Projet de loi de finances 2024 | Abdelkader Boudriga, expert financier à La Presse : “Les mesures prises au profit de l’économie verte sont louables”
Le projet de loi de finances 2024 a été enfin dévoilé. Le document comporte les principales orientations ainsi que les mesures phares du PLF, sans pour autant évoquer plus de détails relatifs aux hypothèses sous-jacentes ni aux dépenses budgétaires. Contacté par
La Presse, l’expert économique, Abdelkader Boudriga, livre une première lecture du document et une analyse avec circonspection
du PLF 2024.
En l’absence de détails concernant les dépenses budgétaires, il est difficile pour l’expert d’appréhender la nature du budget (expansif ou restrictif). Mais une analyse lacunaire de l’évolution des dépenses ainsi que celle du déficit budgétaire laisse supposer que la politique budgétaire pour l’année 2024 ne sera pas, selon Boudriga, austéritaire. “Pour le moment, on n’a pas assez de détails pour faire une analyse complète. Mais on sait que les dépenses devront augmenter de 6 milliards de dinars par rapport à l’année précédente, soit près de 13%. Les recettes, quant à elles, devront progresser de 7%. Ceci va entraîner une aggravation du déficit public, qui passe de 7 milliards en 2023 à 10 milliards de dinars.
Une première lecture nous permet de dire qu’on n’est pas dans une politique d’austérité. Nous ne disposons pas encore des hypothèses sous-jacentes mais le déficit a augmenté de 30%, donc on n’est pas dans la même veine de la politique budgétaire menée en 2023, qui est une année de maîtrise du déficit public”, a-t-il expliqué.
Le casse-tête du financement extérieur
D’après le document, l’année 2024 sera marquée par la hausse des besoins de financement qui passe de 24 milliards de dinars à 28 milliards, soit une augmentation de près de 16%. Quant aux besoins de financement externe, ils ont été estimés à environ 5 milliards de dollars. Encore une fois, là c’est la question du financement auprès du FMI qui revient avec insistance. Car, sans accord avec le Fonds, quelles seront les alternatives disponibles qui vont permettre de mobiliser ce montant auprès des marchés extérieurs?
“La question c’est comment on va assurer l’endettement en devises. Pour le moment, on n’a pas de détails concernant le budget. De prime abord, la pression fiscale sera stabilisée à son niveau actuel mais, en même temps, il est prévu que les dépenses publiques croissent à un rythme (13%) qui dépasse celui du taux d’inflation prévisionnel, pour l’année 2024, qui sera compris entre 8 et 10%. Est-ce que ces augmentations sont liées aux prévisions du prix du baril de pétrole? Ou c’est la hausse des dépenses des investissements qui est à l’origine de l’augmentation des dépenses budgétaires?”, s’interroge Boudriga. En tout état de cause, l’aggravation du déficit budgétaire signe, selon l’expert, le retour à l’endettement. “Le déficit public passe de 7 milliards à 10 milliards de dinars, ce qui veut dire qu’en termes d’équilibres macro financiers, il y a une certaine détérioration qui signe le retour à l’endettement puisqu’au cours de l’année 2023 on n’a pas beaucoup fait appel à l’endettement public. Mais il faut dire qu’il n’y a pas d’autres choix, parce que l’espace fiscal ne permet pas de financer nos besoins que ce soit pour le budget ou pour la relance économique”, a-t-il encore ajouté.
Des mesures innovantes ?
S’agissant de l’instauration de mécanismes alternatifs pour le financement des dépenses de subvention, notamment l’élargissement du champ d’application de la taxe de séjour, l’expert a noté qu’il s’agit d’une taxe indirecte qui va toucher le secteur du tourisme qui est un secteur important et stratégique. “Les montants proposés sont à mon sens assez élevés. Cette nouvelle taxe peut avoir un impact sur un secteur qui est déjà fragilisé parce que son coût va être supporté par l’entreprise hôtelière et non pas par le client final. L’idée de taxer directement les bénéficiaires “non justifiés” est rationnelle, mais, dans ce cas, elle peut toucher de plein fouet le secteur qui commence à peine à redémarrer. Cela peut avoir un impact sur sa viabilité et sa compétitivité”, a-t-il indiqué.
En ce qui concerne le financement des PME, Boudriga a estimé que les mesures qui ont été intégrées dans le PLF 2024 demeurent timides tout en saluant la volonté de mettre sur orbite des mécanismes de financement de l’économie verte et du développement durable.
“Pour les PME, les mesures proposées sont timides, parce qu’on ne dispose pas d’espace fiscal qui nous permet d’aller plus loin. Mais je salue les mesures innovantes par rapport au financement de l’économie verte, du développement durable, de l’économie bleue et circulaire. C’est très bien parce que c’est une grande nouveauté, cela va permettre certainement de booster les activités et le financement d’impact en Tunisie, ce qui est important, parce qu’il y a beaucoup d’efforts effectués, en ce sens, à l’échelle internationale. La Tunisie est dotée d’une complexité économique qui ne lui permet de se positionner dans l’économie d’impact de manière générale. Je salue cette orientation”, a-t-il conclu.
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