Culture

Nadia Kaabi | Linke expose à La Boîte, du 24 octobre 2023 au 23 février 2024 : Conceptuel et biographique

 

D’ici et de là, on rencontre des artistes conceptuels, ils s’en trouvent même de plus en plus en Tunisie. Les œuvres se déclinent à l’infini, il y a les pièces ironiques, d’autres politiques ou encore philosophiques, sociologiques ou écologiques. Ces pièces sont peintes, photographiées, installées ou même éphémères ou dématérialisées (pensez aux ampoules remplies d’air du père des installations Marcel Duchamp ou à Yves Klein, etc.). Bref, chacun s’exprime selon ses matériaux, ses connaissances et son savoir idéologique.

Nadia Kaabi-Linke bénéficie d’une formation académique (Beaux-Arts de Tunis), qu’elle quitte pour aller fréquenter les tendances contemporaines à Berlin ( la ville où tous les possibles se croisent et évoluent) où elle réside depuis longtemps. Les années passent, Nadia Kaabi-Linke a acquis une solide formation artistique et une notoriété internationale, elle expose dans les villes qui comptent artistiquement, Berlin, Paris, Abou Dhabi, Kiev, etc. Ses œuvres sont exposées dans plusieurs musées ( Beaubourg, Berlin, New York, Abou Dhabi, etc). Elle expose actuellement à La Boîte à La Charguia, un lieu d’art contemporain dirigé de main de maître  par Fatma Kilani. Cette présence en Tunisie boucle une série de trois expositions (Berlin, Kiev, Tunis) qui évoquent la biographie de l’artiste.

L’éphémère…

Le week-end dernier (samedi 21 et dimanche 22 octobre), en première partie de ses travaux, l’artiste a  montré une installation dont l’objet a le mérite d’être clair. Le nom de l’installation est ONS, les Tunisiens ne connaissent qu’une seule Ons, Ons Jabeur la tenniswoman, dont le nom a dépassé les frontières. C’est dans un hôtel en friche, portant un nom mythique, Mégara, qui porte une longue histoire du tourisme des années 60-70 et dont il ne reste que le nom, des gravats, des chambres éventrées, une piscine désaffectée et une vue enivrante, à couper le souffle sur la mer. La piscine est au milieu du terrain, dans son fond, évidemment vide en céramique bleue, Nadia a installé un court de tennis, couleurs terre battue et tracés blancs.  On se trouve chez Ons, l’association est vite passée, le message s’éclaircit. Mais le court installé, avec filet au milieu, prend la forme de la piscine, il est donc en pente. «… c’est la montée vers l’exploit, les hauteurs, vers la gloire internationale de notre Ons», explique Nadia, « à l’image de votre réussite », avons-nous ajouté, toutes proportions gardées.

… Et le durable

Lundi 23, rendez-vous pris à La Boîte à la Charguia. Beaucoup de visiteurs à la première exposition institutionnelle de l’artiste en Tunisie, Nadia Kaabi-Linke est très sollicitée, des journalistes, des amateurs, des questions sur les œuvres apparemment hétéroclites,  des photos posées sur les murs, des scènes qui interpellent, des personnages transportant une planche à surf, le torse est séparé des pieds, impression bizarre,  Nadia explique, répond et pose des questions, après tout, c’est sa biographie qu’elle expose, « avant de commencer une œuvre, je cherche, je creuse, je pose des questions, j’évalue les jugements… », son travail s’apparente à celui d’un sociologue : tâtonnements,  approches, recoupements, approfondissement, etc. Le résultat ? Des restes d’éléments épars, « pop-up » éphémères qui montrent l’état du monde. Les objets montrés sont déstructurés, n’eussent été leurs côtés structurés, on les aurait défini de surréalistes. Apparemment et vu le traitement des scènes, ce travail se présente comme incohérent, mais à y voir plus clair, l’ensemble reflète la pensée de Nadia, qui tire sur tout ce qui bouge, ses sujets sont renforcés par une réflexion mûrie, engagée et conséquente. Vingt ans de vie à l’étranger, des événements marquants, d’autres banals et des souvenirs plein la tête, artiste conceptuel multimédia, elle a parcouru le monde, d’Europe au Moyen-Orient, mais ses marques biographiques reviennent dans ses œuvres, comment ? Par ses retours sur sa biographie, ses expériences, ses questionnements sur la vie, la vie de ses proches, etc. Ses titres annoncent le jeu, sur la migration (No, 2012); sur la technologie (Crashed Memories Twenty Eleven) ; sur la superstition (Mare Crisium, 2020) ; sur les rêves et les croyances ( Ons), etc. Nadia est intarissable quand elle développe son discours, chaque œuvre est une aventure  dans sa bouche. Mieux, une discussion avec elle donne des couleurs à ce monde qui, apparemment, va à sa perte.

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