Culture

Mes Humeurs: L’homme qui aimait les fleurs

Sans prévenir, la faucheuse a emporté l’artiste dans l’autre monde ; Lamine Sassi avait encore la main et l’esprit pour produire encore de belles œuvres, il avait du temps pour chanter dans les bistrots, pour bavarder et gloser à n’en plus finir sur son œuvre. La mort en a voulu autrement, hélas ! Jeudi noir. Artistes, amis, parents, cousins, voisins ont accompagné Lamine Sassi à sa dernière demeure. Fatalement, les souvenirs proches ou lointains ont été tristement évoqués.

Le titre de cette rubrique provient du film «L’homme qui aimait les femmes», de François Truffaut dont on célèbre cette année le 40e anniversaire de sa mort. Pourquoi ce titre à propos de Lamine Sassi ? Parce que la majeure partie de ses tableaux célèbre les femmes portant une fleur. Un sujet forcément inépuisable, les femmes peintes sont reconnaissables à leurs beaux visages, séduisantes, leurs bustes sont graciles, leurs cheveux ondulés, moirés ; elles sont différentes les unes des autres, souvent vues de face, les lignes assouplies autour du visage et du corps.

Et… détail d’importance, qui distingue ses personnages et leur donne la «marque», le «Label Sassi», c’est la fleur à l’oreille, un ornement, un symbole qui reflète l’homme et sa peinture. D’où lui vient ce caprice ? On peut penser à «l’Olympia», tableau de Manet qui a fait scandale à l’époque.

Pour l’avoir fréquenté depuis des décennies et avoir écrit des articles sur ses expositions, j’ai longtemps déduit qu’il tenait ses portraits de femmes à la fleur de son «maître» Bouabana (c’est ainsi qu’il appelait son aîné). Il m’accordait cette interprétation, mais il opposait son argument qui dit que l’idée et la présence de la fleur n’ont rien d’étrange : son père était fleuriste. Lamine a fait de cet argument une manière, un certain mode de vie, toujours dans le ton, dans la logique florale, il appelle sa fille Yasmine, il arborait une fleur à l’oreille (en été c’était souvent un œillet pour se distinguer des communs qui portent en cette saison une fleur de jasmin).

Il était insensible à l’art abstrait, quasi allergique aux tendances modernes ( installations, Body art, street art et autres expressions contemporaines), à l’école des Beaux-Arts, il a suivi ses études avec des maîtres de la peinture classique, au dessin chez Ridha Ben Abdallah, en peinture chez Rafik El Kamel, deux ténors de l’art en Tunisie. Suivirent des expositions couronnées de plusieurs prix nationaux. Puis vint le maître Bouabana en compagnie duquel il passait des journées et surtout de longues nuits dans la capitale, il l’imitait dans sa démarche picturale (portraits, exécution rapide, des tableaux, jets spontanés), tout en étant singulier.

Son art a bonifié, il a cultivé ses personnages, affiné sa palette, les portraits se sont peaufinés. Les galeristes le courtisent, les collectionneurs l’admirent. La cote des œuvres monte, Lamine part, les fleurs demeurent.

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