Regard d’expert | Jalel Ben Romdhane, Consultant et expert en capital risque à La Presse : «Le marché financier ne pourra se développer qu’avec l’arrivée de capitaux stables»
L’arrivée de capitaux nouveaux stables reste étroitement corrélée aux politiques économiques (relance, stabilité législative et fiscale, etc.) et l’amélioration de notre performance globale. D’un autre côté, il faudra aussi favoriser l’instauration d’une nouvelle dynamique à travers le capital-risque, les plateformes de crowdfunding…
Comment évaluez-vous le rôle des banques tunisiennes dans le financement de l’économie nationale ?
Il est indéniable que les banques tunisiennes, notamment les banques publiques, ont été le moteur du développement du tissu économique national au XXe siècle. En effet, l’industrie, l’agriculture et le tourisme ont été fortement soutenus par des banques dédiées. Aujourd’hui, l’impact est nettement plus mitigé, du fait de la faible inclusion de la population (9% sont des clients actifs d’institutions financières, 66% ont recours au crédit informel d’après (Amef Consulting 2020), et essentiellement de l’exclusion de la majorité des Tpme, majorité des entreprises, des services financiers (55% sont des clients d’institutions financières) et un recours massif aux crédits informels (66% d’entre elles).
Le déficit budgétaire sera financé à travers le recours au système bancaire, qui lui aussi nécessite une réforme en profondeur. Qu’en pensez-vous ?
C’est une situation qui serait normale dans toute économie, mais le recours massif et quasi exclusif interpelle… Il s’explique certainement par l’absence d’alternatives sur le marché national (marché financier peu attractif et peu profond), l’impossibilité d’un recours aux marchés internationaux à des conditions raisonnables (Notation Agences) et un tarissement des financements multilatéraux et bilatéraux (changement de paradigme qui tarde, négociation BM qui tarde.). Quoi qu’il en soit, cette solution ne peut être que de court terme en raison des nouvelles contraintes imposées aux banques en termes de ratios prudentiels, de comptabilisation et de transparence (Normes IAS/IFRS), les normes de développement durable, de notation intrinsèque et plus généralement de stratégie commerciale et capacité de collecte (stagflation).
En résumé, c’est une source qui est appelée à tarir pour l’Etat, mais surtout pour les organismes/entreprises publics à la situation financière déficitaire.
Améliorer la capacité du système financier à mobiliser l’épargne, à financer les investissements productifs et mieux répondre ainsi aux besoins de développement économique… Quel a été l’impact de ces mesures sur la structure du financement de l’économie nationale ?
Il est certain que l’instauration du Startup Act, les réformes de la législation relative aux sociétés d’investissement et autres réformes ont contribué à amorcer une dynamique dans certains compartiments de l’économie. On ne peut pas parler d’impact puisque nous sommes toujours à moins de 1% de croissance au niveau global, que le financement reste difficile et que le système reste très lourd et procédurier. Les enjeux sont stratégiques, économiques (politiques de relance) et surtout d’ordre numérique et digital.
Ces mesures sont-elles parvenues à développer le système financier tunisien dans son ensemble et à stimuler les marchés financiers en particulier ?
Le marché financier ne pourra se développer qu’avec l’arrivée de capitaux stables (nationaux et étrangers) et un redressement de l’épargne d’une part, et le développement de l’offre et la diversification de cette dernière. L’arrivée de capitaux nouveaux stables reste étroitement corrélée aux politiques économiques (relance, stabilité législative et fiscale, etc.) et l’amélioration de notre performance globale. D’un autre côté, il faudra aussi favoriser l’instauration d’une nouvelle dynamique à travers le capital-risque, les plateformes de crowdfunding, inciter l’investissement individuel (business angels) pour faciliter l’inclusion des entreprises et des individus.
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