Culture

Rafik Gharbi, pianiste et compositeur, à La Presse : «Je suis resté dans le produit purement culturel»

 

En parallèle avec sa carrière de musicien accompli, l’ancien directeur du Festival international de Sousse et du festival international Les Nuits des Solistes à Sousse, Rafik Gharbi, s’est spécialisé dans une tout autre discipline. Il est professeur universitaire en chimie. Il nous a accordé un entretien pour revenir sur son parcours insolite où science et musique se rencontrent.

Le 9 novembre prochain, les fervents admirateurs de Charles Aznavour seront au rendez-vous au Théâtre municipal de Tunis pour célébrer son centenaire. «Hier encore» est un concert où une pléiade d’artistes tels que Kamel Sellam et Riadh Ben Amor revisiteront le répertoire du «Grand Charles», accompagnés au chant par les superbes voix de Lilia Ben Chwikha et Mayssoun Fatnassi. Un spectacle imaginé et réalisé par Rafik Gharbi, pianiste et compositeur qui compte à son actif des projets musicaux marquants comme «Alchimie», «Chœur de femmes» et «Je vous parle d’un temps..». Il est également l’ancien directeur du Festival international de Sousse et du festival international Les Nuits des Solistes à Sousse. En parallèle avec sa carrière de musicien accompli, Rafik Gharbi s’est spécialisé dans une tout autre discipline. Il est professeur universitaire en chimie. Il nous a accordé un entretien pour revenir sur son parcours insolite où science et musique se rencontrent.

Commençons par vos débuts dans le monde la musique. Comment cette passion est-elle née ?

J’ai grandi dans une famille de mélomanes. Cette opportunité d’avoir un piano à la maison m’a permis un premier contact avec la pratique de la musique, développant ainsi un don et une capacité à écouter et à reproduire à l’oreille les mélodies que j’entendais. Ensuite, n’arrivant pas vraiment à me conformer à la rigueur qu’exige l’apprentissage du solfège et du piano classique, j’ai plutôt évolué en autodidacte. Les cours m’ont servi de base avant d’intégrer le monde professionnel à un âge précoce. Je jouais dans des bands à seulement 15 ans. Comme je vis à Sousse, il y avait beaucoup d’hôtels et de restaurants dont la clientèle appréciait notre musique. J’ai également eu la chance de fréquenter des pianistes professionnels dont j’ai beaucoup appris, dont Kamel Sallem avec lequel je collabore actuellement. C’était mon idole et il joue à mes côtés aujourd’hui sur scène. Puis, cette passion a évolué en parallèle avec ma carrière scientifique.

Comment êtes-vous arrivé à concilier des études scientifiques de longue haleine et votre carrière de musicien ?

On n’arrive jamais à concilier, mais plutôt à alterner. On passe l’une en priorité par rapport à l’autre selon les obligations. Quand on prépare les grands diplômes, comme le doctorat ou l’habilitation universitaire, c’est des temps forts où la musique a été mise en veille.  J’ai eu plus de temps libre quand j’ai fini mes passages de grades. Il faut surtout s’organiser. Mais en fait, pour la recherche scientifique et pour la musique, les approches ne sont pas totalement différentes.

Votre premier spectacle musical s’intitule « Alchimie». Est-ce que c’est une allusion à votre carrière de professeur en chimie ?

Il y a un lien direct entre la musique et ce que j’ai appris à faire en chimie organique spécialement. Dans le monde des atomes, elles se combinent pour donner une infinité de molécules, mais peu d’entre elles sont à l’origine de médicaments qui soignent, qui font du bien. Le parallèle peut être établi avec les notes de musique qui se mélangent pour donner des mélodies. Les musiciens associent des milliers de notes, mais seules quelques combinaisons donnent des merveilles.

Il y aussi cet aspect esthétique dans la chimie, que beaucoup décrivent comme un art. Ensuite, il y a l’autre sens de l’alchimie, entre le public et les musiciens, entre les musiciens eux-mêmes. Il y a de la sérotonine et de la dopamine qui se dégagent à travers les émotions particulières  que crée la musique. La chimie est tout le temps là !

Dans quel genre de musique peut-on classer vos compositions dans « Alchimie »?

