Culture

Rboukh et Erkez Hip Hop à Carthage : Incompatible !

Après avoir assisté à la soirée, nous nous retrouvons à nous poser la question : qu’est-ce que Rboukh a en commun avec Erkez Hip Hop à part l’élément mezoued ? Vraisemblablement rien.

Grande erreur de programmation que celle commise par le Festival international de Carthage, samedi soir. La combinaison entre «Rboukh» de Hatem Lajmi et Erkez Hip Hop n’a pas fonctionné et a même induit le public en erreur.

Deux spectacles pour deux publics totalement différents est l’erreur à ne pas faire. Le public de Erkez Hip hop est un public averti, qui connaît le collectif, le suit, connaît ses chansons, adhère à son projet.

«Rboukh» de Hatem Lajmi, n’a pas de public spécifique, le titre du spectacle est d’emblée, générique, promet du rythme, des percussions et de la transe. Un spectacle dans le «Moove» qui évoque un répertoire connu, consommé voire surconsommé avec les Hadhra, les Nouba, et les Ziara (inédits en leurs temps) et autres fêtes de mariages.

On s’attendait à une belle combinaison, vu les intentions révélées par l’auteur de la première partie de la soirée. «Rboukh», avec son maître d’œuvre Hatem Lajmi, promettait le fruit d’un long et précieux travail fait par l’artiste et chercheur et qui a fait l’objet d’un livre intitulé «Le répertoire soufi du genre mezoued en Tunisie».  Après avoir assisté à la soirée, nous nous retrouvons à nous poser la question : Qu’est-ce que Rboukh a en commun avec Erkez Hip Hop ? Rien, à part l’élément mezoued (un terme qui désigne à la fois l’instrument et le genre), vraisemblablement rien. Car contrairement à ce qui a été annoncé «Rboukh» manque de créativité et de recherche, «les maîtres des instruments» (Snayiya) maîtrisent leur art, le connaissent sur le bout des doigts, ils ont mis à disposition leur savoir-faire pour un arrangement rudimentaire avec un formation classique qui a été vaguement saisi par le public. Le répertoire chanté est un répertoire fortement connu et ressassé. Pas de mise en scène particulière, du cafouillage dans les entrées et sorties, des danses et le comédien Jamel Madani en MC dont la présence est sincèrement inutile. Si le public, venu nombreux, s’est déchaîné en danse, et en chant, cela ne reflète point l’originalité du travail, bien au contraire. La zone de confort choisie ne peut que séduire pour un travail consommé le temps d’un spectacle et qu’on oublie une fois que nous quittons le théâtre. Le public venu pour Erkez Hip Hop a dû patienter plus d’une heure et demie pour accueillir les artistes. Une partie des gradins s’est vidée, perturbée par un style et un ton qui leur sont inconnus. Mais le théâtre ne s’est pas désempli de ceux qui sont venus en connaissance de cause. Car Erkez Hip Hop est le fruit d’un réel travail en profondeur, un ouvrage de fusion bien réfléchi, élaboré et testé à travers une multitude de concerts sur des scènes différentes. Erkez Hip Hop est un travail de longue haleine, d’acharnement, de rage et d’amour. C’est une combinaison d’amitié et de complicité qui réunit des artistes autodidactes pour certains, dont l’âme et le verbe ont déjà intériorisé des sonorités du patrimoine, des rythmes qu’ils connaissent d’une manière instinctive, une atmosphère qui les a bercés pour y mettre leur grain de sel et les sublimer dans des titres, qui les racontent et qui les racontent. Des titres connus par le public, et qui raisonnent dans un social environnant partagé par la plupart. Leur passage par Carthage ne tombe pas du ciel, il est amplement mérité et sérieusement étudié. Les placer en seconde partie d’un spectacle sans identité propre a biaisé son rapport à un public venu à l’aveuglette, séduit par une promesse d’un «Rboukh». Erkez Hip Hop méritait bien la scène de Carthage à eux seuls et c’est bien dommage.

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