ONG épinglées par la justice : L’aide humanitaire ne devra pas être le cheval de Troie
Répondre aux objectifs stipulés dans les statuts constitutifs, tout en respectant les obligations prévues par la loi, est une chose. Tenter de contourner la loi dans le cadre des activités associatives, c’en est une autre.
Une organisation nationale non gouvernementale créée en juin 2016 active dans le domaine de l’asile a été épinglée par la justice. Cette décision vient confirmer des craintes émises à l’endroit de quelques ONG qui risquent de faire acte d’ingérence ou de se substituer à l’Etat, en particulier dans le traitement de l’épineuse question de la migration irrégulière et des demandeurs d’asile. Le risque est que l’aide humanitaire risque de faire office de cheval de Troie.
Il arrive même que des ONG usent de subterfuges et de moyens détournés pour renflouer leurs caisses et jouer le rôle de «missionnaire» au profit de pays tiers, sans prendre en considération les graves dangers qu’elle encourent. Faire fi des principes fondamentaux qui régissent les activités des associations, à savoir la neutralité et l’indépendance, semble être le sport favori de certains acteurs associatifs qui ne peuvent résister devant la tentation des pratiques marchandes.
Un timing bien douteux
Une association a été récemment mise en cause par la justice à la suite de la publication d’un appel d’offres pour héberger des migrants, et ce, sans coordination avec les autorités sécuritaire et administrative, selon la déclaration du porte-parole du Tribunal de première instance de Tunis, Mohamed Zitouna. A ce propos, deux mandats de dépôt ont été émis à l’encontre du président d’une association et de son adjoint. Pour mieux aborder cette question, il est utile de rappeler qu’une association à caractère humanitaire et social « active dans le domaine de la gestion des questions relatives aux réfugiés et aux demandeurs d’asile en Tunisie», vient de publier un appel d’offres par le biais duquel elle invite «les sociétés de prestation de services spécialisées en hôtellerie à présenter une offre technique et une offre financière pour la fourniture de services».
En apparence, tout semble en règle, sauf que l’ONG en question a manifestement dépassé ses attributions et les objectifs fixés dans son statut constitutif. Pire, elle s’est comportée de manière qui a laissé perplexe plus d’un et a suscité des interrogations, puisque le traitement de cette question incombe en premier lieu à l’Etat. Une position exprimée plus d’une fois au plus haut sommet de l’Etat, dans le cadre des concertations avec les pays de l’Union européenne et des accords bilatéraux et multilatéraux.
Pourquoi cette association veut-elle se substituer à l’Etat à ce moment précis où notre pays a entamé une phase décisive dans sa lutte contre les flux migratoires, notamment des Subsahariens en situation irrégulière ? Comment se lancer dans de telles initiatives sans coordination avec les autorités ? Ou bien s’agit-il d’un ballon d’essai pour sonder la réaction ?
Dans les deux cas de figure, c’est l’ONG en question qui risque gros dans cette affaire. C’est-à-dire soit la mise en demeure soit la suspension d’activité au vu du décret-loi n° 2011-88 du 24 septembre 2011, portant organisation des associations. Cette décision est prononcée par un jugement du tribunal de première instance de Tunis à la demande du secrétaire général du gouvernement ou de quiconque ayant intérêt et ce, au cas où l’association poursuivrait ses «activités illégales» malgré la mise en demeure, et l’épuisement des voies de recours contre la décision de suspension d’activité.
On rappelle à ce propos que le juge d’instruction a émis les mandats de dépôt à l’encontre du président de cette association et de son adjoint suite à l’ouverture d’une enquête relative à la formation d’une entente en vue d’aider une personne à entrer sur le territoire tunisien sans document de voyage. D’autres ONG fournissant un soutien financier aux migrants irréguliers sont également dans le collimateur de la justice.
La loi pénale ne prête pas à équivoque
Interrogé à ce sujet, maître Karim Jouaihia, avocat à la Cour de cassation, répond à La Presse, que sans entrer dans les détails de l’instruction en cours et d’un point de vue strictement juridique, la loi n°7 du 08/03/1968 relative à la condition des étrangers en Tunisie dispose dans son article 25 que toute personne qui, sciemment, aide directement ou indirectement ou tente de faciliter l’entrée, la sortie, la circulation ou le séjour irrégulier d’un étranger en Tunisie, est passible d’une peine d’emprisonnement assortie d’une amende. Par conséquent, il est légalement interdit d’apporter de l’aide aux étrangers voulant entrer ou s’installer d’une façon illégale en Tunisie.
Toutefois, il importe de préciser à ce sujet que, parmi les étrangers, les réfugiés bénéficient d’un régime exceptionnel. En effet, la convention de Genève relative au statut des réfugiés et ratifiée par la Tunisie depuis 1957, prévoit qu’aucune sanction pénale ne peut être appliquée aux réfugiés du fait de leur entrée ou de leur séjour irrégulier dans le pays d’accueil. Il s’ensuit que la question de la légalité d’apporter de l’aide à des réfugiés dans un but exclusivement humanitaire devrait être traitée sous cet angle bien particulier.
Il est utile donc de rappeler que les dispositions du côté pénal sont claires et ne prêtent pas à équivoque, mais c’est plutôt au niveau de l’interprétation de certains articles inhérents à la loi n° 2011-88, relative aux associations que la situation se complique, d’où le projet d’amendement de cette loi qui fait déjà jaser. Ce projet a été soumis lundi 6 mai à la Commission parlementaire des droits et des libertés, en présence des représentants du ministère des Finances
Dans leurs interventions, les représentants de l’ARP ont soulevé un certain nombre de questions, dont les plus importantes sont en rapport avec le contrôle du financement des associations, le rôle qui devrait être attribué à la Banque centrale et l’imposition d’un contrôle préalable et ultérieur pour garantir le bon fonctionnement des associations ainsi que la bonne gestion des fonds associatifs.
Au demeurant, il est important que le respect des principes de l’État de droit ne soit, en aucun cas, compromis par des manœuvres douteuses qui pourraient mettre en péril la sécurité du pays.
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