Nous faisons plutôt des musiques du monde avec une connotation jazzy, telles qu’on les ressent. Je me suis inspiré par exemple de mon séjour à Paris pour composer un morceau intitulé «Tango sur le pont neuf», un endroit historique d’où on voit les célèbres monuments de Paris. Ce sont mes souvenirs et mes moments de bonheur qui se traduisent en musique.

J’ai grandi en écoutant la musique de Fayrouz et des Rahbani. J’ai découvert par la suite la musique classique, le jazz.. Différentes influences qui forment un amalgame dans ma tête, prêt à exposer sous forme de compositions et de spectacles. Le spectacle Alchimie s’est joué aux Journées de Jazz à Monastir, au Festival de musique symphonique d’el Jem. Ce sont mes compositions à 70%. J’aspire à ce que le programme soit prochainement fait entièrement de mes propres mélodies.

Est-ce que les spectacles de musique instrumentale peuvent avoir le même succès que les concerts de chants ?

C’est vrai que c’est difficile de faire passer sa propre musique quand elle est encore inconnue du public, surtout que je ne suis pas dans le star système. Je ne fais pas de tubes, j’ai pris un autre chemin. A chacun sa vocation finalement. Personnellement, je suis resté dans le produit purement culturel.

Dans « Alchimie », nous avons plutôt utilisé des voix qui se fondent harmonieusement avec la musique. C’est l’équivalent d’un instrument. Pour les prochaines représentations, j’aimerais bien ajouter deux ou trois chansons. La place du chant est extrêmement importante, notamment chez nous comme nous n’avons pas vraiment la tradition de passer tout un spectacle à écouter du début à la fin les détails de la musique uniquement. Mais il faut dire qu’on les accepte de plus en plus parce qu’il y a un retour vers la musique de haut niveau comme je  le remarque. Il y un regain d’intérêt vers la musique classique et le jazz. Les Tunisiens ont eu leur dose de musique commerciale.

Qu’est-ce que vous pensez de l’utilisation des technologies modernes dans les concerts musicaux ?

Les musiques ont énormément évolué partout dans le monde. On ne peut pas empêcher l’utilisation de nouvelles technologies mais sans compter sur l’intelligence artificielle pour réussir. La musique assistée par ordinateur ne peut plus être ignorée. Elle s’impose déjà. Pour autotune, par contre, c’est de la triche qui se fait remarquer facilement. Quand un musicien joue, c’est un échange direct avec le public. Ce sont des ondes qui passent et les artifices extérieurs sont très flagrants. Tout ce qui est étranger à  la nature se fait savoir.

Parlons de votre prochain spectacle «Hier encore…». Pourquoi avez-vous choisi de travailler sur Charles Aznavour en particulier ?

Tout a commencé quand le directeur du Festival international des francophonies à Sousse, M. Sami Hochlef, nous a contactés pour le concert d’ouverture. J’ai toujours écouté Aznavour et je connais par cœur son répertoire. Le défi était de présenter une œuvre qui se démarque de ce qui a été fait auparavant. J’ai donc rassemblé de bons musiciens pour de nouveaux arrangements propres au spectacle intitulé «Je vous parle d’un temps..».

Il a été déjà présenté trois fois à Sousse avec beaucoup de succès. C’est pareil pour «Hier encore…». Ce ne sont pas de simples reprises des chansons. Nous avons ajouté des instruments qui font la différence, comme le luth, pour des improvisations orientales. Nous avons choisi pour le programme des chansons retenues dans la mémoire collective des Tunisiens. Des tubes connus que le public peut fredonner, comme La Bohème, La Mamma, Il faut savoir… Ce sont des airs que nous avons du plaisir à jouer et qui font aussi du plaisir aux spectateurs.

Est-ce que Aznavour attire encore le jeune public ?

J’ai vu des  jeunes musiciens reprendre des tubes de Charles Aznavour sur les réseaux sociaux avec des arrangements modernes. La Bohème en Latino, une autre version à l’ouverture des Jeux olympiques… Aznavour est un chanteur éternel. Au-delà de la bonne musique, il décrit des situations et des scènes de vie indémodables. L’expression «Je vous parle d’un temps» est elle-même intemporelle. «Emmenez-moi» peut faire penser à l’immigration. Ce sont des sujets ne meurent pas et des notions qui transcendent le temps et l’espace.

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