Prochain sommet Tunisie-Afrique-Corée à Séoul : Des perspectives prometteuses déclarées, en attendant la concrétisation !
Kim Sungsoo, professeur à Hanyang university : «Une zone économique spéciale en Tunisie facilitera les investissements coréens»
Par Mustapha KHAMMARI*
Une délégation de l’Institut coréen d’études euro-africaines «Institute for euro-african studies», dirigée par le professeur Kim Sungsoo, visite notre pays en préparation du sommet qui se tiendra à Séoul en juin prochain en vue de promouvoir la coopération Tunisie-Afrique-Corée.
Des initiatives qui visent à promouvoir cette coopération trilatérale Tunisie- Afrique- Corée sont tentées mais sans grands résultats concrets à ce jour et en tous cas sans aboutir à des investissements et projets à la mesure de la volonté déclarée des deux pays au vu des avantages géostratégiques qu’offre la Tunisie. Nos partenaires apprécient son ouverture sur le monde et ses incitations, règlements et lois, qui facilitent l’accueil d’investisseurs étrangers, notamment des pays asiatiques. C’est l’expression de choix tunisiens clairs d’innovation, de diversification et de prospection des opportunités nouvelles offertes par les pays novateurs de la zone asiatique et particulièrement en Corée du sud.
La Tunisie a établi avec ce grand pays ami des relations diplomatiques depuis cinquante-cinq ans pendant lesquelles la coopération bilatérale a réalisé des progrès à travers l’action des deux gouvernements et par l’intermédiaire de la Coika, organisme coréen chargé de la coopération étrangère. Des projets ont été initiés dans les domaines de l’e-government, de la recherche agricole (protection des forêts de chêne liège au nord-ouest), le renforcement des capacités des hauts fonctionnaires et l’envoi en Tunisie de volontaires dans les secteurs de la santé et de l’agriculture.
Des efforts sont entrepris pour attirer des touristes coréens en Tunisie dont le nombre ne cesse d’augmenter. Les touristes coréens ne sont pas dépaysés en Tunisie, aiment le Sahara, apprécient les sites archéologiques de notre pays et la cuisine épicée tunisienne. Des membres de la Communauté coréenne en Tunisie cultivent même le chou chinois, légume indispensable à la fabrication du kimchi (ingrédient permanent dans le quotidien culinaire coréen comparable à notre torchi mais en plus pimenté et trempé dans la saumure pour être conservé longtemps jusqu’à devenir acidulé). Suite à de nombreuses demandes et articles de presse, l’Institut Kings et Jung pour la langue coréenne a ouvert un centre de son institut en Tunisie où des centaines d’étudiantes et d’étudiants tunisiens se sont inscrits pour apprendre la langue coréenne afin de pouvoir mieux accéder à la culture coréenne qu’ils aiment et qu’ils suivent à travers la musique K-pop et les feuilletons coréens très prisés par la jeunesse tunisienne.
Les perspectives de renforcement de la coopération sont prometteuses et la conférence de juin à Séoul, qui intervient après plusieurs conférences similaires tenues en Tunisie, peut constituer une occasion ou constituer, en étant bien préparé, une occasion de relance des échanges et surtout attirer d’éventuels investisseurs coréens en Tunisie. Les hommes d’affaires coréens savent désormais que la position géographique de notre pays et ses relations privilégiées avec les pays du continent africain et de l’Europe avec laquelle des accords de coopération et d’échange privilégiés existent, font de la Tunisie un pays prometteur et efficace pour les investissements coréens. Dans les domaines technologiques, start-up et autres, l’industrie automobile, de l’agriculture, de l’éducation et de la santé. La Tunisie, qui entretient des relations privilégiées avec son environnement géographique euro-arabe-africain, ouvre ses horizons vers les pays asiatiques pour devenir leur partenaire privilégié pour leurs investissements et leurs industries qui peuvent s’épanouir dans un pays accueillant et ouvert sur son environnement euro-méditerranéen et constituer un «hub» présentant les avantages de disposer de compétences hautement qualifiées et de coût de transport réduit pour les produits industriels coréens qui visent les marchés européens, africains et arabes. Le pays d’Hannibal bien connu, le pays du matin clair est disposé à créer les conditions d’une coopération privée avec la Corée.
Le Professeur Kim Sungsoo, qui préside la délégation coréenne de l’université Hanyang, a bien voulu nous entretenir de l’objet de sa mission et de l’Institut euro-africain de son université.
A la question qu’attendez-vous de la conférence de Séoul pour promouvoir la coopération trilatérale Tunisie-Afrique-Corée, notre interlocuteur assure que « le sommet de Séoul » en juin se tiendra sur le thème de croissance partagée, durabilité solidarité et croissance inclusive en termes de la coopération trilatérale Tunisie-Afrique-Corée.
