Monastir : Désastre aux pieds du Ribat
A Monastir, vraisemblablement beaucoup plus qu’ailleurs, on semble se procurer un plaisir exquis à défigurer certains monuments classés par l’Institut national du patrimoine –INP-. Autrement comment expliquer ce phénomène nouveau se concrétisant par deux projets quasi concomitant : le premier, une bâtisse de quatre étages juste derrière le Mausolée Bourguiba qui défigure les deux belles coupoles du Mausolée et le second, l’édification de six kiosques en dur aux pieds du Ribat. Autant dire un véritable désastre qui portera atteinte à la beauté de ce site, le premier d’une série de forteresses édifiées dans le pourtour méditerranéen.
Si, pour le premier dépassement, l’Association de sauvegarde de la ville de Monastir a porté plainte auprès du Tribunal administratif et a réussi à retirer le permis de bâtir obtenu d’une manière quasi frauduleuse, pour le second dépassement c’est vraisemblablement l’Institut national du patrimoine –INP- qui n’a pas été informé de la teneur du projet qui réagit pour la sauvegarde de ce patrimoine classé.
De quoi s’agit-il exactement ?
Au cours de la dernière décennie et parfois bien avant, des citoyens en mal de «gagne-pain» n’ont pas trouvé mieux que d’édifier des échoppes en tôle aux pieds du Ribat au su et au vu des autorités qui n’ont réagi que timidement pour ne pas dire qu’elles ont laissé faire. Les citoyens ont crié au scandale sur les réseaux sociaux. Rien n’y fit. La fréquence des changements des gouverneurs et autres Conseils municipaux spéciaux ont fait que les choses ont empiré. Et les baraques en tôle de se multiplier le long de la corniche appelée Al Karrayia. Mieux. Un citoyen a eu l’audace d’élever une bâtisse de quatre niveaux juste derrière la maison natale de Bourguiba, place 3 août. Elle y est toujours.
Avec l’arrivée du projet de rénovation de la Karrayia par l’Office du tourisme, l’occasion fut propice pour donner à cette belle corniche la place qu’elle mérite en enlevant ces échoppes de fortune et en les remplaçant par de beaux kiosques. L’idée était de les ramener à la Place 3 août bien spacieuse et fort animée par beau temps. Le Conseil municipal dont je faisais partie en a longuement débattu. Des améliorations ont été proposées.
Mais, coup de théâtre, Monastir assistait il y a deux mois à l’ouverture d’un véritable chantier aux pieds du Ribat pour l’édification de six kiosques en dur pour remplacer les commerces supprimés. Très moche. Un désastre avec l’accord du Conseil municipal. Dans un communiqué la Mairie persiste et signe : « Tout est fait dans les règles de l’art ». Soit.
Dans ce cas pourquoi l’INP a été mis devant le fait accompli ? A cette période et j’en suis témoin, le Conseil municipal avait du mal, beaucoup de mal à se réunir faute de quorum. De report en report, le règlement dit que le Conseil municipal peut se réunir avec seulement le tiers de ses membres. Donc 10 sur 30 conseillers. Avouez qu’il est beaucoup plus facile de convaincre dix que trente personnes. Mais au-delà du règlement, comment ceux qui avaient adopté ce projet avaient accepté une telle atteinte à l’environnement immédiat du Ribat ? Cela dépasse l’entendement !
Espérons que l’INA saura remettre les pendules à l’heure à un moment où un groupe d’hommes d’affaires en parfait accord avec certains responsables clament haut et fort que Monastir et ses citoyens sont contre le modernisme et l’extension de leur ville par la non-acceptation de certains projets dont, me semble-t-il, ceux qui piétinent nos monuments classés et défigurent l’environnement de la ville.
A ceux-là, je dirais que Monastir est l’une des rares villes de Tunisie dont la métamorphose est quasi-totale depuis l’indépendance.
C’est vrai que les terrains à bâtir y sont de plus en plus rares mais ils existent toujours. Il faut y mettre le prix. C’est la loi du marché.
Mohamed BERGAOUI
Journaliste-écrivain
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