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PLF – Mesures fiscales et défis économiques : La Tunisie s’est-elle préparée aux réformes prévues pour 2025 ?

 

Dans un contexte économique complexe, la Tunisie se prépare à une transformation significative à travers son projet de loi de finances 2025, qui promet de redéfinir les règles du jeu économique et fiscal. Quelles seront les conséquences de ces nouvelles mesures pour les citoyens, les entreprises et l’économie en général ?

Présenté récemment par le gouvernement, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 en Tunisie s’inscrit dans un contexte économique exigeant. Avec un endettement public important et une croissance qui peine à retrouver ses niveaux d’avant la crise, le gouvernement a dévoilé une série de mesures fiscales et économiques destinées à renforcer l’économie et à encourager la modernisation des secteurs stratégiques. L’objectif de ce PLF est d’équilibrer entre réformes fiscales, soutien aux entreprises et relance économique, tout en veillant à l’équité sociale.

Réformes fiscales progressives, mais…

Parmi les mesures phares de ce projet, une nouvelle tranche d’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) à 40 % sera appliquée aux revenus supérieurs à 50.000 dinars. Cette mesure s’inscrit dans une volonté de mieux répartir le fardeau fiscal et de faire contribuer davantage les plus hauts revenus. Ce taux plus élevé a pour but de générer des recettes supplémentaires pour financer les programmes sociaux et les infrastructures publiques.

Du côté des entreprises, la loi introduit un taux progressif d’imposition en fonction du chiffre d’affaires, allant de 10 % à 40 %. Cette mesure permet d’alléger la pression fiscale sur les petites et moyennes entreprises (PME), qui sont les plus vulnérables aux fluctuations économiques. En effet, les entreprises générant un chiffre d’affaires modeste bénéficieront d’un taux d’imposition plus bas, tandis que les plus grandes entreprises devront contribuer à un taux plus élevé.

Cette augmentation, bien qu’ayant pour but de renforcer la justice fiscale, risque de provoquer un frein à l’investissement. Le secteur privé pourrait être découragé par cette taxation plus élevée, surtout en période d’instabilité économique où l’attraction d’investissements étrangers et la compétitivité des entreprises sont essentielles pour relancer la croissance. L’efficacité de cette mesure dépendra largement de la capacité du gouvernement à convaincre que ces fonds seront bien utilisés pour soutenir des infrastructures et des services publics de qualité. Par ailleurs, l’une des priorités du gouvernement dans ce PLF 2025 est de soutenir la transition énergétique. En ligne avec les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement a prévu une réduction de la TVA à 7 % sur l’importation des véhicules hybrides et électriques. Cette mesure vise à encourager l’adoption de moyens de transport plus respectueux de l’environnement, et s’inscrit dans une stratégie plus large de promotion de l’économie verte. En outres, la TVA sur l’électricité destinée aux ménages à faible revenu sera également réduite pour atténuer l’impact des hausses des prix de l’énergie sur les familles modestes.

Suppression des restrictions sur les paiements en espèces

Les entreprises communautaires bénéficient d’une attention particulière dans le cadre de ce projet de loi. Le gouvernement a prévu de leur allouer 30 millions de dinars pour soutenir leur développement à travers divers fonds nationaux. En plus de cette aide financière, ces entreprises pourront bénéficier d’une exonération fiscale de 10 ans. L’objectif est de renforcer l’économie locale en encourageant l’initiative privée et en développant des projets à forte utilité sociale. Ces mesures visent à promouvoir un modèle de développement plus inclusif, notamment dans les régions intérieures, qui souffrent encore de disparités économiques importantes.

Cependant, ce montant paraît modeste par rapport aux besoins réels du secteur, et l’impact réel de cette mesure reste à vérifier. Les entreprises communautaires, qui jouent un rôle clé dans les régions défavorisées, nécessitent des appuis structurels plus larges, incluant des mesures d’accompagnement non seulement financières, mais aussi techniques, afin d’assurer leur pérennité.

