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Nouvelle loi relative au chèque sans provision : Les banques tenues de vérifier la solvabilité de leurs clients

 

En dépit des explications apportées par les experts, le flou persiste encore autour de certains articles amendés et des nouvelles procédures concernant le chèque sans provision, d’autant que certains utilisateurs sont soit en fuite à l’étranger, soit derrière les barreaux ou encore sous le coup d’un avis de recherche, pour avoir émis des chèques sans provision. En août dernier, la nouvelle loi 41-2024 relative aux chèques sans provision a été publiée au Jort, après sa ratification par le Chef de l’Etat. Elle entrera en vigueur dans quatre mois, précisément en janvier 2025.

Selon l’ancien article 411 du Code de commerce, la personne qui émet un chèque sans provision est punie d’une peine de cinq ans et d’une amende égale au montant du chèque ou de l’insuffisance de provision. Dans la version ancienne de la loi en question, il n’était pas possible pour les condamnés dans plusieurs affaires de chèques sans provision de demander une révision des peines de prison, en regroupant certaines peines, en raison de l’article 411 quater qui stipule que les peines ne peuvent être confondues.
D’après l’ancienne loi, les banques se désengagent de toute responsabilité dans l’émission des chèques sans provision. Qu’est-ce qui a changé, se demande alors la majorité des usagers ?

Les principales dispositions de la nouvelle loi

Il s’agit tout d’abord de l’article 411 nouveau qui a revu à la baisse la peine d’emprisonnement. En effet, sont punis de deux ans de prison et d’une amende de 20% du montant du chèque les émetteurs d’un chèque d’une valeur supérieure à cinq mille dinars sans provision et non régularisé, alors que les tireurs de chèques impayés d’une valeur inférieure ou égale à 5.000 dinars ne feront plus l’objet de poursuites pénales. Mais attention, est concernée par cette peine toute personne qui a accepté un chèque impayé, tout en étant informée de l’absence ou de l’insuffisance de la provision et quiconque reçoit un chèque à titre de garantie. L’expert-comptable Kaïs Fekih nous apporte un éclairage précieux : «Il n’y a pas de délit pour quiconque émet un chèque sans provision dont le montant est égal ou inférieur à cinq mille dinars. Les chèques d’un montant inférieur à 5.000 dinars doivent toutefois être honorés par la banque dès l’expiration de sept jours ouvrables, à compter de la date de présentation du chèque, sans que le tireur ne fournisse la provision requise». La banque ayant remis des chèques au tireur et qui ne les a pas annulés, malgré l’absence de provision, est, elle aussi, punie d’une amende de 40% de la valeur du chèque ou du reliquat impayé du chèque, ajoute-t-il
Sur un autre plan, les personnes condamnées dans plusieurs affaires de chèques émis sans provision peuvent désormais bénéficier du non-cumul de peines en cas d’émission de plusieurs chèques sans provision. La nouvelle loi permet la possibilité de faire des demandes de remise des peines cumulées de plus de 20 ans (réduction à un maximum de 10 ans) et les peines de 10 à 20 ans (réduction à 5 ans).

Nouvelle plateforme numérique et validité d’un chèque

Selon le bureau d’expertise et de conseil géré par l’expert Hichem Amouri et concern a n t l e r è g l e m e n t des chèques d’après l’article 410 ter nouveau, la banque doit se connecter à «une plateforme de règlement et de gestion des chèques et elle doit garantir un accès gratuit à ses clients afin d’accéder à cette plateforme pour suivre leurs comptes, la situation des chèques émis et les montants bloqués, ainsi que pour consulter la situation des provisions des chèques reçus et bloquer leur valeur».
ciaire du chèque la disponibilité des fonds. Une fois la notification signifiée au bénéficiaire, le montant du chèque est bloqué et son paiement est assuré par la banque de l’émetteur. En cas d’indisponibilité totale ou partielle de la provision, la banque informe, via la plateforme, le bénéficiaire. Et prévient aussi le tireur qui doit fournir la provision dans un délai de 7 jours. En cas de défaut de régularisation de la part de cet émetteur, la banque notifie au bénéficiaire la non-régularisation et donne une attestation de non-règlement, afin d’être utilisée lors des poursuites judiciaires. Cette attestation génère automatiquement une interdiction d’émission de chèque à l’encontre du tireur, d’après la même source.
Quant aux conditions de validité d’un chèque, selon la nouvelle loi, la banque doit désormais vérifier la solvabilité des demandeurs de chéquiers et doit les inciter à recourir aux autres moyens de règlement (par carte, chèque électronique ou virement bancaire). La banque est appelée à fixer un plafond global et un délai de validité relatif à chaque chéquier, en fonction de la situation financière et de la solvabilité du tireur. Chaque chèque doit comporter un plafond qui ne peut dépasser 30.000 dinars, alors que la validité du chéquier est fixée par la banque et ne peut pas être inférieure à 6 mois. Chaque chèque doit comporter obligatoirement sa date limite de validité, rapporte l’expert Hichem Amouri.

