Culture

ON NOUS ECRIT – Retour sur « Hadret Ishq » de Ghalia Benali : La Beauté de la poésie chantée

Se laisser envoûter par la voix à la fois forte et veloutée, rauque et chaude de « la gitane », c’est écouter ce souffle spirituel intérieur qui arrive de très loin. En ce mois saint de ramadan, par la mélodie et le rythme et grâce à sa vision profonde, Ghalia Benali, artiste multidimensionnelle, passionnée et inventive, a produit un état d’envoûtement d’un public venu l’apprécier.

Hors des sentiers battus, Ghalia Benali, sans ses musiciens, entame son concert par un poème chanté de l’emblématique Mahmoud Darwich Laeb : Al nard (le lanceur de dés); un clin d’œil qui veut tout dire. Ensuite, elle appelle à la rejoindre les cinq musiciens qui composent son orchestre : Moufadhel Adhoum pour le luth, Laurent Blondiau pour la trompette, Hamza Obba pour le violon, Chawki Kifaya pour la contrebasse et Nasreddine Chably pour la percussion. Seul le trompettiste n’est pas tunisien et vient de Belgique.

De par ses origines tunisiennes, fidèle ambassadrice de la langue et culture arabes, la fameuse chanson Les Quatrains (Robaa’eyet) du poète persan Omar El Khayyam, traduite par Ahmed Rami, composée par Riadh Essombati et chantée par l’astre de l’Orient Om Khalthoum en 1950, a fait partie du programme magistral de la soirée. Ensuite Ghalia Benali a enchaîné avec ses propres compositions. Un poème de Rabaa al Adawiyya la soufie et poétesse musulmane (Dama Daiyman), un autre de Mufid Al-Baldawi d’Irak (Thiqy), un troisième de Mohamed Fitouri du Soudan (Shahubat Rouhi) et un quatrième de Seif Kribi de Tunisie (Ya Khaligy) se sont succédé.

Outre la chanson d’Oum Kalthoum, le public a pu se délecter par des poèmes d’antan et d’aujourd’hui, tous composés par Ghalia Benali. Les sujets traitent de la passion divine ou amoureuse. Mettre des poèmes en musique contribue à faire découvrir la valeur du vers, de la strophe sous forme de refrain et à le faire apprécier sous un jour nouveau. 

Les vers chantés de la poésie arabe littéraire peuvent parfois ne pas révéler leur sens à la première écoute. Mais dans les nuances infinies des sonorités et de la gestuelle accomplies par l’artiste, nous percevons tout au fond la vérité du mot et du vers chanté. La répétition du mot, à la façon d’une prière, pourrait à lui seul peser aussi éloquemment qu’une phrase.

De même qu’un seul vers pourrait exprimer ce que traduit et veut transmettre tout un poème. Lorsque du plus profond de Ghalia Benali le son monte et qu’elle lève les deux bras, ses épaules bougent et font remuer la longue plume rouge accrochée à son corsage doré. Si on la voit continuer à lever les bras tout au long du concert, c’est parce qu’elle dirige ses musiciens avec la plume tenue dans sa main droite. Toute entière en action, bras, cheveux formés en deux tresses, plume et jupe tournoyante noire parsemée de pois lumineux frémissent. L’artiste vibre et nous également spectatrices et spectateurs ! 

La voix et les notes de Ghalia Benali venues des tréfonds résonnent sous la voûte du vieux théâtre doré de Tunis et nous captivent. Que de chemin parcouru pour exercer ses cordes vocales depuis ses huit ans ! Une trajectoire riche d’expériences. Pour exprimer la force et l’ampleur de sa voix, il n’est pas illusoire de la comparer à un instrument musical.

Au fil des concerts donnés par l’artiste Ghalia Benali en Tunisie, en cette Tuniso-Belge de chant, de danse, de conte, d’écriture, de peinture et de cinéma, je découvre une artiste complète. De par son ancrage bruxellois, « la fille du vent » accède aux scènes du monde entier. Loin de toutes formes de dogmatisme, elle fait un avec le poème qu’elle chante ! Lors de ce concert Hadret Ishq, à la beauté de la langue arabe se sont conjugués les images poétiques et les mélodies et rythmes musicaux de l’Orient et de l’Occident.

Mes remerciements vont à l’authentique Ghalia Benali surnommée «l’Aretha Franklin de Carthage». Sa générosité, sa présence et son anticonformisme sont un modèle. J’adresse également mes remerciements à l’Association du Festival de la Médina de Tunis pour la programmation.

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