L’une des réformes les plus significatives du PLF 2025 est aussi la suppression des restrictions sur les paiements en espèces. Jusqu’à présent, certaines transactions commerciales, notamment dans le domaine immobilier, étaient soumises à des limitations strictes en ce qui concerne l’utilisation de l’argent liquide. Cette mesure vise à faciliter les transactions et à encourager une plus grande transparence financière, en particulier dans les secteurs où les paiements informels sont courants. En supprimant ces restrictions, le gouvernement espère également renforcer la confiance dans le système bancaire formel et attirer plus de fonds dans l’économie officielle.

Mais si cette mesure vise à stimuler les transactions formelles, elle pourrait également favoriser le retour de l’économie informelle. En effet, dans un pays où les transactions non bancarisées restent courantes, cette mesure risque d’alimenter le marché noir et les pratiques d’évasion fiscale. Le gouvernement doit donc accompagner cette réforme de mesures strictes pour surveiller les flux financiers et éviter les dérives.

Le PLF 2025 ne se contente pas de réformes fiscales directes, il comprend également des mesures visant à moderniser le système financier tunisien. Le gouvernement prévoit de mettre en place des incitations fiscales pour encourager l’intégration du secteur informel dans l’économie formelle, un défi de longue date pour la Tunisie. L’objectif est d’augmenter la base fiscale et de mieux exploiter les ressources nationales. En même temps, le projet prévoit des allègements fiscaux pour certains secteurs clés de l’économie, notamment les startup et les PME, avec des crédits allant de 3 à 10 millions de dinars pour encourager l’innovation et le développement technologique.

Besoin de mesures audacieuses…

Ce projet de loi devrait aussi s’inscrire dans une démarche de prudence budgétaire. En effet, le gouvernement prévoit de limiter la croissance des dépenses à 4% pour 2025, concentrant cette augmentation sur le remboursement des arriérés et le financement de nouveaux projets d’infrastructure. Ces investissements visent à relancer l’activité économique à travers des projets publics en suspens, tout en assurant une meilleure gestion des ressources financières publiques.

Sur le plan énergétique, en raison de la volatilité des prix du pétrole, le PLF 2025 se base sur un prix moyen du baril de 77,4 dollars, ce qui nécessite une approche prudente face aux incertitudes économiques mondiales.

Finalement et non moins important, le projet de loi de finances pour 2025 en Tunisie prévoit des réformes qui touchent directement au système de retraite. L’une des mesures notables est l’intention de prolonger l’âge de départ à la retraite, en particulier dans le secteur privé. Cette proposition s’inscrit dans une volonté de renforcer la durabilité des systèmes de sécurité sociale, face à un vieillissement rapide de la population tunisienne. L’allongement de l’âge de départ à la retraite a déjà été mis en place dans le secteur public en 2020, avec des résultats positifs sur la réduction des déficits des caisses sociales, comme la Cnrps (Caisse nationale de retraite et de prévoyance sociale).

Cependant, cette mesure est jugée insuffisante pour garantir à long terme l’équilibre financier du système de répartition actuel, qui souffre du déséquilibre entre le nombre croissant de retraités et un nombre d’actifs en baisse. En effet, la Tunisie devrait compter environ 1,25 million de retraités en 2024. En parallèle, les tendances démographiques, telles que la baisse du taux de natalité et le vieillissement de la population, accentuent les pressions sur les régimes de retraite.

Il est clair que le PLF 2025 présente des réformes ambitieuses qui tentent d’équilibrer entre redressement budgétaire, justice sociale et soutien à l’économie. Cependant, les mesures proposées risquent de ne pas suffire pour répondre aux défis structurels auxquels le pays fait face, notamment en matière de croissance économique, de réduction de l’informalité et de pérennité des caisses sociales. Le succès de ce projet dépendra aussi de sa mise en œuvre et de la capacité du gouvernement à associer les différents acteurs économiques et sociaux à un dialogue constructif pour assurer une reprise durable et inclusive.

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