Réformes structurelles | Branle-bas de combat pour sauver l’économie
La situation commence à se décanter. Ayant approuvé la refonte de la loi relative aux entreprises publiques, le gouvernement s’approche de la porte de sortie et le dossier tunisien auprès du FMI pourrait connaître une fin heureuse. Mais le nouveau programme de réformes permettra-t-il d’infléchir la trajectoire de l’endettement qui frôle l’insoutenabilité ?
L’on peut enfin pousser un ouf de soulagement, suite à l’approbation en conseil des ministres du décret amendant la fameuse loi 89-9 relative à la gouvernance des entreprises publiques, qui a été perçue comme un signal positif annonçant le dénouement du dossier tunisien auprès du FMI. Sauf coup de théâtre, ce dossier qui est en suspens depuis plusieurs mois et qui s’étire en longueur, accentuant ainsi les difficultés financières de la Tunisie, devrait connaître une fin heureuse au mois de mars prochain. Encore une fois, le gouvernement montre patte blanche et cette décision a été bien accueillie par les partenaires de la Tunisie. En tout cas, on estime que c’est de bon augure quant à l’issue de la demande de prêt auprès du FMI. L’ambassadeur de France en Tunisie, André Parant, n’a pas caché son optimisme quant à la conclusion prochaine d’un accord entre la Tunisie et le FMI, affirmant que “les choses sont bien avancées”.
Les marchés réagissent positivement
Le gouvernement est, donc, sur la dernière ligne droite de son nouveau programme de réformes. Un seul “détail” manquant, sur lequel le FMI se montre toujours intransigeant : la réalité des prix des hydrocarbures. “Après l’approbation du projet d’amendement de la loi 89-9 relative aux entreprises publiques, il ne reste que le point de la suppression des subventions du carburant sur laquelle le FMI a une position ferme afin d’atteindre la réalité des prix”, a indiqué l’ambassadeur lors d’un point de presse qui s’est tenu vendredi 10 février au siège de l’ambassade de France en Tunisie. Plusieurs économistes se sont même réjouis de cette avancée réalisée par le gouvernement qui fait miroiter sa volonté d’aller de l’avant dans les réformes structurelles, prenant à témoin les marchés qui ont réagi positivement. “ Les marchés ont réagi positivement par rapport aux obligations souveraines tunisiennes (qui ont enregistré une hausse de 4,29%, le jeudi 9 février). Les raisons objectives de ce tournant positif sont essentiellement en liaison avec : l’approbation par le conseil des ministres de la refonte de la loi 89-9 relative aux entreprises publiques et la possibilité de procéder à un ajustement des prix des hydrocarbures dans la période à venir. Objectivement, les marchés considèrent que la reprogrammation du dossier de la Tunisie auprès du FMI dans le futur n’est qu’une question de temps”, a fait savoir l’expert économique, Aram Belhadj, dans un post publié sur sa page Facebook.
La Tunisie a toujours honoré ses dettes
Les inquiétudes quant au risque de se couper des financements extérieurs, mais aussi celui de saisir le tant redouté Club de Paris sur lequel les débats ont défrayé la chronique, s’amenuisent. Mais la garde n’est jamais baissée. Car sans accord avec le FMI, il est difficile de se projeter dans le futur et on ne peut que broyer du noir : le financement auprès des marchés extérieurs — dont le coût est exorbitant vu la dégradation de la note souveraine de la Tunisie (Caa2) —, étant impossible, le recours excessif à l’endettement sur le marché local déclenchera une spirale infernale où l’inflation et le dérapage du dinar seront difficiles à endiguer. L’érosion des avoirs en devises par le prélèvement pour le remboursement du service de la dette engendre, dans ce cas, une pression énorme sur le dinar. Un scénario qui fait frémir les acteurs économiques et que le gouvernement œuvre, vaille que vaille, à éviter pour préserver l’image d’une Tunisie, qui honore toujours ses dettes. “Si un financement important n’est pas assuré, la Tunisie risque un défaut de paiement de sa dette”, a, récemment, averti l’agence de notation américaine Moody’s. Et de préciser que les nouveaux retards prolongés dans la mise en place d’un nouveau programme du FMI exacerbent les risques de balance des paiements et la probabilité d’une restructuration de la dette qui entraînerait des pertes pour les créanciers du secteur privé. La Banque centrale de Tunisie a, de son côté, mis en garde, dans un communiqué publié le 30 janvier dernier, contre “les risques liés à l’intensification du recours du Trésor au financement intérieur”. Elle a souligné qu’ “en l’absence de capacité de mobilisation de ressources extérieures, le financement du budget par un recours accru à l’endettement sur le marché intérieur, au cours du premier trimestre 2023, risque d’exacerber les pressions sur la liquidité et de favoriser les arbitrages entre les différents placements pouvant désarticuler l’activité des marchés bancaire, financier et des assurances”.
Mettre le curseur sur les facteurs de la croissance
En effet, tout le monde s’accorde pour dire que le prêt FMI de 1,9 milliard de dollars n’est pas le graal qui va permettre de résoudre les problèmes d’endettement de la Tunisie. D’ailleurs, l’inflexion de la trajectoire de la dette est aujourd’hui problématique dans ce contexte où l’accroissement des besoins en financement extérieur puise son origine, entre autres, dans la flambée des prix des matières premières et de l’énergie qui est tirée par l’exacerbation des tensions géopolitiques. Mais le programme de réformes approuvé par le FMI devrait permettre, grâce à la réforme budgétaire, de rationaliser les dépenses de gestion de l’Etat, réduire son train de vie et stabiliser, in fine, l’endettement qui frôle l’insoutenabilité. Parce que, rappelons-le, les besoins d’emprunts pour l’année 2023 sont évalués à 24,392 milliards de dinars, dont 14,859 milliards de dinars des financements extérieurs. La grande part de ces crédits extérieurs (près de 13,1 milliards dinars) vont à l’appui du budget de l’Etat. Selon le rapport du budget de l’Etat pour l’année 2023, il est prévu que l’encours de la dette publique atteindra 124,6 milliards de dinars (76,71% du PIB) à la fin de l’année. Or, à fin novembre 2022, l’encours de la dette s’est élevé à 111,9 milliards de dinars et devrait croître pour s’établir à 115,96 milliards de dinars à fin 2022 (selon le projet de la loi des finances rectificative 2022). En effet, avec le programme de financement du FMI, la Tunisie espère écarter le scénario du rééchelonnement de la dette qui donne un signal négatif et l’image d’un pays “mauvais payeur”. Mais, ce prêt, même si octroyé, ne peut en aucun cas inverser la tendance haussière de l’endettement si l’Etat ne procède pas à un changement de paradigme afin de mettre le curseur sur les facteurs de la croissance économique.
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