Economie tunisie

PLF 2024: La difficile équation du financement

“L’absence d’une croissance vigoureuse, qui permet de répondre aux difficultés financières du pays, constitue, à mon sens, le péché originel. Les déficits budgétaire et courant ainsi que les déséquilibres macroéconomiques et des finances publiques qui sont la partie apparente de l’iceberg puisent leur origine dans cette incapacité à stimuler la croissance”, a souligné l’économiste Fatma Marrakchi.

Intervenant lors d’un débat en ligne organisé par le think tank Global Institute 4 transitions (GI4T), Pr Fatma Marrakchi a livré une lecture critique du PLF 2024.  La table ronde qui a été consacrée à la discussion du PLF, qui fait actuellement l’objet de discussions parlementaires, a permis de porter un regard croisé sur ledit projet.

Pour Marrakchi, l’absence de financement est la principale caractéristique de cette loi qui s’inscrit dans la même veine que la LF 2023. Les ressources financières, notamment extérieures, ayant fait défaut, le PLF 2024 ne tranche pas la  question du financement. En effet, en l’absence d’un accord avec le FMI, l’impossibilité de recourir aux financements extérieurs pose aujourd’hui un vrai problème, d’autant plus que la Tunisie est un pays importateur d’énergie et de blé. D’ailleurs,  Marrakchi n’a pas hésité, à cet égard, à mettre en garde contre la conversion d’une partie des financements extérieurs en financements intérieurs.

“En 2023, on n’est pas arrivé à mobiliser les ressources que nous avons prévues dans la loi de finances et on a basculé une partie des financements extérieurs vers les financements intérieurs. Et cela peut être grave […] Car dans ce cas, l’augmentation de la masse monétaire sera inflationniste parce que ce ne sont pas des crédits qui vont servir à financer l’investissement et donc, par ricochet, dynamiser l’économie. Le risque de dérapage inflationniste est important”, a expliqué l’économiste. Elle a ajouté que le recours excessif aux financements intérieurs assèche les liquidités au détriment de l’investissement privé, un des principaux moteurs de la croissance. De plus, l’investissement privé se ressent de manière significative des coupes effectuées dans le budget de l’investissement public qui est son principal déterminant. 

Un budget incompressible et une réforme nécessaire

Selon Marrakchi, cette situation est inévitable dans la mesure où le budget de l’Etat est, de fait, incompressible. Car chaque dinar prévu dans le budget de l’Etat est dépensé comme suit : 550 millimes pour les salaires qui constituent un bloc incompressible et 450 millimes qui vont pour les interventions, à savoir les allocations sociales, les subventions et les interventions au titre des entreprises publiques. L’économiste a indiqué qu’en l’état actuel des choses, une réforme budgétaire, consistant  en une réallocation des ressources, est nécessaire pour pouvoir dégager de l’espace fiscal. Ainsi, la révision du système des subventions et la refonte de la gouvernance des entreprises publiques sont d’une urgence avérée.

“La publication et l’application de la loi (amendée) 89-9 relative aux entreprises publiques est une réforme qui ne nécessite aucun financement alors qu’elle permet d’améliorer l’efficacité et la gouvernance des entreprises publiques. Pourquoi cette inertie ? ”, a commenté Marrakchi.

Elle a, par ailleurs, critiqué l’absence de mesures impactantes au profit des PME qui sont les véritables créatrices de richesses en Tunisie. “L’absence d’une croissance vigoureuse qui permet de répondre aux difficultés financières du pays, constitue, à mon sens, le péché originel. Les déficits budgétaire et courant, ainsi que les déséquilibres macroéconomiques qui sont la partie apparente de l’iceberg, puisent leur origine dans cette incapacité à stimuler la croissance”, a-t-elle souligné. 

Ce problème s’explique, selon l’intervenante, par le maintien des barrières à l’entrée qui  interdisent toute concurrence vertueuse capable de challenger le système, créer des emplois et équilibrer le marché.

Les cartels, les monopoles, les autorisations ainsi que les cahiers des charges sont tous des formes de barrières qui barrent la route aux jeunes entrepreneurs innovants. “C’est une économie fermée de l’intérieur même si elle est ouverte à l’extérieur”, a-t-elle asséné.

Par ailleurs, Marrakchi s’est attardée sur l’analyse des hypothèses qui sous-tendent le PLF 2024.  Elle estime que ces dernières ne tiennent pas compte de l’environnement économique international : en effet, avec un prix de baril fixé à 81 dollars, il s’agit, selon le professeur, d’une sous-estimation, surtout que le prix devrait connaître une forte augmentation au cours de la période à venir, vu les évolutions géopolitiques récentes. S’agissant des estimations de la croissance, l’intervenante argue qu’un taux de 2,1% n’est pas ambitieux.

Des mesures envisageables pour augmenter les recettes fiscales

Évoquant le manque à gagner causé par le développement de l’économie informelle, Mohamed Salah Ayari, membre du conseil national de la fiscalité, a appelé à prendre des mesures permettant de réintégrer ce secteur au circuit économique. Il s’agit essentiellement de changer les billets de banque, tout en régularisant la situation des opérateurs de l’économie informelle, et ce, après s’être acquittés d’un montant équivalent à 10% des sommes qu’ils devront verser aux banques. De surcroît, une amnistie fiscale peut aider, d’après l’intervenant, à renflouer les caisses de l’Etat et augmenter les recettes fiscales dans un contexte économique difficile où les PME peinent à générer de la croissance. Selon Ayari, la nécessité d’élaborer un nouveau code d’investissement n’est plus à démontrer.

La croissance économique, n’est pas le principal objectif du PLF 2024

De son côté, Anis Wahabi, expert comptable, a fait savoir que la dynamisation de l’économie ne figure pas parmi les objectifs du PLF 2024, et ce, conformément à ce qui a été annoncé aussi bien par la loi elle-même ou par le document des grandes orientations du budget publié par le ministère de l’Économie.

Rétablissement de l’équilibre des finances publiques, maîtrise des dépenses de subvention et renforcement du rôle social de l’Etat, tels sont les principaux objectifs du PLF 2024 qui laisse, cependant, entrevoir des difficultés à mobiliser des financements. Pour l’expert comptable, il est nécessaire de se débarrasser de l’esprit comptable pour pouvoir concevoir des lois de finances qui permettent de stimuler les investissements.

Commentant l’instauration de nouvelles taxes sur les produits laitiers ainsi que l’augmentation de la taxe de séjour appliquée dans le secteur touristique, Wahabi a estimé que ces mesures ne traitent pas le problème des subventions à la racine et ne font que porter préjudice à des secteurs économiques clés.

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