agi dans le sens d’assurer des débits fonctionnels pour la majeure partie des Tunisiens et des activités économiques. D’ailleurs, il est fort satisfaisant de voir les hautes instances de l’Etat s’intéresser intensément aux problèmes hydriques et aux ressources en eau. Cela ne peut être que positif en impulsant l’administration à s’adapter et trouver des solutions adéquates lorsque des problèmes d’approvisionnement surviennent». Cet intérêt au plus haut niveau ne peut être que bénéfique pour toute la société à la vue des changements climatiques mondiaux. Car, «rappelons que toute la zone de la Méditerranée, aussi bien l’Afrique du Nord que l’Europe méridionale, est soumise à un stress hydrique de plus en plus croissant résultant d’un changement climatique clair et documenté avec des journées très chaudes qui deviennent plus nombreuses sur l’ensemble de l’année hydrologique (Rapport national eau, 2022, ministère de l’Agriculture)». L’expert rappelle, à cet égard, que la température moyenne des eaux de la Méditerranée a augmenté de 2 degrés Celsius minimum, induisant un changement des régimes de pluies à travers tout le bassin méditerranéen et un basculement pareil des températures n’a pas été observé sur le siècle passé.
Beaucoup de modélisations et projections futures montrent que cela participe au changement climatique en cours en augmentant les événements hydrologiques majeurs, dont les fréquences statistiques sont en nette augmentation sur le pourtour méditerranéen.
Résilience et adaptation aux changements climatiques
Plusieurs chantiers ont été mis en place pour assurer l’approvisionnement de nombre de régions en eau potable, comme la construction de stations de dessalement. Cela est très important et souligne l’engagement clair des autorités publiques et leur engagement sur la voie de la création des conditions de résilience et d’adaptation du pays aux changements climatiques et du stress hydrique. En effet, 4 grandes stations de dessalement sont d’ores et déjà en exploitation et fournissent aux régions concernées un apport d’eau potable domestique de grande importance. Ces stations sont celles de Djerba (50.000 m3 /j), Sfax (100.000 m3 /j), Gabès et Sousse 50.000 m3/j). Ces capacités respectives seront augmentées graduellement pour l’ensemble de ces stations. D’ores et déjà et dans l’état actuel de début d’exploitation, cela permet et permettra de fournir continuellement à ces régions une eau potable de manière pérenne et d’alléger, à court et moyen terme, la pression de la demande en eau de forages et de surface qui était utilisée pour alimenter ces villes. D’autant plus que les forages qui étaient exploités sont situés à Kasserine, Zaghouan et Kairouan avec des appoints du réseau des eaux du Nord. L’expert indique que la mise en exploitation de ces stations aboutira à l’allégement de l’exploitation d’autres sources qui pourront être acheminées vers Kairouan et d’autres zones du Sahel dans les gouvernorats de Kasserine, Kairouan, Zaghouan et la nappe du continental intercalaire à Gabès. Les stations sont un effort national important, améliorant le droit de l’accès à l’eau (droit constitutionnel et droit humain majeur) à un plus grand nombre de citoyens et ménages et participant à l’allégement progressif de la sollicitation d’autres sources de surface ou profondes qui pourront être allouées à d’autres régions. Durant les prochaines années, lorsque les stations atteindront leur plein régime d’exploitation et avec la construction d’une station programmée à Mahdia, les stations apporteront une solution très appréciable pour les eaux potables à usages ménagers. A cela s’ajoutent les micro-stations privées dans les unités hôtelières qui utilisent des eaux saumâtres pour s’auto-suffire.
Globalement, les stations de dessalement de l’eau de mer augmenteront pour ainsi dire la résilience du pays face aux déficits hydriques et aux changements climatiques. Actuellement les stations représentent un peu moins du dixième du volume d’eau distribué par la Sonede (680 millions de mètres cube, Rapport National eau, 2022). Donc, ces stations de dessalement de l’eau de mer sont un choix technique stratégique pertinent consenti par l’Etat et la communauté nationale qui assurera non seulement la desserte des grandes villes (Djerba, Gabès, Sfax, Sousse) en eau potable de qualité, mais permettront l’allégement des contraintes sur les zones auparavant nourricières de ces villes.
La résilience du pays face à la demande ne peut être qu’ appréciable et constitue un pivot stratégique dans nos politiques hydriques et hydrauliques.Enfin, les dernières pluies qui sont tombées en quantités localement importantes sont annonciatrices d’un début de saison agricole fructueuse et auront un impact très positif sur l’oléiculture et les agrumes, a conclu l’expert.
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