Quelles sont les procédures de conciliation ?

Les poursuites pour émission de chèque sans provision ne peuvent être engagées que sur plainte du bénéficiaire et seul le procureur de la République est habilité à proposer une conciliation par médiation, avant d’engager l’action publique, dans un délai d’un mois, à l’initiative du plaignant ou de la banque, souligne pour sa part l’expertcomptable Kais Fekih.
Un tireur en détention peut demander au procureur de formaliser son engagement par un acte unilatéral consigné dans un procès-verbal. Le bénéficiaire est, dans ce cas, informé du dépôt de l’engagement ou de l’accord au tribunal compétent par un huissier, conformément au Code de procédure civile et commerciale.

Mesures transitoires

En tenant compte des dispositions relatives au règlement définitif du chèque sans provision prévues aux articles 410 quater (nouveau) et 411 quinquies (nouveau) du Code de commerce, toute personne faisant l’objet de poursuites judiciaires devant les tribunaux, ou ayant été condamnée pour délit d’émission de chèque sans provision et ayant fait l’objet d’une attestation de non-paiement ou d’un procèsverbal pour non-paiement au siège de la banque avant la date de publication de cette loi au Journal Officiel de la République Tunisienne peut bénéficier de la suspension temporaire du procès ou de l’exécution de la peine d’emprisonnement prononcée, selon le cas, sous réserve du respect de certaines conditions.
Parmi ces conditions, la conclusion d’un accord avec le bénéficiaire pour un paiement différé avec preuve valable, comprenant un engagement de payer le montant total du chèque ou le solde restant dans un délai d’au moins neuf mois.

Quels impacts après la réforme ?

Selon l’avis de notre expert Kaïs Fekih, cette réforme marque un tournant majeur dans les pratiques bancaires et les comportements des clients. En durcissant les conditions d’obtention des carnets de chèques, elle introduit des règles qui s’apparentent à une forme de crédit. Désormais, les banques devront évaluer la solvabilité de leurs clients avant de leur délivrer un carnet de chèques, en tenant compte de facteurs tels que le niveau d’endettement et la capacité à couvrir les paiements par chèque, donc une meilleure évaluation de la solvabilité des clients tout en renforçant la sécurité des transactions.
D’après notre expert, les nouvelles conditions d’accès aux chèques sont si rigoureuses qu’elles risquent de mettre fin à leur utilisation généralisée, notamment par les petits commerçants et les particuliers, ce qui complique l’accès à cet outil de paiement pour les clients aux finances fragiles, surtout dans un contexte dans lequel la majorité des entreprises tunisiennes, caractérisées par la faiblesse de leurs capitaux propres, utilisaient le chèque davantage comme un instrument de crédit que comme un moyen de paiement à vue. Par ailleurs, l’introduction d’une plateforme numérique obligatoire pour la gestion des chèques, supervisée par la Banque centrale de Tunisie, témoigne d’une volonté d’améliorer la transparence et la sécurité des transactions. Cependant, cette digitalisation pourrait s’avérer contraignante pour les utilisateurs moins familiers avec les technologies numériques, ce qui pourrait également dissuader l’utilisation des chèques.
Pour la justice, les réformes offrent un contrôle plus rigoureux des infractions liées aux chèques sans provision. Elles permettent aussi de proposer des solutions alternatives à l’incarcération, ce qui peut alléger la charge judiciaire et les tribunaux. Ainsi, l’efficacité de ces mesures dépendra de leur mise en œuvre concrète et de la capacité des autorités à prévenir les abus.
De plus, la possibilité d’une conciliation organisée par le tribunal, ainsi que la révision des peines cumulées, combinées au durcissement des conditions d’octroi des carnets de chèques, devraient réduire le risque d’emprisonnement prolongé. Toutefois, bien que ces mesures dissuasives limitent les infractions mineures, elles pourraient paradoxalement encourager la récidive chez ceux qui réussiront à contourner les nouvelles restrictions, croyant à tort y voir une faille légale pour tromper et arnaquer les prestataires et les commerçants.
Sur un autre plan, la simplification de la procédure de fermeture des comptes bancaires, qu’ils soient abandonnés ou non, représente une opportunité pour de nombreux titulaires de compte. Elle met fin, selon notre interlocuteur, à l’accumulation indéfinie de frais de gestion pour les comptes inactifs, souvent oubliés ou négligés. Néanmoins, cette réforme, tout en augmentant la responsabilité des titulaires de chèques, pourrait entraîner des malentendus parmi les utilisateurs, qui pourraient confondre la fermeture de leur compte avec l’annulation de leur découvert. Or, une procédure contentieuse sera toujours lancée par la banque, risquant d’aboutir à une interdiction bancaire pour le titulaire du compte clôturé.

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