La Tunisie, pole d’énergie verte
«Nous espérons, dit-il, que ce sommet constituera une étape importante pour l’avenir. Parmi tous les domaines coopération trilatérale possible, le sommet de Séoul peut offrir l’opportunité à la Tunisie d’être un pôle énergétique de l’hydrogène vert. Nous savons, dit-il, que la Tunisie envisage d’exporter de l’hydrogène vert vers l’Europe en utilisant ses abondantes ressources et qu’elle travaille avec de nombreux pays européens pour développer cette nouvelle énergie verte. Cependant, étant donné que le prochain sommet se souciera également de la croissance partagée et durable du continent africain, nous pourrions coopérer avec la Tunisie afin d’exporter de l’énergie hydrogène verte vers les pays africains pour résoudre les problèmes énergétiques en Afrique. La Corée peut également coopérer avec la Tunisie pour exporter de l’énergie hydrogène verte par des pays africains et coopérer avec la Tunisie à travers des consultations politiques sur la promotion de l’industrie du recyclage dans les pays africains, à commencer par la Tunisie». Une autre question sur les thèmes de recherche de l’Université en lien avec la problématique du colloque de Séoul, le professeur Kim Sungsoo ajoute que l’Institut d’études euro-africaines «se concentre sur les recherches à propos de la coopération dans les start-up, l’industrie du recyclage des fermes intelligentes». Tous ces domaines, explique-t-il, sont liés à la croissance durable sur le continent africain et constituent l’un des principaux thèmes du prochain sommet Corée-Afrique.
A la question de savoir si des promoteurs coréens sont prêts en Tunisie pour se rapprocher des pays africains et en profiter pour commercer avec l’Europe et les pays du Moyen-Orient M. Kim Sungsoo a répondu que «nous sommes plus que prêts à étendre notre coopération non seulement aux pays africains mais également au pays d’Europe et du Moyen-Orient».
La Tunisie, une porte d’entrée importante pour le commerce avec l’Europe
«Nous comprenons ajoute-t-il l’importance géographique de l’Afrique du Nord et de la Tunisie qui a déjà signé des accords avec de nombreux pays voisins et peut constituer une porte d’entrée importante pour le commerce avec les pays d’Europe et du Moyen-Orient. Il faut cependant et afin d’encourager les secteurs privés à investir en Tunisie, créer un marché d’investissement attractif comme les États-Unis l’ont fait grâce à la ‘agoa’, loi américaine sur la croissance et les opportunités en Afrique, signée en 2000 et prolongée jusqu’en 2025. Le gouvernement tunisien pourrait offrir des incitations innovantes au secteur privé. Il est très important pour nous de souhaiter voir le Président de la République Tunisienne participer au sommet Corée/Afrique en juin pour des entretiens directs avec notre président de l’expansion des investissements du secteur privé coréen en Tunisie, et d’inventer les moyens de concrétiser cette coopération au niveau opérationnel». Une dernière question à Monsieur Kim Sungsoo à propos des voies et mesures qui, du point de vue coréen, pourraient contribuer à faciliter les investissements coréen en Afrique à travers la Tunisie, il répond : «Si la Tunisie construisait une zone économique spéciale, cela pourrait faciliter les investissements coréens en Afrique à travers la Tunisie». Il cite l’exemple de la Zambie qui, précise-t-il, «a exonéré les droits d’exportation et la taxe sur la valeur ajoutée pour les entreprises étrangères dans une zone économique spéciale jusqu’à ce qu’elle réalise réellement et avec succès des bénéfices en Zambie. Rejoignant diverses communautés économiques de la région africaine, les entreprises coréennes comprendraient l’avantage de démarrer ou d’étendre leurs activités basées en Tunisie».
Exemple de réussite d’investissement coréen en Tunisie
Je cite toujours l’exemple de la réussite de l’entreprise coréenne “Yura Corporation” et de son propriétaire, M.Ohm dae -yeol, qui font confiance à la Tunisie et y ont ouvert une première usine en 2007 à Kairouan, puis une deuxième et une troisième dans la même ville employant des centaines de techniciens et d’ouvriers locaux et exportant leur production de câbles électriques vers les usines de montage automobile coréennes en Europe. Cet exemple peut être suivi par d’autres entreprises coréennes, qui trouveront soutien et encouragement des autorités tunisiennes.
La visite en Tunisie de la délégation de l’Institut of Euro-African Studies souligne l’intérêt du gouvernement coréen et de la communauté industrielle et d’affaires dynamique de ce quatrième tigre asiatique, à faire réussir la conférence de juin à Séoul qui doit revoir les promesses tenues par les conclusions des rencontres tripartites organisées l’année dernière afin de passer à l’étape de concrétisation.
M.K.
*Journaliste freelance, ancien ambassadeur.
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