Réforme du code du travail : Pour une meilleure sécurité économique et sociale
En appelant à mettre fin à toutes les formes de travail précaire, le Président de la République, Kaïs Saïed, crève l’abcès et met à nu des pratiques abusives, voire parfois illicites, adoptées éhontément par plusieurs employeurs. En effet, la sous-traitance de la main-d’œuvre et les contrats à durée déterminée, qui sont typiquement des formes courantes de travail précaire, sont devenus, au nom de la flexibilité recherchée par les entreprises en temps d’incertitude économique, des sources d’instabilité et de fragilité exposant souvent les travailleurs à des conditions d’exploitation forte.
Depuis quelques années, le recours à la sous-traitance de la main-d’œuvre a pris des proportions inquiétantes en Tunisie, particulièrement dans les secteurs du nettoyage et de la sécurité. L’absence de dispositif juridique spécifique aux entreprises de travail temporaire ainsi que le manque de garanties contre les dérapages vers des pratiques de marchandage ou de trafic de main-d’œuvre ont exacerbé la situation et n’ont pas empêché ces entreprises de sous-traitance de se multiplier et de développer leurs activités.
Une mauvaise application des dispositions du code de travail ?
En effet, si la législation tunisienne du travail autorise à travers les articles 28, 29 et 30 “la sous-entreprise de main-d’œuvre”, l’inspection du travail considère que ces articles ne permettent pas la sous-traitance de la main-d’œuvre mais seulement de l’activité économique. “Il y aurait donc une mauvaise application des dispositions du code de travail”, explique un rapport sur les processus de recrutement en Tunisie, publié en 2019, par l’Organisation internationale du travail.
Ce même document indique, ainsi, que le code du travail ne cite pas les conditions minimales du contrat (conclu dans le cadre de la sous-entreprise de la main-d’œuvre) et le statut exact du travailleur recruté, affirmant que les limites de ce recrutement sont laissées à l’interprétation des acteurs ou des magistrats, le cas échéant. “Selon l’inspection du travail, il y a une surexploitation des travailleurs intérimaires, et une utilisation abusive des articles 28-29 du code du travail afin de contourner l’article 6.4 du code qui limite le recours au CDD à quatre ans, au-delà desquels le travailleur est considéré recruté avec un CDI».
«Les autres problèmes récurrents cités par l’inspection du travail en relation avec le travail intérimaire sont : l’inégalité de salaire, la non-application des conventions collectives sectorielles, la couverture sociale et la protection contre les accidents du travail. Selon l’inspection du travail, c’est l’inexistence d’une réglementation suffisante déterminant dans le détail les conditions de l’exercice de l’activité d’entreprise de main-d’œuvre qui aboutit, dans la pratique, à des situations d’abus et d’exploitation des travailleurs intérimaires et de pratiques non équitables par certains opérateurs du travail intérimaire”, lit-on dans le rapport. Ainsi, faisant fi de ce vide juridique, plusieurs entreprises de sous-traitance font leur beurre sur le dos d’employés et de salariés corvéables à merci et souvent démunis de leur droit à des conditions de travail dignes et décentes.
Le droit inaliénable à un travail décent
Les contrats à durée déterminée (CDD) sont aussi une forme de travail précaire. Contrairement au CDI qui est la norme privilégiée et la règle dans le monde du travail, car il offre une sécurité d’emploi durable dans le temps, le CDD expose l’employé à des vulnérabilités aux abus et constitue une source d’insécurité économique et sociale pour le salarié. En effet, en raison de l’incertitude entourant la stabilité de son emploi, les travailleurs sous CDD ont du mal à planifier leur avenir, se projeter dans le futur et prendre des décisions importantes telles que fonder une famille.
Selon les spécialistes, bien que la réforme du code de travail ait été introduite en 1996 pour rationaliser l’utilisation de ce type de contrat, elle n’a pas réussi à limiter le recours excessif des entreprises à cette modalité d’emploi privant ainsi les employés de leur droit à un emploi stable. L’appel du Président de la République, Kaïs Saïed, à mettre fin aux diverses formes d’emploi précaire résonne ainsi comme une victoire pour tous les travailleurs qui ont dû endurer les injustices infligées par leurs employeurs. La décision qui a été prise par la présidence du gouvernement d’interdire la conclusion de nouveaux contrats de sous-traitance dans le secteur public, et ce, conformément aux instructions du chef de l’Etat, est un pas important vers la concrétisation de cette vision. Il est à rappeler que Kaïs Saïed a appelé à ce qu’une loi soit votée, pour amender le code du travail afin de mettre fin aux contrats de sous-traitance dans le secteur privé.
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